Images de page
PDF
ePub

jours transféré d'accord avec les lois de la République (art. 10 de ce code) (1);

Qu'en conséquence la compétence exclusive de ce tribunal est évidente pour entendre dans ce procès de succession, en ce qui concerne les biens situés dans la juridiction (2);

Maintenant, d'accord avec quelle loi faut il déclarer les titres de la prétendante à l'héritage, qu'elle doit prouver devant le soussigné, selon l'établit l'article cité, 3411? La réponse est péremptoire ment fournie par les articles 10, 3283 et 3598 du Code civil. Le premier dispose: «Les biens immeubles situés dans la République sont exclusivement régis par les lois du pays quant à leur qualité de tels, au droit des parties, à la capacité pour les acquérir, aux moyens de les transférer, et aux solemnités qui doivent les accompagner. En conséquence, le titre à une propriété immeuble peut seulement être acquis, transféré ou perdu conformé ment aux lois de la République ». Dans la note des deux autres articles, le législateur a confirmé cette disposition établissant dans Ja note de l'article 3233, ce qu'on a déjà transcrit; et dans celle de l'article 3598 en parlant des légitimes, dans les articles 3593, 3594, 3595, 3596 et 3597 il se rapporte aux biens situés dans la Républi que; et ajoute: «que si une personne en mourant laisse cent mille >> piastres ici et cent mille en France, les biens situés dans la » République seront régis par nos lois et ceux qui seront situés >> en France par les lois de ce pays». Il y aura autant de successions que de pays dans lesquels seraient restés des biens du défunt. Ainsi la maxime commune est «quot sunt bona diversis territoris obnoscia totidem patrimonio intelliguntur» (3).

En vue de ces dispositions, la prétention d'acquérir les biens immeubles laissés par le de cujus avec une déclaration faite par un juge étranger et incompétent, fondée sur des déclarations de

(1) De quel code s'agit-il? L'arrêt n'en a cité aucun jusqu'ici. C'est au code civil qu'il se rapporte.

(2) Cet argument a été répété déjà deux fois.

(3) On doit remarquer que dans l'espèce il n'y a pas de biens dans les deux pays, mais seulement une héritière domicilée au Portugal: pas de légitime à payer dans la République Argentine. Le Code civil argentin conserve le mot légitime, qui appartient aussi au droit français historique, pour exprimer la portion nécessaire qui correspond dans la succession à chaque héritier,

témoins dans lesquelles le fisc de ce pays, qui allègue la non existence d'héritiers, résulte à tous points de vue inexécutable.

La succession est une manière d'acquérir les biens (art. 25, 24 et § 6 du Code civil); les titres héréditaires en conséquence doivent être reconnus et déclarés par les juges nationaux en accomplissant préalablement les lois des formes et pourvu que les liens héréditaires soient admis par les lois avec le propos de succéder au de cujus (art. 10 cité);

Que nous trouvons lumineusement exposé par Story, Conflict of Laws § 224 (1), duquel on a extrait l'article 10, et dans le passage du même Savigny que copie le codificateur dans la note du dit article, le motif que le codificateur eùt pour se séparer de la théorie du domicile et pour adopter la lex rei sitæ, quand il s'agit de biens immeubles, formant une partie intégrante du territoire de l'Etat;

Qu'il n'est pas nécessaire d'entrer dans de plus longues considé rations de cet ordre, puisqu'il s'agit d'un point amplement débattu dans nos tribunaux (2), et parfaitement expliqué dans l'espèce sub-judice, dans les plaidoiries des parties, le juge se rapportant pour plus de clarté à la jurisprudence de la Cour, qui a été invoquée avec toute fidélité (3) par le représentant du Conseil National d'Education, à la fin du 4o § de sa plaidoirie;

Qu'il résulte de la lettre rogatoire en question que le lien de parenté invoqué et qui a été reconnu par les dits juges (4), à la prétendue héritière N. N. est celui de parente naturelle du de cujus au sixième degré;

Que d'après l'article 3592 du Code civil ni les aïeuls naturels, ni les fils légitimes et parents de son père et de sa mère n'héritent pas de leur fils naturel;

Que Mme. N. N. étant, selon ce manifeste de la même lettre rogatoire, fille légitime ainsi que sa mère et la mère du de cujus, il est évident qu'elle ne peut pas hériter du défunt, parce qu'elle est parente légitime de la mère de celui ci, de même que l'aïeul ou

(1) Nous verrons plus tard que cette citation est erronée. (2) Cet article prouve l'erreur de cette afirmation. La matière n'a été encore approfondie par aucun tribunal.

(3) Nous citons plus loin quelques arrêts contraires à celui-ci. (4) Quand l'arrèt désigne les dits juges, on doit entendre les juges étrangers ou de Portugal

bisaïeul d'Almeida n'aurait pas non plus le droit d'hériter, et, par conséquent, l'héritière déclarée ne pouvait pas non plus recevoir en leur représentation;

Qu'en conséquence, dans l'espèce sub-judice la lettre rogatoire dont il s'agit, n'est pas exécutable, en plus des motifs antérieurs, parce que l'exécution importerait l'application d'une loi étrangère contraire à la nôtre, à ce dont s'oppose l'article 14, § II, du Code civil. En vertu de ces motifs, des textes légaux cités, de l'avis de l'agent fiscal et des considérations exposées par les parties, il n'y a pas lieu à accepter la demande exposée dans cette lettre rogatoire et l'on donnera une réponse par lettre rogatoire analo. gue au juge requérant avec transcription de cet arret. »

Cet arrêt répugne à la Constitution Argentine et aux lois civiles qui en découlent. Elles établissent l'égalité parfaite entre les nationaux et les étrangers. La solution internationale qu'établit en matière de succession des étrangers décédés hors de la République cet arrêt serait une cause de dépopulation et d'éloignement du capital et du commerce. Nous verrons aussi qu'elle n'est pas maintenue même par les nations les plus conservatrices de l'Europe.

En effet, l'essai français du régime féodal incorporé au Code de 1804 ne fut de longue durée. Les plus hauts intérêts de l'Etat et de l'Humanité inspirèrent la loi de réforme du 14 juillet 1819, qui dérogea les articles 726 et 912 du Code civil, plaçant sur le même pied les étrangers et les nationaux pour recevoir des biens immeubles à titre gratuit, par succession, testament ou donation. Dans l'exposé des motifs de cette loi publié dans le «Moniteur Universel» en 1819, page 65, on lit: « Ce n'est pas par un mouvement de générosité que nous vou> lous effacer les différences relatives aux successions et aux > transmissions de biens, c'est par calcul ».

L'article 1er de la loi reconnaît la capacité des étrangers pour succéder en ce qui touche les biens immeubles avec une limitation, celle de l'article 2, incorporée aussi au Code civil argentin dans l'article 3470, dont voici le texte : « Dans le cas » de partage d'une même succession entre cohéritiers étran

gers et français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés > en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étrangers, dont ils seraient exclus; à quelque titre » que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales ».

La jurisprudence française et la législation européenne postérieure ont achevé l'évolution définitive vers la personnalité du droit de succession dans le cours du dernier siècle. La succession affecte en premier lieu les droits de la famille, et en second lieu le régime des biens. C'est une conséquence du principe indiscutable de philosophie politique, d'après lequel l'homme est le premier sujet du droit, et le droit des biens et des formes sont des organes du premier. Par conséquent, dans la succession, le droit personnel doit l'emporter sur le droit réel, c'est-à-dire, le statut des personnes (du domicile ou de la nationalité) sur le statut des biens, lex rei sitæ, avec les limitations nécessaires pour la conservation de l'Etat, organe à son tour de l'homme, destiné à assurer son bien-être et l'accomplissement de sa mission sociale.

Ces doctrines en finirent avec le système du moyen âge et du Code Napoléon; et donnèrent aux lois et à la jurisprudence une direction selon laquelle la règle féodale lex reí citæ, et sa formule dans la procédure de succession, quot sunt bona diversis territoriis obnoxia totidem patrimonio intelliguntur, ne doivent être appliquées qu'exceptionnellement et comme une limitation d'ordre public au principe de la personnalité du droit de succession. Et il est remarquable que les pays les plus attachés aux traditions féodales, où la condition juridique des étrangers est restreinte, aient été les premiers à réaliser en cette matière, l'évolution vers la liberté civile, conciliant la suprématie du droit de l'homme avec la nécessité, née de cellelà, de conserver l'organisation de l'Etat.

III

« De toutes manières, le système de la personnalité des lois » de succession (nationalité ou domicile), n'est pas une simple conception théorique. De nombreuses législations lui ont fait » accueil; on le trouve expressément consacré par la loi ita» lienne (Code civil art. 8) (1); par le Code civil espagnol de

[ocr errors]

(1) Les successions légitimes et testamentaires quant à « l'ordre » de succession, à l'extension des droits successibles à la validité >> intrinsèque des dispositions testamentaires sont régies par la >> loi nationale du défunt, quels que soient la qualité des biens et le » pays de leur situation »,

» 1889 (art. 10 (1); par le Code civil du canton de Zurich de » 1887 (art. 4); par le Code civil de Grisons de 1862 (art. 1); par > celui de Soleure de 1841 (art. 8) (2); par les coutumes qui gou

(1)« Les biens meubles sont soumis à la loi de la nation du >> propriétaire. Les biens immeubles aux lois du pays, dans les >> quels ils sont situés. Toutefois, les successions légitimes et >> testamentaires, quant à l'ordre de succéder et à la quantité des >> droits successibles et à la validité intrinsèque de ses disposi» tione, sont régies par la loi nationale de la personne, de la suc. » cession de laquelle il s'agit, quels que soient la nature des biens et » le pays où ils se trouvent ».

(2) Le droit de succession dans la Confédération Suisse est soumis aux lois des cantons. Voici les articles des codes respectifs cités par Weiss et que Lous traduisons du texte allemand publié dans l'ouvrage de Huber, Schweizerisches Privat Rech, I, 81-(Basel 1886). Art. 4 du Code de Zurich. « Le droit de succession est régi » par la législation du lieu d'origine du de cujus. Le droit de suc>> cession des étrangers au canton, qui ont habité celui ci, est régi » par la loi de leur patrie pour autant que le prescrit la loi de » l'Etat auquel ils appartiennent. Exception est faite pour les >> biens immeubles faisant partie d'une fondation ». Art. 8 du Code du canton de Soleure. « Le patrimoine d'une personne, en ce qui » concerne sa succession, sera jugé d'après les mêmes lois que » la capacité juridique du propriétaire. Sont toutefois réservés » les droits acquis conformément à nos lois, d'une autre manière » par exemple par donation, hypothèque ou autres contrats >>. Art. 1er § 4, du Code de Grisons (Graubündent): « Les disposi » tions de la présente loi seront appliquées, quant au droit de >> succession: a, à toutes les successions ou légats des citoyens » du canton quoiqu'ils viennent de l'étranger, dans tous les cas » dans lesquels les citoyens du canton y aient une partie; b, aux >> successions et légats advenus dans le canton, provenant des >> personnes qui ne sont pas citoyens grisons, alors que la loi d'o »rigine du de cujus n'exige point l'application de sa propre loi».

En plus de ces dispositions, il faut rappeler qu'en vue de l'unifi cation du droit de succession, on célébra le 15 juillet 1822 un concordat relatif à la faculté de tester et aux droits d'hérédité, qui fut signé par les representants des cantons de Zurich, Berne, Lucerne, Uri, Schwytz, Unterwald le Haut, Unterwald le Bas, Zoug, Soleure, Schaffhousse, Appenzell, Argovie et Tessin. Le concordat, publié et commenté par le professeur Ernest Roguin, dans son livre Conflits des lois suisses en matière internationale et cantonale (Lausanne, 1891 p. 868), a établi les règles suivantes applicables à la succession:

Art. 3. «Il sera procédé, relativement à la succession d'un do » micilié, décédé ab intestat en conformité des lois du canton d'o »rigine. Quant aux dispositions testamentaires, les subdites lois >> serviront également de règle en ce qui concerne la faculté de

« PrécédentContinuer »