obligé de développer ces questions dans un volume spécial, que j'espère pouvoir publier l'an prochain. Dans l'entretemps, je crois intéressant et opportun de rappeler et même d'applaudir la dernière jurisprudence de la Cour d'appel commerciale de la Capitale de la République. Ses derniers arrêts établissent la question sur ses véritables fondements scientifiques au point de vue du droit international privé. Voici en général les espèces qui ont motivé cette réaction de la jurisprudence. Quelques sociétés commerciales, organisées à l'étranger, spécialement en Belgique, se présentèrent à Buenos Aires, devant les juges en première instance, demandant l'inscription de leurs statuts dans le registre public de commerce d'après l'article 47 du Code. Les juges posèrent cette question préalable: Ces compagnies doivent-elles avant de commencer leurs opérations et de remplir le but de leur organisation, accomplir quelques formalités, ou suffit-il au contraire qu'elles justifient leur existence, d'après la loi en vigueur dans le pays de leur constitution, pour qu'elles puissent agir dans la République, sans autres formalités et conditions? Un des juges décida en faveur de l'inscription des compagnies sans l'autorisation préalable du pouvoir exécutif de la Nation. La Cour d'Appel révoqua la décision du juge, qui était pourtant fondée dans les principes du droit international privé, admis par notre législation. Dans un cas pareil, un autre juge de première instance prit la ligne opposée de son collègue. Il refusa l'inscription des compagnies étrangères, quand elles n'étaient pas autorisées auparavant par le pouvoir exécutif. « Quel motif juridique, disait-il, ni quel intérêt général < peut-on invoquer pour soustraire les sociétés organisées en pays étranger, aux règles et aux formalités établies par le législateur pour celles qui se forment dans le territoire de l'Etat ? Pour quel motif créerait-on en faveur « des premières un privilège aussi extraordinaire, qui bri⚫ serait l'égalité civile proclamée dans la constitution de la République, et dans les institutions organiques du pays? La loi commune applicable aux affaires mercantiles, lorsqu'il n'existe pas dans le droit commercial une disposition spéciale qui les régissent, établit que les con<trats qui doivent être exécutés dans le territoire, seront jugés, quant à leur validité, leur nature et leurs obliga<tions par les lois de la République, soient les contractants << nationaux ou étrangers (art. 1209, code civ.). Ces princi< pes et la doctrine de l'article 287 du Code de Commerce « décident leurs cas. Si par nos lois les sociétés anonymes ne peuvent pas être légalement organisées sans l'autori<sation du pouvoir administratif, il est évident que celles <formées en pays étrangers pour s'établir et faire le com<merce dans la République sont soumises à la même formalité.» L'erreur de cette interprétation est évidente puisque le droit argentin, en admettant et codifiant les règles du droit international privé, dans l'esprit de l'article 230 du code italien, a sanctionné une exception aux règles générales de contrats du code Civil. Je me réserve la démonstration nécessaire pour l'ouvrage spécial, dont j'ai parlé, sur les sociétés commerciales étrangères dans la République, en me bornant dans ces lignes, rédigées dans un intérêt plus de chronique que de doctrine, à constater la réaction de la Cour d'Appel qui dans le dernier cas, révoqua la décision du juge, déclarant que l'inscription dans le registre des statuts de ces sociétés étrangères, devait être ordonné par les tribunaux quoique le pouvoir exécutif ne leur eût pas concédé son exequatur. Dans sa récente jurisprudence la Cour est allée encore plus loin, en posant la doctrine, que le dit exequatur n'était pas nécessaire. . Que la société pétitionnante a été légalement organisée dans un pays étranger; qu'elle n'est pas comprise dans l'ar<ticle 286 du Code de commerce, modifié par la loi 3528, (1) puisqu'elle est formée par des capitaux étrangers, ayant son directoire et les réunions générales de ses actionnaires en Belgique, ne pouvant pas être par conséquent considérée comme une société nationale; (1) Article 286 modifié : « Les sociétés organisées en pays étranger pour <exercer leur commerce principal dans la République, avec la plupart de leurs capitaux réunis dans celle-ci ou qu'elles y aient établi leur directoire central et les réunions de leurs actionnaires, seront considérées pour tous ces effets, comme des sociétés nationales, sujettes aux dispositions de ce Code. » > Que par conséquent elle peut exercer sa capacité dans « la République, sans se soumettre à d'autres obligations que ⚫ celles qu'établit l'article 287 du code cité, (1), qui sont précisément celles que la société se propose de remplir. > Ces doctrines de la Cour incorporent la République Argentine au mouvement universel sur le régime légal de sociétés par actions. La suppression de l'autorisation préalable et de l'inspection par des fonctionnaires exécutifs fut initiée en Angleterre, et suivie par la France, l'Espagne, le Portugal, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, la Suisse et la Hongrie. Cette même doctrine était déjà admise dès 1853 par la constitution argentine en déclarant l'égalité civile entre les étrangers et les nationaux. On ne voit pas la raison pour laquelle cette égalité civile des personnes vivantes ne s'étende point aux personnes juridiques sujettes les unes et les autres au droit civil. Elle a été aussi incorporée au Code de commerce dans l'article 285, dont voici le texte : « Les sociétés léga «lement organisées en pays étrangers, qui n'aient pas leur siège, succursale ou une représentation quelconque dans la République, pourront toutefois vérifier dans son territoi<re les actes de commerce qui ne soient pas contraires à la « loi nationale. » Les tribunaux de la capitale viennent de confirmer tout récemment ces tendances libérales dans l'espèce suivante : En 1903, la compagnie anglaise Bright's Light Power, limited, organisée à Londres le 21 Juillet 1898, présenta ses statuts au même juge de commerce de la capitale qui avait refusé l'inscription de la compagnie déjà mentionnée. Un créancier de M. Bright, fondateur de la compagnie, s'opposa à l'inscription dans le registre accusant de simulation le document de fondation de la compagnie. Il prétendait que les biens de celle-ci, situés dans la République Argentine, ap (1) Article 287: « Les sociétés légalement organisées en pays étrangers, qui établissent dans la République des succursales ou n'importe quelle « sorte de représentation sociale, restent soumises comme les nationales « aux dispositions de ce Code, quant à leur inscription et à la publication des actes sociaux et des mandats des respectifs représentants; et dans « le cas de banqueroute elles restent soumises à l'article 1385. Les repré< sentants des dites sociétés ont à l'égard des tiers la même responsabi<lité que les administrateurs des sociétés nationales. partenaient en réalité au dit Bright. Il poursuivait le paiement de ses crédits avec les dits biens à la suite de la faillite de M. Bright, prononcée par le tribunal de Buenos Aires. Il prétendait aussi que la société était nationale par suite de la simulation; car elle avait son siège et son seul établissement commercial dans la République et y avait trouvé la plupart de son capital, M. Bright ayant organisé à Londres la société avec l'unique base des propriétés situées dans la République Argentine. Finalement il dénonçait qu'en même temps qu'il présentait cette opposition, il avait sollicité du pouvoir administratif la cassation de l'autorisation donnée à la compagnie, en lui attribuant le caractère de personne juridique. Le ministère public demanda qu'on obligeât les représentants de la compagnie à Buenos Aires à l'inscrire préalablement dans le registre public de commerce. Le juge décida le 1er août 1903 de rejeter la demande du ministère public, car aucune loi n'oblige les courtiers de la compagnie à s'inscrire dans le registre public de commerce. Quant au fond de la question il résolut que les documents présentés par la compagnie prouvaient suffisamment qu'elle était une société organisée à Londres, que d'autre part l'inscription des statuts était simplement une garantie pour les droits des créanciers argentins, de sorte que l'opposition de l'un d'eux était inexplicable. Il ordonna donc l'inscription de la société. Le créancier vaincu et condamné à payer les frais en appella à la Cour de commerce, laquelle deux mois après confirmait l'ordre d'inscription de la compagnie, faisant dans son arrêt quelques remarques très intéressantes. On a déjà vu qu'implicitement le juge de première instance avait refusé de considérer les questions relatives à la simulation de la société à l'étranger. La Cour fut encore plus explicite, en soutenant que la pétition pour inscrire les statuts et les pouvoirs des représentants d'une société anonyme ne constituent pas un procès ordinaire proprement dit, mais un simple acte de juridiction volontaire dont la substantiation n'est pas soumise aux règles du Code de procédure applicables aux procès ordinaires. Cette opinion de la Cour était une réponse négative au ministère public, qui avait attaqué la décision du juge de première instance, parce qu'il n'avait pas ordonné la présentation des preuves sur les faits allégués par l'opposition. La Cour déclarait ensuite que dans les incidents judiciaires de cette nature l'opposition n'avait pas le droit d'intervenir, puisque les droits qu'on prétendrait sur les biens de la société devaient être réclamés au moyen d'un procès ou jugement ordinaire; mais non dans un incident de cette nature, dans lequel les juges doivent décider seulement si l'inscription des statuts est viable d'après les dispositions du Code de commerce. La Cour considérait que la société était fondée à l'étranger, malgré les attaques de l'opposition. De cette solution uniforme dans les deux cas il résulte implicitement que les tribunaux argentins n'ont pas de juridiction pour examiner la validité du document fondateur de la société, ces droits appartenant au pays de l'organisation. Par conséquent la Cour confirmait la décision du juge de première instance, en ordonnant l'inscription des statuts. (1) E. S. ZEBALLOS. Ce 3 Août 1904. LE DROIT DE SUCCESSION DANS LA Législation et la Jurisprudence Argentines J'ai déjà exposé cette question dans le Bulletin (2), en commentant le Code civil et la jurisprudence des tribunaux. En examinant dans cette étude les décisions de la Cour civile d'appel de la ville de Buenos Aires, capitale de la République, je faisais remarquer que cette jurisprudence n'était ni ferme (1) Dans l'espèce la société Bright's Light Power limited fut défendue devant les tribunaux par notre directeur, le docteur E. S. Zeballos. (Le secrétaire de la rédaction). (2) Cf. n° II. p. 81 et voir le Rapport du ministère public, no IV, p. 277. |