A peine l'alouette, à la voix matinale,
A du printemps dans l'air gazouillé le retour, Soudain, du long ennui de ce pompeux séjour (23), Où la vie est souffrante, où des foyers sans nombre, Mêlant aux noirs brouillards leur vapeur lente et sombre, Par ces canaux fumeux élancés dans les airs,
S'en vont noircir le ciel de la nuit des enfers,
Tout sort de Kinsengton (24), tout cherche la montagne ; La splendeur de la ville étonne la campagne;
Tout ce peuple paré, tout ce brillant concours Le luxe du commerce et le faste des cours;
Les harnais éclatans, ces coursiers dont l'audace Du barbe généreux trahit la noble race, Mouillant le frein d'écume, inquiets, haletans, Pleins des feux du jeune âge et des feux du printemps, Le hardi cavalier qui, plus prompt que la foudre, Part, vole, et disparaît dans des torrens de poudre; Les rapides wiskis, les magnifiques chars, Ces essaims de beautés dont les groupes épars, Tels, que dans l'Elysée, à travers les bocages, Des fantômes légers glissent sous les ombrages,
D'un long et blanc tissu rasant le vert gazon; L'enfant, emblême heureux de la jeune saison, Qui, gai comme zéphyr et frais comme l'aurore, Des roses du printemps en jouant se colore Le vieillard dont le cœur se sent épanouir,
Et d'un beau jour encor se hâte de jouir;
La jeunesse en sa fleur et la santé riante, Et la convalescence à la marche tremblante,
Qui pâle et faible encor, vient, sous un ciel vermeil, Pour la première fois, saluer le soleil.
Quel tableau varié! je vois sous ces ombrages Tous les états unis, tous les rangs, tous les âges; Ici, marche entouré d'an murmure d'amour, Ou l'orateur célèbre ou le héros du jour; Là, c'est le noble chef d'une illustre famille, Une mère superbe et sa modeste fille, Qui, mêlant à la grace un trouble intéressant, Semble rougir de plaire et plaît en rougissant; Tandis que, tressaillant dans l'ame maternelle, L'orgueil jouit tout bas d'être éclipsé par elle. Plus loin undigne anglais, bon père, heureux époux, Chargé de son enfant et fier d'un poids si doux, Le dispute aux baisers d'une mère chérie, Et semble avec orgueil l'offrir à la patrie.
Voyez ce couple aimable, enfoncé dans ces bois; Là, tous deux ont aimé pour la première fois,
Et se montrent la place où, dans un trouble extrême, L'un deux, en palpitant, prononça: je vous aime; Là, deux bons vieux amis vont discourant entr'eux; Ailleurs un étourdi qu'emporte un char poudreux, Jette, en courant, un mot que la rapide roue Laisse bientôt loin d'elle et dont zéphyr se joue. On se cherche, on se mêle, on se croise au hasard; On s'envoie un salut, un sourire, un regard; Cependant à travers le tourbillon qui roule, Plus d'un grave penseur, isolé dans la foule, Va poursuivant son rêve, ou peut-être un banni, A l'aspect de ce peuple heureux et réuni,
Qu'un beau site, un beau jour, un beau spectacle attire, Se souvient de Longchamps, se recueille et soupire. (25)
A SA MAJESTÉ FREDERIC II.
A Paris, ce 7 Janvier 1744.
JE reçois à la fois de quoi faire tourner plus d'une tête ; une ancienne lettre de votre Majesté,
datée du 29 novembre; deux médailles qui représentent au moins une partie de cette physionomie de roi et d'homme de génie, le portrait de sa Majesté la reine mère, celui de madame la princesse Ulrique; et enfin pour comble de faveurs, des vers charmans du grand Fréderic, qui commencent ainsi :
Quitterez-vous bien sûrement?
L'empire de Midas, votre ingrate patrie?
M. le marquis de Fénélon avait tous ces trésors dans sa poche, et ne s'en est défait que le plus tard qu'il a pu. Il a traîné la négociation en longueur, comme s'il avait eu affaire à des hollandais. Enfin me voilà en possesion; j'ai baisé tous les portraits; madame la princesse Ulrique en rougira si elle veut.
Il est fort insolent de baiser sans scrupule De votre auguste sœur les modestes appas : Mais les voir, les tenir, et ne les baiser pas, Cela serait trop ridicule.
J'en ai fait autant, Sire, à vos vers dont l'harmonie et la vivacité m'ont fait presque autant d'effet que la miniature de son Altesse royale. Je disais :
Quel est cet agréable son? D'où vient cette profusion De belles rimes redoublées? Par qui les muses appélées Ont-elles quitté l'Hélicon? Est-ce Bernard, mon compagnon, Qui de fleurs sème les allées Des jardins du sacré vallon? Est-ce l'architecte Amphion, Par qui les pierres assemblées S'arrangent sous son violon ? Est-ce le charmant Arion Chantant sur les plaines salées ?
C'est mon prince ou c'est Apollon. (26)
mon avis, l'hymen et ses liens
Sont les plus grands ou des maux ou des biens. Point de milieu : l'état du mariage
Est des humains le plus cher avantage Quand le rapport des esprits et des cœurs,
Des sentimens, des goûts et des humeurs
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