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Sans perdre en vains discours tout le fruit de vos veilles,
Osez chanter du Roi les augustes merveilles.
Là, mettant à profit vos caprices divers,
Vous verriez tous les ans fructifier vos vers;
Et par l'espoir du gain votre muse animée,
Vendrait au poids de l'or une once de fumée.
Mais en vain, direz-vous, je pense vous tenter
Par l'éclat d'un fardeau trop pesant à porter.
Tout chantre ne peut pas, sur le ton d'un Orphée,
Entonner en grands vers, la Discorde étouffée
Peindre Bellone en feu tonnant de toutes parts,
Et le Belge effrayé fuyant sur ses remparts.
Sur un ton si hardi, sans être téméraire,
Racan pourrait chanter au défaut d'un Homère ;
Mais pour Cotin et moi qui rimons au hasard
Que l'amour de blâmer fit poëtes par art:
Quoiqu'un tas de grimauds vante notre éloquence,
Le plus sûr est pour nous de garder le silence.
Un poëme insipide, et sottement flatteur
Déshonore à la fois le Héros et l'Auteur.
Enfin de tels projets passent notre faiblesse.
Ainsi parle un esprit languissant de mollesse,
Qui, sous l'humble dehors d'un respect affecté,
Cache le noir venin de sa malignité.
Mais dussiez-vous en l'air voir vos ailes fondues,
Ne valait-il pas mieux vous perdre dans les nues

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Que d'aller sans raison, d'un style peu chrétien,
Faire insulte en rimant à qui ne vous dit rien,
Et du bruit dangereux d'un livre téméraire,
A vos propres périls enrichir le Libraire?

Vous vous flattez peut-être en votre vanité,
D'aller comme un Horace à l'immortalité :
Et déjà vous croyez dans vos rimes obscures,
Aux Saumaises futurs préparer des tortures,
Mais combien d'écrivains, d'abord si bien reçus,
Sont de ce fol espoir honteusement déçus?
Combien pour quelques mois ont vu fleurir leur livre,
Dont les vers en paquets se vendent à la livre;
Vous pourrez voir un temps vos écrits estimés,
Courir de main en main par la ville semés;
Puis, delà tout poudreux, ignorés sur la terre,
Suivre chez l'épicier Neuf-Germain et la Serre :
Ou de trente feuillets réduits peut-être à neuf :
Parer, demi-rongés, les rebords du Pont-Neuf.
Le bel honneur pour vous en voyant vos ouvrages
Occuper le loisir des laquais et des pages,
Et souvent dans un coin renvoyés à l'écart,
Servir de second tome aux airs de Savoyard! (66)
Mais je veux que le sort, par un heureux caprice,
Fasse de vos écrits prospérer la malice,
Et qu'enfin votre livre aille au gré de vos vœux >
Faire siffler Cotin chez nos derniers neveux ;

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Que vous sert-il qu'un jour l'avenir vous estime,
Si vos vers aujourd'hui vous tiennent lieu de crime
Et ne produisent rien pour fruit de leurs bons mots
Que l'effroi du public, et la haine des sots?
Quel démon vous irrite et vous porte à médire ?
Un livre vous déplaît. Qui vous force à le lire?
Laissez mourir un fat dans son obscurité.
Un Auteur ne peut-il pourrir en sûreté ?
Le Jonas inconnu sèche dans la poussière;
Le David imprimé n'a point vu la lumière.
Le Moïse commence à moisir par les bords.
Quel mal cela fait-il? ceux qui sont morts, sont morts;
Le tombeau contre vous ne peut-il les défendre ?
Et qu'ont fait tant d'auteurs pour remuer leur cendre?
Que vous ont fait Perrin, Bardin, Pradon, Hainaut,
Colletet, Pelletier, Titreville, Quinaut,

Dont les noms en cent lieux, placés comme en leurs niches
Vont de vos vers malins remplir les hémistiches?
Ce qu'ils font vous ennuie. O le plaisant détour!
Ils ont bien ennuyé le Roi, toute la cour,
Sans que le moindre édit ait, pour punir leur crime,
Retranché les auteurs, ou supprimé la rime.
Ecrive qui voudra: chacun à ce métier

Peut perdre impunément de l'encre et du papier.
Un roman, sans blesser les lois ni la coutume,
Peut conduire un Héros au dixième volume.

Delà vient que Paris voit chez lui de tout temps,
Les auteurs à grands flots déborder tous les ans :
Et n'a point de portail, où jusques aux corniches,
Tous les piliers ne soient enveloppés d'affiches.
Vous seul plus dégoûté, sans pouvoir et sans nom,
Viendrez régler les droits, et l'état d'Apollon.
Mais vous qui raffinez sur les écrits des autres,
De quel œil pensez-vous qu'on regarde les vôtres ?
Il n'est rien en ce temps à couvert de vos coups;
Mais savez-vous aussi comme on parle de vous?

Gardez-vous, dira l'un, de cet esprit critique :
On ne sait bien souvent quelle mouche le pique.
Mais c'est un jeune fou qui se croit tout permis,
Et qui pour un bon mot va perdre vingt amis.
Il ne pardonne point aux vers de la Pucelle,
Et croit régler le monde au gré de sa cervelle.
Jamais dans le barreau trouva-t-il rien de bon ?
Peut-on si bien prêcher qu'il ne dorme au sermon?
Mais lui qui fait ici le régent du Parnașse;
N'est qu'un gueux revêtu des dépouilles d'Horace.
Avant lui Juvenal avait dit en latin,

Qu'on est assis à l'aise aux sermons de Cotin.
L'un et l'autre avant lui s'étaient plaints de la rime,
Et c'est aussi sur eux qu'il rejette son crime:
Il cherche à se couvrir de ces noms glorieux.
J'ai peu lu ces auteurs: mais tout n'irait que mieux,

Quand de ces médisans l'engeance toute entière,
Irait la tête en bas rimer dans la rivière.

Voilà comme on vous traite : et le monde effrayé,
Vous regarde déjà comme un homme noyé.
En vain quelque rieur, prenant votre défense,
Veut faire au moins de grâce adoucir la sentence.
Rien n'appaise un lecteur toujours tremblant d'effroi,
Qui voit peindre en autrui ce qu'il remarque en soi.
Vous ferez-vous toujours des affaires nouvelles?
Et faudra-t-il sans cesse essuyer des querelles?
N'entendrai-je qu'auteurs se plaindre et murmurer?
Jusqu'à quand vos fureurs doivent-elles durer ?
Répondez, mon Esprit; ce n'est plus raillerie :
Dites...... Mais, direz-vous, pourquoi cette furie?
Quoi! pour un maigre auteur que je glose en passant
Et-ce un crime après tout, et si noir et si grand?
Et qui, voyant un fat s'applaudir d'un ouvrage
Où la droite raison trébuche à chaque page,
Ne s'écrie aussitôt L'impertinent Auteur!
L'ennuyeux Écrivain! le maudit Traducteur !
A quoi bon mettre au jour tous ces discours frivoles.
Et ces riens enfermés dans de grandes paroles?

Et-ce donc là médire, ou parler franchement ? Non, non, la médisance y va plus doucement. Si l'on vient à chercher, pour quel secret mystère, Alidor, à ses frais, bâtit un monastère;

Alidor

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