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2o Toute personne qui, pour satisfaire les passions d'au« trui, aurait par la fraude ou la violence, des menaces, des abus d'autorité, ou tout autre moyen de coaction, embau«ché, entraîné ou égaré, une femme ou une fille majeure, « dans le but de la prostituer, quoique les faits qui constituent « l'infraction aient été réalisés en différents pays, sera punie. » Les autres articles relatifs à l'extradition des délinquants, à la transmission des commissions rogatoires, à la communication entre les Etats contractants, des bulletins de condamnation, en cas de délits commis dans différents territoires, se bornent à simplifier la procédure. On trouvera les détails dans le Livre jaune du Ministère des Affaires Étrangères de France, publié l'an passé, sous le titre de « Conférence internationale pour la répression de la traite des blanches. Documents diplomatiques du Ministère des Affaires Étrangères, Paris. »

Pour mettre à couvert la question de juridiction interne des nations, dans l'application des peines, auxquelles je me suis rapporté, le projet n'apporte aucune indication concernant les dites peines, les considérant du ressort des législations internes; mais afin de guider et d'éclairer le criterium du législateur, qui désire se mettre d'accord avec les propositions émises dans la convention, le projet de protocole indique l'esprit d'interprétation que l'on doit adopter, d'après lequel on doit désirer que les Etats contractants prennent les mesures nécessaires pour l'exécution des stipulations convenues.

La Conférence de Paris a donc clairement établi que l'être faible ou malheureux, doit être protégé, même hors de son pays, et a reconnu qu'il existe des devoirs internationaux qui s'imposent dans ce but aux nations civilisées. De ses travaux se détache l'idée vaguement exprimée encore, de l'existence en quelque sorte, d'un ordre public international. Je crois qu'il est bon que tous les Etats le reconnaissent et le sanctionnent, pour le bien de leurs nationaux et aussi par esprit de civilisation et de justice.

Cette conception, dont la haute portée morale peut avoir des conséquences considérables dans la marche de l'humanité, a déjà reçu un commencement d'exécution en France, où vient d'être approuvé par les deux Chambres un projet relatif à la répression de la traite, d'accord avec les principes établis dans la Conférence.

L'article premier de cette nouvelle loi, donne une amplification à l'article 354 du Code pénal français, qui est le seul qui traite des faits immoraux de ce genre. Il établit une peine, qui varie de six mois à trois ans de prison, et de 50 à 5.000 francs d'amende :

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Pour ceux qui attentent aux bonnes mœurs, en excitant, » favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption des mineurs des deux sexes. Pour ceux qui, pour « satisfaire les passions d'autrui, embauchent, entraînent ou égarent, quoique avec son consentement, une femme ou une jeune fille, mineure ou majeure pour la prostituer. Pour ceux qui, par les mêmes moyens, retiennent contre leur volonté, même si c'est pour des dettes contractées, une personne majeure ou mineure, dans une maison de tolérance; « ou l'obligent à se livrer à la prostitution. Si ces délits « avaient été provoqués, favorisés ou facilités par le père, la mère, ou le tuteur, la peine d'emprisonnement sera de trois « à cinq ans. Ces peines seront infligées même dans le cas où << les différents actes qui forment les éléments constitutifs des infractions, auraient été commis en d'autres pays.

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<< Les coupables d'un de ces délits, seront privés de plus de » toute tutelle ou curatelle et de toute participation aux « conseils de famille. Si le délit a été commis par le père ou << la mère, le coupable sera de plus privé des droits et privilèges accordés par la législation civile, sur la personne et

«

« les biens du fils. »

Dans cet article, le gouvernement français ne se borne pas à augmenter le nombre de faits punissables prévus par le Code pénal, mais il renforce la pénalité, puisqu'en ce qui regarde l'emprisonnement, il porte le maximum, qui, auparavant, était de deux ans à trois, et l'amende de 300 à 5.000 francs.

Se rapportant à cette dernière, le rapporteur disait à la Chambre des Députés : Il faudra approuver l'augmentation « de peine, spécialement en ce qui touche la somme, car ce << sont les peines pécuniaires celles que redoutent le plus ces « infâmes traitants. Il n'y a rien qui les décourage plus, que de proportionner les risques pécuniaires de leur triste mé<< tier aux bénéfices qu'ils espèrent obtenir. »

L'article deuxième se rapporte aux intermédiaires et aux

souteneurs. Il en donne la définition légale et établit la pénalité. « Contre de tels ennemis de la société, dit le rapporteur, la loi n'est jamais assez sévère. Et néanmoins, pendant longtemps, elle les a ignorés ! »

«

Le dit article établit que tous les individus qui ayant ou n'ayant pas un domicile fixe, n'obtiennent habituellement leur subsistance qu'en facilitant ou pratiquant sur la voie publique, l'exercice d'actions illicites, seront considérés comme vagabonds et punis avec les peines établies contre le vagabondage. Ceux qui feront le métier de souteneurs, seront condamnés de trois mois à deux ans de prison, et à une amende de 100 à 1.000 francs. Seront considérés tels, ceux qui aident, soutiennent ou protègent la prostitution d'autrui sur la voie publique, et partagent les bénéfices.

Telles sont les dernières dispositions essentielles de la nouvelle loi française.

Qu'il me soit permis d'examiner le plus brièvement possible, la législation de quelques nations européennes, en ce qui touche la moralité publique.

ALLEMAGNE. Le droit pénal allemand prévoit les cas d'excitation ou provocation à la débauche. D'après la législation allemande (Code pénal de l'Empire. 15 mai 1871), la traite (Kuppelei), est un acte par lequel on favorise la débauche par un intermédiaire ou proportionnant les occasions. Le paragraphe 180 du Code établit la peine de prison, quand ce délit est commis habituellement, ou par intérêt. Tout fait de traite, exécuté au moyen de procédés insidieux (paragraphe 181) est puni des travaux forcés en prison (Zuchthausstrafe). Si la traite concerne des personnes qui ont entre elles des relations morales (pères, tuteurs, ecclésiastiques, précepteurs), elle est punie avec des peines plus sévėres. Il y en a aussi pour la séduction (paragraphe 182) — le viol (117) le rapt des mineures (235) le rapt (236 et 237)

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En ce qui touche la persécution de la traite des femmes majeures, le droit allemand prévoit des peines, même pour les cas où la traite a lieu sans l'emploi de la ruse ou de la violence.

Le paragraphe 48 de la loi du 9 juin 1897 sur l'émigration (Bulletin des lois de l'Empire, page 403 et suivantes), établit

la peine des travaux forcés, jusqu'à cinq ans, pour les agents ou personnes qui trompent une femme, dans le but de la pousser à la licence professionnelle, dissimulant frauduleusement ce but, sous prétexte d'émigration.

AUTRICHE.

La législation autrichienne actuelle signale des peines pour toute espèce de commerce de jeunes filles et de proxénétisme. Les dispositions de la loi à ce sujet sont les suivantes :

Le fait de fournir de femmes les maisons étrangères de prostitution, au moyen de la fraude ou de violences, est puni dans les cas les plus graves des travaux forcés (de 5 à 10 ans), et assimilé au délit de rapt, d'après les paragraphes 90 et 91 du Code pénal. D'après ces articles, si la personne a eu sa vie en danger, la peine est portée jusqu'à 20 ans de travaux.

Le proxénétisme est puni d'après les paragraphes 132 et 133, de cinq ans de travaux forcés (quand il s'agit de filles, pupilles, etc.). Cette peine est seulement de trois à six mois dans le cas d'exercice professionnel.

BELGIQUE. Les articles 368 et suivants du Code pénal de ce royaume, condamnent à la réclusion ceux qui, au moyen d'artifices, de violences ou de menaces, ravissent ou s'emparent d'une mineure de 16 ans. Si la personne a suivi son ravisseur volontairement, la peine est moindre. On applique ces articles dans les cas de recrutement de mineures, auxquelles en promet la place de servantes dans des maisons honorables, et on les conduit dans des maisons de prostitution.

Les articles 379 et suivants, punissent avec des peines qui varient suivant l'âge de la victime et la condition du coupable, l'attentat contre les bonnes mœurs, en excitant, facilitant ou favorisant habituellement, pour favoriser les passions d'autrui, la débauche ou corruption des mineurs de l'un ou l'autre sexe. L'habitude, qui est une condition essentielle du délit, suppose plusieurs actes de corruption, mais n'exige pas la pluralité des victimes. Elle peut donc résulter du fait que le corrupteur savait que sa victime, en entrant dans la maison de tolérance, serait livrée à la débauche. Par conséquent, tout recrutement de mineures pour les maisons de tolérance est puni par la loi.

Enfin, les articles 489 et suivants répriment avec des peines criminelles en certains cas, la détention illégale et arbitraire,

et il y a évidemment détention de ce genre, quand une femme est retenue malgré elle dans une de ces maisons.

En ce qui touche la femme majeure, la loi belge ne dit rien. Le proxénétisme exercé contre elle n'est pas puni directement par le Code.

DANEMARK

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Le Code pénal (10 février 1866) établit que le proxénétisme professionnel, sera puni des travaux forcés dans une maison de correction, ou de la prison à pain et eau (sic, article 182). Les pères, tuteurs ou maîtres, qui excitent à la débauche leurs fils, pupilles ou enfants confiés à leurs soins, subiront jusqu'à six ans de travaux forcés (article 183).

ESPAGNE. Le Code pénal de 1870, parle d'excitation habituelle ou par abus d'autorité, des mineures à la débauche, favorisant leur prostitution ou corruption, pour satisfaire les désirs d'autrui. En ce cas, l'on applique la peine correctionnelle (article 459).

FRANCE. Le Code pénal de 1810, modifié en 1830, se rapporte à l'excitation habituelle des mineures à la débauche (article 334), et établit la peine de six mois à deux ans de prison, et de 50 à 500 francs d'amende, pour ceux qui attentent aux bonnes mœurs, en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la corruption de la jeunesse, de l'un ou l'autre sexe, et de moins de 21 ans.

Le même Code parle du rapt de mineures, de la détention illégale ou séquestration (articles 354, 355 et 356), mais tout ce qui se rapporte à cette question a été modifié par la loi récemment votée, et dont j'ai parlé plus haut.

GRANDE-BRETAGNE.

(The Criminal Law Amendement Act, modifié le 14 août 1885, to make further provisions for the protection of women and girls, the suppression of brothels and other purposes.)

En ce qui touche le proxénétisme, toute personne qui engage une jeune fille mineure de 21 ans, qui n'est pas connue comme ayant des mœurs 'immorales, ou tâche de la prostituer, sera punie de deux ans de prison ou de travaux forcés.

Quant au recrutement, tout individu qui décide une jeune fille à abandonner le royaume, dans le but de la faire entrer dans une maison de tolérance à l'étranger, ou qui lui fasse abandonner sa résidence ou son emploi, dans le but de la prostituer à l'intérieur du royaume, subira la même peine.

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