plus être méconnus, ni repoussés parce qu'ils sont humainement irrévocables. (1) » « De cette double conception de la souveraineté nationale naissent des difficultés de Droit Internacional Privé, au point de dénaturer son nom et de lui faire donner celui de Conflit des lois. Pourquoi ? Parce que le droit européen, par ses organes allemands, français, italiens, etc., soutient que le droit privé national suit et régit la personne quel que soit le lieu de la terre où elle se trouve. C'est ainsi que les pouvoirs et les auteurs européens prétendent que les enfants de leurs concitoyens nés à l'étranger ne sont pas étrangers; c'est-à-dire par exemple, que les enfants d'allemands, de français, d'italiens, d'anglais, d'espagnols, etc., nés dans la République Argentine, ne sont pas argentins de par le droit supérieur de la nature, mais allemands, français, italiens, anglais, espagnols, etc., en vertu du droit artificiel créé par les convenances politiques, économiques et militaires des puissances. Quelques-uns, prétendent même que la famille que leurs nationaux n'ont pas constituée en Europe et qui s'organise en Amérique ou à l'étranger, sans remplir toutes les formalités requises par les dites lois, n'est pas une famille définitivement fondée et que les suites même du mariage, sont sujettes à des débats de révision et de nouvelles formalités tandis que nous, nous proclamerons toujours le principe démocratique, d'après lequel le mariage célébré dans n'importe quel pays conformément aux lois locales est immuable; parce que cela a pour résultat la stabilité sociale et le bien-être des hommes et que c'est la source du bonheur et de la prospérité pour ceux qui émigrent. « On voit, combien les solutions et les doctrines de Droit Internacional Privé nées des théories territoriales et féodales, sont incomplètes, et quelle largeur de vues on trouve, dans celles qui découlent du droit démocratique des peuples d'Europe et d'Amérique, basé sur l'égalité civile absolue entre étrangers et nationaux. L'idée féodale est si extraordinairement fausse en ce qui concerne le Droit International Privé, qu'on dit que le Droit International Privé est la science des (1) Cf. discours du Ministre de la guerre d'Italie, général Felloux, à propos du service militaire des fils d'italiens nés dans l'Amérique du Sud. - Chambres des députés 1897. sacrifices, parce qu'il exige de la souveraineté, qu'elle cède un peu de sa vigueur, de son autorité, de son absolutisme au profit de l'homine. » « Voilà une doctrine erronée qui mènerait les nations à l'isolement, à la difficulté du commerce général, à la décadence, parfois même à l'hostilité réciproque. On ne peut, en effet, soutenir que la souveraineté politique fasse un sacrifice quand elle reconnaît les droits fondamentaux des individus, du moment qu'elle ne cède rien qui lui appartiennne, du moment qu'elle rend à l'homme ce qu'il délégua à l'Etat pour assurer la défense et le respect de ses droits politiques et privés. » « Le Droit International Privé n'est donc pas la science des sacrifices, c'est la science de l'équilibre et de l'harmonie, la science rationnelle et universelle par excellence. C'est la science qui, tout en reconnaissant la nécessité de l'existence de l'Etat, limite ses droits pour le bien de l'homme, de sorte que l'organe ne détruise jamais l'organisme. Loin d'être la science des sacrifices, c'est au contraire celle qui fournit les fondements les plus naturels et les plus simples pour défendre l'existence de l'Etat. C'est la science d'équilibre et d'harmonie entre l'individu et l'Etat, parce qu'elle soutient l'existence de celui-ci comme base du bonheur du premier, et celle des droits privés des nationaux et des étrangers, comme source de solidité et de prospérité des seconds. » (1). III Actuellement, le système de la nationalité comme moyen général de solution des problèmes du Droit International Privé, gagne de jour en jour du terrain. C'est une ressource de consolidation pour les Etats, dont la souveraineté a été ébranlée ou démembrée par les évènements politiques et militaires. C'est encore un moyen artificiel de former des nationalités. Les puissances toujours rivales, quoique superficiellement amies, conservent dans le continent européen, la position de grandes armées vigilantes. Leur merveilleuse civilisation (1) E. S. Zeballos. Conférence inaugurale du cours de Droit International Privé. Buenos Aires, 2 avril 1902. offre ce spectacle contradictoire des progrès humanitaires admirables, sublimes au point de vue moral, en face d'une situation de menaces réciproques, prédominant en résumé dans la civilisation moderne un caractère absolument militaire. Même les Etats-Unis viennent de proclamer la politique de la force. Le système de la nationalité est donc, en Europe, un moyen politique, économique et militaire tendant à conserver la force organique des Etats. On conçoit bien que dans cette situation, le Droit International Privé soit entravé dans ses allures scientifiques, purement juridiques, par les intérêts mouvants de la rivalité permanente des puissances. Les conférences de La Haye, quoique inspirées par un idéal humanitaire, n'obéissent dans leur organisation et dans leurs travaux, qu'aux intérêts des nations continentales; le reste du monde a été oublié ou mis en dehors. La conférence poursuit la codification continentale, au moyen de traités basés sur le système de la nationalité. On affirme de la sorte l'anarchie des solutions juridiques universelles, en écartant les pays du système du domicile, qui ont une importance extraordinaire dans l'évolution internationale de nos jours. Tel est l'Empire Britannique, dont les royaumes, les colonies, les territoires, les îles et les cités conservent ordinairement leurs droits privés locaux, dont le fonctionnement est inspiré par le système du domicile. Les Etats-Unis ont une organisation politique qui repose aussi sur l'autonomie locale. La République Argentine, composée également d'Etats à demi souverains fédérés, est le pays d'immigration par excellence en ce moment, et son avenir à ce point de vue est incalculable. Le système du domicile est la base du bien-être et de la prospérité des étrangers incorporés à son économie. D'autres pays suivent encore ce système. Les statistiques démontrent que la plus grande quantité des céréales et de la viande qui nourrissent l'homme, du coton qui l'habille, du charbon, du fer, et des navires qui complètent les nécessités de la vie privée et l'activité du commerce universel, se trouve dans les mains du pays du système du domicile. Il est donc étonnant que la politique européenne, en exerçant son influence sur le droit privé, oublie ou dédaigne ces faits extraordinaires qu'il faut nécessairement considérer quand on travaille pour l'unification du droit dans un but humanitaire. On ne peut donc pas méconnaître l'importance qu'a dans la civilisation, le système du domicile dans les relations de droit civil et commercial; le système de la nationalité a gouverné le droit personnel, enfin, dans le continent européen, depuis le x siècle de Rome, à peu près jusqu'à la promulgation du code Napoléon. Même après, le domicile conservait en Europe tout son prestige, jusqu'à la seconde moitié du XIXe siècle, quand les juristes italiens, au service de l'unité de leur patrie, poussèrent la doctrine de la nationalité, si loin et si brillamment, que presque toutes les nations continentales l'ont incorporée à leur législation. Et le dernier code civil allemand de 1900, en fait un ressort de domination et d'expansion politiques. Le Brésil vient aussi de sanctionner le projet du code civil de notre éminent confrère, M. Bevilacqua, repoussant le système du domicile du projet du savant Freitas, pour se plier au systè me de la nationalité, qu'une courte expérience civile et commerciale l'obligera à abandonner. IV Dans cette division du monde en deux camps, au point de vue du Droit International Privé, le camp continental et l'universel, sous le système de la nationalité et du domicile, ce Bulletin prend résolument sa place de lutte et d'investigation scientifique. Il revendique pour la République Argentine l'honneur d'être le premier pays qui incorpora à ses codes, en 1871 le système du domicile, tel que le droit romain l'organisa, et ainsi que Savigny l'appliqua au Droit International Privé. Il réclame, dès maintenant l'hommage des savants et de la science pour le Savigny américain, le jurisconsulte argentin, le docteur Dalmacio Velez Sarsfield, auteur du Code Civil. Le Droit International Privé doit donc poursuivre : a) Son fondement dans la Morale et la Justice, avec exclusion absolue des doctrines utilitaires. b) L'élimination de toute influence ou exigence des intérêts politiques de la Nationalité, dans leur élaboration. c) Son action large, comme organe de la liberté et du bienêtre de l'homme. d) Des solutions générales, scientifiquement élaborées et inspirées uniquement dans la nécessité de protéger les droits privés de l'homme. e) La plus ample extra territorialité du droit, avec les limitations strictement réclamées pour la conservation et le fonctionnement de la souveraineté nationale comme organe de l'individu. f) Le système du domicile comme moyen général de solution avec les atténuations du paragraphe précédent: de la lex rei site et du droit des formes des actes. h) La reconnaissance du Droit International Privé comme organe essentiel dans la vie interne des Empires, des Royaumes et des Républiques, confédérés ou simplement unifiés, sous la réserve de la jouissance des droits privés locaux. i) Les personnes juridiques et les sociétés commerciales n'ont pas de nationalité: mais seulement du domicile. j) Les successions sont soumises au droit personnel du de cujus, tempéré par les exigences de l'ordre public local. k) L'incorporation du Droit International Privé dans les codes organiques de chaque nation. 7) L'unification au moins des principes codifiés au moyen de congrès ou de traités collectifs internationaux. m) L'organisation d'un Bureau International permanent des puissances pour l'unification des principes fondamentaux du Droit International Privé. n) Le développement de son enseignement dans les Universités du Nouveau Monde. Voilà donc les caractères généraux de la doctrine Argentine, peut-être Américaine dans l'avenir, que ce Bulletin vient exposer dans le plus haut intérêt de la science du droit, de la dignité, de la liberté de l'homme, et des exigences inaltérables du mouvement économique et de la solidarité internationales. Buenos Aires, 1er Juillet 1903, E. S. ZEBALLOS. |