et tout fait pour le détourner; le second n'avait encore, dit-il, reçu de sa cour aucun ordre d'intervenir, quoiqu'il l'attendit de moment en moment. Le lendemain 30, vers midi, une seconde entrevue avec Fairfax, dans la maison même de son secrétaire, avait donné aux deux Hollandais quelque lueur d'espérance; il s'était ému à leurs représentations, et paraissant se décider enfin à sortir de son inertie, avait promis de se rendre sur-le-champ à Westminster pour solliciter au moins un sursis. Mais en le quittant, devant la maison même où ils venaient de l'entretenir, les deux ambassadeurs rencontrèrent un corps de cavalerie qui faisait évacuer la place; toutes les avenues de Whitehall, toutes les rues adjacentes en étaient également encombrées; de tous côtés ils entendaient dire que tout était prêt, que le roi ne se ferait pas attendre longtemps'. Ces détails sont tirés de la correspondance des ambassadcurs euxmêmes avec les Etats généraux (dépêches des 9 et 15 février, nouveau style), dont sa Majesté le roi des Pays-Bas a daigné permettre qu'il me fût fourni une copie. On trouvera toutes les pièces de cette importante correspondance textuellement traduites dans les Éclaircissements et pièces historiques à la fin de ce volume, n. 6. Celles-ci prouvent combien est suspecte, malgré le témoignage de Herbert (Mémoires, p. 143), que du reste M. Godwin a eu tort de méconnaître (Hist. of the Commonwealth, t. 2, p. 681), l'anecdote d'après laquelle presque tous les historiens ont prétendu qu'Ireton et Harrison avaient passé ce temps-là en prières avec Fairfax, pour lui cacher ce qui se passait, De grand matin en effet, dans une chambre de Whitehall, à côté du lit où Ireton et Harrison étaient encore couchés ensemble, Cromwell, Hacker, Huncks, Axtell et Phayre, s'étaient réunis pour dresser et expédier le dernier acte de cette redoutable procédure, l'ordre qui devait être adressé à l'exécuteur : « Colonel, dit Cromwell «<< à Huncks, c'est à vous de l'écrire et de le signer. » Huncks s'y refusa obstinément : « Quel entêté grognon! >> dit Cromwell. «En vérité, colonel Huncks, lui dit « Axtell, vous me faites honte; voilà le vaisseau qui entre <«< dans le port, et vous voulez plier les voiles avant de << mettre à l'ancre! » Huncks persista dans son refus : Cromwell s'assit en grommelant, écrivit lui-même l'ordre et le présenta au colonel Hacker, qui le signa sans objection'. Presque au même moment, après quatre heures d'un sommeil profond, Charles sortait de son lit : « J'ai une << grande affaire à terminer, » dit-il à Herbert, «< il fau << que je me lève promptement. » Et il se mit à sa toilette. Herbert troublé le peignait avec moins de soin : << Prenez, je vous prie, lui dit le roi, la même peine qu'à <«<l'ordinaire, quoique ma tête ne doive pas rester long<< temps sur mes épaules; je veux être paré aujourd'hui 1 State Trials, t. 5, col. 1148, 1180; Procès d'Axtell et de Hacker, <«< comme un marié. » En s'habillant, il demanda une chemise de plus : « La saison est si froide, dit-il, que je pour<«<rais trembler; quelques personnes l'attribueraient «< peut-être à la peur ; je ne veux pas qu'une telle suppo<«<sition soit possible. » Le jour à peine levé, l'évêque arriva et commença les exercices religieux; comme il lisait, dans le xXVII chapitre de l'évangile selon saint Mathieu, le récit de la passion de Jésus-Christ : << Mylord, lui demanda le roi, avez-vous choisi ce chapi<«<tre comme le plus applicable à ma situation? - Je prie «< votre Majesté de remarquer, répondit l'évêque, que «< c'est l'évangile du jour, comme le prouve le calen« drier. » Le roi parut profondément touché, et continua ses prières avec un redoublement de ferveur. Vers dix heures, on frappa doucement à la porte de la chambre; Herbert demeurait immobile : un second coup se fit entendre, un peu plus fort, quoique léger encore : << Allez voir qui est là, » dit le roi : c'était le colonel Hacker. «Faites-le entrer, » dit-il. « Sire, dit le colonel à << voix basse et à demi tremblant, voici le moment d'aller <«< à Whitehall; votre Majesté aura encore plus d'une <«<< heure pour s'y reposer. Je pars dans l'instant, << répondit Charles; laissez-moi. » Hacker sortit le roi se recueillit encore quelques minutes, puis, prenant l'évêque par la main : « Venez, dit-il, partons: Herbert, << ouvrez la porte; Hacker m'avertit pour la seconde fois. >> Et il descendit dans le parc qu'il devait traverser pour se rendre à Whitehall '. Plusieurs compagnies d'infanterie l'y attendaient, formant une double haie sur son passage; un détachement de hallebardiers marchait en avant, enseignes déployées; les tambours battaient; le bruit couvrait toutes les voix. A la droite du roi était l'évêque, à sa gauche, tête nue, le colonel Tomlinson, commandant de la garde, et à qui Charles, touché de ses égards, avait demandé de ne le point quitter jusqu'au dernier moment. Il s'entretint avec lui pendant la route, lui parla de son enterrement, des personnes à qui il désirait que le soin en fût confié, l'air serein, le regard brillant, le pas ferme, marchant même plus vite que la troupe, et s'étonnant de sa lenteur. Un des officiers de service, se flattant sans doute de le troubler, lui demanda s'il n'avait pas concouru, avec le feu duc de Buckingham, à la mort du roi son père : « Mon << ami, lui répondit Charles avec mépris et douceur, si << je n'avais d'autre péché que celui-là, j'en prends Dieu à <«< témoin, je t'assure que je n'aurais pas besoin de lui << demander pardon. » Arrivé à Whitehall, il monta légèrement l'escalier, traversa la grande galerie et gagna sa chambre à coucher, où on le laissa seul avec l'évêque, qui s'apprêtait à lui donner la communion. Quelques Mémoires de Herbert, p. 133-140; de Warwick, p. 293. : ministres indépendants, Nye et Goodwin entre autres, vinrent frapper à la porte, disant qu'ils voulaient offrir au roi leurs services : « Le roi est en prières,» leur répondit Juxon ils insistèrent : « Eh bien! dit Charles à « l'évêque, remerciez-les en mon nom de leur offre; <«<< mais dites-leur franchement qu'après avoir si souvent << prié contre moi, et sans aucun sujet, ils ne prieront <«< jamais avec moi pendant mon agonie. Ils peuvent, << s'ils veulent, prier pour moi, j'en serai reconnaissant. >> Ils se retirèrent le roi s'agenouilla, reçut la communion des mains de l'évêque, et se relevant avec vivacité : << Maintenant, dit-il, que ces drôles-là viennent; je leur <«< ai pardonné du fond du cœur ; je suis prêt à tout ce << qui va m'arriver. » On avait préparé son dîner; il n'en voulait rien prendre : « Sire, lui dit Juxon, votre « Majesté est à jeun depuis longtemps; il fait froid; << peut-être, sur l'échafaud, quelque faiblesse... - Vous « avez raison, » dit le roi; et il mangea un morceau de pain et but un verre de vin. Il était une heure: Hacker frappa à la porte; Juxon et Herbert tombèrent à genoux : << Relevez-vous, mon vieil ami, » dit le roi à l'évêque en lui tendant la main. Hacker frappa de nouveau ; Charles fit ouvrir la porte : « Marchez, dit-il au colonel, je vous << suis. » Il s'avança le long de la salle des banquets, toujours entre deux haies de troupes; une foule d'hommes et de femmes s'y étaient précipités au péril |