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Cotin à ses sermons traînant toute la terre,
Fend les flots d'auditeurs pour aller à sa chaire.
Saufal est le phenix des esprits relevés.

Perrin.... Bon, mon Esprit, courage, poursuivez.
Mais ne voyez-vous pas que leur troupe en furie,
Va prendre encor ces vers pour une raillerie ?
Et Dieu sait, aussitôt, que d'auteurs en courroux,
Que de rimeurs blessés s'en vont fondre sur vous!
Vous les verrez bientôt féconds en impostures,
Amasser contre vous des volumes d'injures,
Traiter en vos écrits chaque vers d'attentat,
Et d'un mot innocent faire un crime d'Etat.
Vous aurez beau vanter le Roi dans vos ouvrages,
Et de ce nom sacré sanctifier vos pages;
Qui méprise Cotin, n'estime point son Roi,
Et n'a, selon Cotin, ni Dieu, ni foi, ni loi.
Mais quoi? répondez-vous, Cotin nous peut-il nuire ?
Et par ses cris enfin que saurait-il produire ?
Interdire à mes vers, dont peut-être il fait cas,
L'entrée aux pensions où je ne prétends pas?
Non, pour louer un Roi, que tout l'univers loue,
Ma langue n'attend point que l'argent la dénoue,
Et sans espérer rien de mes faibles écrits,
L'honneur de le louer m'est un trop digne prix.
On me verra toujours, sage dans mes caprices,
De ce même pinceau dont j'ai noirci les vices,

Et peint, du nom d'Auteurs tant de sots revêtus,
Lui marquer mon respect, et tracer ses vertus,
Je vous crois, mais pourtant, on crie, on vous menace.
Je crains peu, direz-vous, les braves du Parnasse.
Hé, mon Dieu, craignez tout d'un auteur en courroux,
Qui peut ... Quoi? Je m'entends. Mais encor? Taisez-vous (70).

ÉPITRE

AM. DE LAMOIGNON.

OUI, Lamoignon, je fuis les chagrins de la ville,

Et contre eux la campagne est mon unique asyle.
Du lieu qui m'y retient veux-tu voir le tableau ?
C'est un petit village, ou plutôt un hameau,
Bati sur le penchant d'un long rang de collines,
D'où l'œil s'égare au loin dans les plaines voisines.
La Seine au pied des monts que son flot vient laver,
Voit du sein de ses eaux vingt îles s'élever,
Qui partageant son cours en diverses manières,
D'une rivière seule y forment vingt rivières.
Tous ses bords sont couverts de saules non plantés;
Et de noyers souvent du passant insultés.

Le village au-dessus forme un amphitéâtre.
L'habitant ne connaît ni la chaux, ni le plâtre,
Et dans le roc qui cède et se coupe aisément,
Chacun sait de sa main creuser son logement.
La maison du seigneur seule un peu plus ornée,
Se présente au-dehors de murs environnée.
Le soleil en naissant la regarde d'abord,
Et le mont la défend des outrages du Nord.
C'est-là, cher Lamoignon, que mon esprit tranquille,
Met à profit les jours que la Parque me file.
Ici, dans un vallon bornant tous mes désirs,
J'achète à peu de frais de solides plaisirs.
Tantot, un livre en main, errant dans les prairies,
J'occupe ma raison d'utiles rêveries.

Tantôt cherchant la fin d'un vers que je construi,
Je trouve au coin d'un bois le mot qui m'avait fui.
Quelquefois aux appas d'un hameçon perfide,
J'amorce en badinant le poisson trop avide;
Ou d'un plomb qui suit l'œil, et part avec l'éclair,
Je vais faire la guerre aux habitans de l'air.
Une table, au retour, propre et non magnifique,
Nous présente un repas agréable et rustique
Là, sans s'assujettir aux dogmes du Broussain,
Tout de qu'on boit est bon, tout ce qu'on mange est sain.
La maison le fournit, la fermière l'ordonne,
Et mieux que Bergerat l'appétit l'assaisonne.

O fortune séjour! ô champs aimés des cieux!
Que pour jamais foulant vos prés délicieux,
Ne puis-je ici fixer ma course vagabonde,
Et connu de vous seuls, oublier tout le monde !
Mais à peine, du sein de vos vallons chéris
Arraché malgré moi, je rentre dans Paris,
Qu'en tout lieux les chagrins m'attendent au passage.
Un cousin, abusant d'un fâcheux parentage,
Veut qu'encor tout poudreux, et sans me débotter,
Chez vingt juges pour lui j'aille solliciter.
Il faut voir de ce pas les plus considérables.
L'un demeure au Marais, et l'autre aux Incurables.
Je reçois vingt avis qui me glacent d'effroi.
Hier, dit-on, de vous on parla chez I Roi,
Et d'attentat horrible on traita la satire.
Et le Roi! que dit-il? le Roi se prit à rire.
Contre vos dernies vers on est fort en courroux :
Pradon a mis au jour un livre contre vous;
Et chez le chapelier du coin de notre place,
Autour d'un caudebec j'en ai lu la préface..
L'autre jour sur un mot la cour vous condamna,
Le bruit court qu'avant-hier on vous assassina.
Un écrit scandaleux sous votre nom se donne.
D'un pasquin qu'on a fait, au Louvre on vous soupçonne.
Moi? Vous. On nous l'a dit dans le palais royal.
Douze ans sont écoulés depuis le jour fatal

Qu'un libraire, imprimant les essais de ma plume,
Donna pour mon malheur un trop heureux volume.
Toujours, depuis ce temps, en proie aux sots discours,
Contre eux la vérité m'est un faible secours.

Vient-il de la province une satire fade,
D'un plaisant du pays insipide boutade;
Pour la faire courir on dit qu'elle est de moi;,
Et le sot campagnard le croit de bonne foi.
J'ai beau prendre à témoin et la cour et la ville
Non; à d'autres, dit-il, on connaît votre style;
Combien de temps ces vers vous ont-il bien coûté?
Ils ne sont point de moi, Monsieur, en vérité.
Peut-on m'attribuer ces sottises étranges?
Ah! Monsieur, vos mépris vous servent de louanges.

Ainsi de cent chagrins dans Paris accablé,
Juge si toujours triste, interrompu, troublé,
Lamoignon, j'ai le temps de courtiser les muses.
Le monde cependant se rit de mes excuses.
Croit que pour m'inspirer sur chaque évenement,
Apollon doit venir au premier mandement.

Un bruit court que le Roi va tout réduire en poudre Et dans Valencienne est entré comme un foudre; Que Cambray, des Français l'épouvantable écueil, A yu tomber enfin ses murs et son orgueil; Que devant Saint-Omer, Nassau, par sa défaite, De Philippe vainqueur rend la gloire complète,

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