Arrêt de la Cour Suprême : Buenos Aires, ce 18 Juillet 1865. : Vu le dossier appelé ad effectum vivendi, et considérant : 1° Qu'il s'en suit qu'on n'a mis en question devant les tribunaux de la province de Buenos Aires aucune clause du traité célébré avec le gouvernement de S. M. Catholique en 1863, mais seulement la portée de l'article 9 du décret dicté par le Pouvoir Exécutif de la Nation, le 19 novembre 1862, dans le but d'établir une procédure uniforme pour le cas de mort ab intestato des étrangers dans le territoire de la République décret sur lequel s'appuya le consul espagnol, pour nommer des exécuteurs testamentaires pour liquider la succession du sieur Francisco Arango; 2o que ce décret, quoique d'accord avec la pratique suivie par les tribunaux de la province de Buenos Aires, n'a pas reçu l'approbation du Congrès fédéral, et il ne peut en conséquence être considéré comme loi de la Nation, spécialement en ce qui se rapporte aux dispositions non incluses dans les traités mentionnés dans son texte; ce qui a été explicitement reconnu par l'article final du décret, lequel dispose que le dit décret soit soumis à l'approbation du Congrès; 3o que d'après ces antécédents, il est évident que les tribunaux provinciaux ne se sont pas prononcés sur un point régi par la Constitution ou par un traité célébré avec une nation étrangère, ou par une loi du Congrès; et qu'ils n'ont pas méconnu non plus la validité des actes légitimes d'une autorité nationale, les seuls cas qui, d'après l'article 14 de la loi sur juridiction et compétence des tribunaux de la Nation, aient autorisé l'appel devant la Suprême Cour Fédérale les sentences définitives des tribunaux supérieurs des provinces ; Par ces fondements, on déclare qu'il n'y a pas lieu à l'appel ; et les frais payés ainsi que le papier timbré, qu'on renvoie le dossier. Francisco de las Carreras Salvador María del Carril José Barros Paz, CAUSE LXLII Le rôle de l'équipage d'un navire est une preuve définitive du contrat des services des matelots. Lorsque la question nait entre étrangers sur une obligation stipulée dans un autre pays, on doit appliquer la loi du pays où l'obligation fut contractée. ESPÈCE. Juan Rude, Antonio Barichovich et autres matelots de la barque autrichienne Justus, se présentèrent au juge fédéral de Buenos Aires, exposant : Qu'ils étaient arrivés à Buenos Aires sur la barque nommée sous un engagement terminé, il y avait quatre mois; que le navire était mouillé à Buenos Aires et la décharge finie, vu la fin de leur engagement, demandèrent au capitaine Thomas Stuparich leur liberté et le paiement de dix mois de salaires qui leurs étaient dûs. Que le capitaine ayant refusé tout, ils demandaient la protection de la justice fédérale pour obtenir leur liberté et les salaires réclamés. Le juge convoqua les parties à un procès-verbal, dans lequel les matelots reproduisirent leurs réclamations ajoutant que le capitaine les avait maltraités. Le capitaine allégua qu'il n'était pas possible ni même prudent d'abandonner le navire. Il demanda que les matelots fussent obligés de se faire remplacer à bord; il promit de payer aux remplaçants les salaires courants dans le port. Il avoua aussi qu'il était débiteur de quelques mois aux réclamants. Ceux-ci refusèrent la proposition du capitaine. Le juge dicta l'arrêt suivant : Considérant: Buenos Aires, ce 27 Juillet 1865. Que le temps de l'engagement entre le capitaine et les matelots est accompli; en conséquence, on déclare, de conformité avec l'article 1149 du code de commerce et avec les alléguants des parties, que les matelots sont libres et peuvent donc débarquer ; que le capitaine est obligé de leur payer les salaires dûs dans le délai de dix jours: que quatre des demandants doivent rester à bord pendant quinze jours jusqu'à ce que le capitaine engage un nouvel équipage. Heredia. Le capitaine Stuparich appela devant la Cour Suprême Fédérale en ces termes : Quoique l'engagement de la tripulation ait mentionné le terme de six mois et que ceux-ci soit expirés, l'équipage est obligé de continuer dans le voyage retour. Le contrat a été célébré dans l'empire d'Autriche, et pour régler son exécution on doit avoir en vue les lois du pays de la célébration. La loi autrichienne établit que : « Aucun matelot ne peut débarquer ou être débarqué en pays étranger « même avec le consentement du capitaine et quoique le « voyage et la durée de l'engagement soient terminés. » (Art. 3o de l'édit de police de navigation commerciale d'Autriche). En conséquence l'équipage est obligé de retourner avec le navire jusqu'aux côtes d'Autriche. Le fondement de cette disposition se trouve dans le besoin de ce que les capitaines ne soient pas abandonnés dans les ports étrangers par l'équipage sous prétexte de termination de l'engagement. Le rôle de l'équipage, c'est-à-dire l'engagement entre le capitaine et celui-ci, ordonne, dans l'article 3o, que les matelots « autrichiens engagés dans un port du littoral d'Autriche doi« vent, dans le cas de termination du contrat, jouir d'une aug<mentation de 25 % de leurs salaires. » Il n'y a pas de contradiction entre cette disposition et les lois argentines, car l'article 1149 invoqué par le juge fédéral établit que « même quand il y a engagement par mois (c'est-à-dire avec terme fixe) l'équipage est obligé à faire le voyage de retour jusqu'au < port où l'engagement a été célébré. » < Mais quoiqu'il y aurait conflit de lois, la question doit être décidée appliquant la loi autrichienne et ayant rôle de l'équipage. Je dois mentionner à la Cour l'impossibilité où je me trouve pour former un nouvel équipage. Je proteste aussi pour les dommages qu'apporte le retard de la sortie, car le navire es dejà chargé et j'ai signé des contrats avec les chargeurs et les affrêteurs. Stuparich. Le capitaine présenta à la Cour Suprême, ad effectum videndi, le rôle de l'équipage signé par les matelots réclamants, lequel contient l'obligation acceptée par ceux-ci de continuer le voyage de retour jusqu'au littoral autrichien et moyennant l'augmentation du 25 % du salaire stipulé. Le capitaine demanda aussi qu'à défaut de contrat spécial, les questions entre le capitaine et l'équipage fùt décidé par le rôle de celui-ci et d'après l'article 1148 du code de commerce (1). Arrêt de la Cour Suprême : Considérant: Buenos Aires, ce 10 Août 1865. 1° Que le capitaine a présenté le rôle de l'équipage de la barque autrichienne Justus, lequel prouve pleinement l'engagement des matelots, de conformité avec l'article 1149 du code de commerce; que dans cet engagement les demandants. quoiqu'ayant fixé le terme de leurs services à six mois, s'engagèrent aussi à ne pas laisser le navire jusqu'à ce que celui-ci mouillât dans un port autrichien ; 2o Que cette dernière obligation leur est aussi imposée par la loi du lieu de la célébration du contrat, c'est-à-dire du port de Trieste, loi à laquelle ils étaient soumis comme sujets du gouvernement autrichien ; 3o Qu'en conséquence, soit qu'on obéit aux termes de l'engagement célébré avec le capitaine, soit à la loi qui les régit, d'après un principe de droit international établi dans la loi XV, titre XIV, Partida III, quoique le terme pour lequel l'équipage s'obligea à servir à bord soit fini, les matelots ne peuvent abandonner le navire et doivent continuer à son service jusqu'à son arrivée à un port autrichien (2); (1) Art. 1148 L'engagement célébré entre le capitaine et les officiers et gens de l'équipage d'un navire consiste de la part de ceux-ci à prêter leurs services pour un ou plusieurs voyages de long cours, moyennant un salaire convenu, et de la part du capitaine dans l'obligation de les faire jouir de tout ce qui a été établi par l'engagement ou par la loi. Les conditions de l'engagement entre le capitaine et l'équipage se prouveront, à défaut d'autres documents, par le rôle de l'équipage. Art. 1084. (2) La loi citée appartient au code espagnol intitulé: Las Siete Partidas (les sept livres), que composa le roi d'Espagne Don Alfonso El Sabio. en 1256. Il est remarquable de trouver dans ce code les principes de droit international privé, cités par l'arrêt de la Cour fédérale argentine. La loi ordonne que la preuve relative à l'existence ou la mort des étrangers, soit prise d'après la loi du domicile ou du pays où on dit que la personne est morte, car ce sont des faits qui doivent être prouvés par les témoins qui les ont vus. On applique donc par analogie ces principes aux contrats faisant régir leurs effets par la loi du lieu de la célébration. 4° Que les demandants ne peuvent non plus toucher les salaires correspondants au vogage parce que dans l'engagement et dans la loi sous laquelle celui-ci fut signé il est établi que les salaires ne seront payés que dans le port où l'équipage sera congédié : Par ces fondements, on acquitte le capitaine Tomas Stuparich, etc. Francisco de las Carreras José Barros Pazos Salvador Maria del Carril Benjamin Gorostiaga. CAUSE LXLIX José Intervention des vice-consuls dans les « ab intestato » Le vice-consul d'une puissance étrangère ne peut pas réclamer les biens des successions ab intestato de ses nationaux pour les mettre sous l'administration de la personne nommée dans ce but par celui-ci, quand il y a un administrateur nommé non seulement à titre d'exécuteur testamentaire, reconnu par la justice des provinces, mais aussi comme fondé de pouvoir de l'héritier légitime reconnu par le tribunal compétent. (Arrêt de la Cour Suprême Fédérale du 15 septembre 1865.) Pour extrait et traduction, LA DIRECTION. BIBLIOGRAPHIE ÉTRANGÈRE I. Traité Théorique et Pratique de Droit International Privé, par ANDRÉ WEISS. Tome V: L'Etranger et la Justice. Paris, L. Larose et L. Tenin, 1905, in-8°, 902 pages. II. Manuel de Droit International Privé, par ANDRÉ WEeiss, 5o édition, revue et mise au courant. Paris, L. Larose et L. Tenin, in-8° 716 pages. I. L'éminent professeur de droit civil de la Faculté de Paris, M. Weiss, préparait depuis 1901 le cinquième volume de son remarquable ouvrage sur le droit international privé, |