Elle n'osa déclarer ses désirs
D'autre façon qu'avecque des soupirs. Auparavant pudeur ni retenue
Ne l'arrêtaient; mais tout fut bien changé. Comme on n'eût cru qu'Amour se fût logé En cœur si fier, Camille n'y prit garde. Incessamment Constance le regarde;
Et puis soupirs, et puis regards nouveaux : Toujours rêveust au milieu des cadeaux : Sa beauté même y perdit quelque chose; Bientôt le lis l'emporta sur la rose.
Avint qu'un soir Camille régala
Des jeunes gens; il eut aussi des femmes: Constance en fut. La chose se passa Joyeusement; car peu d'entre ces dames Étaient d'humeur à tenir des propos De sainteté ni de philosophie :
Constance seule, étant sourde aux bons mots, Laissait railler toute la compagnie. Le souper fait, chacun se retira. Tout dès l'abord Constance s'éclipsa, S'allant coucher en certaine ruelle..
Nul n'y prit garde; et l'on crut que chez elle, Indisposée, ou de mauvaise humeur,
Ou pour affaire, elle était retournée. La compagnie étant donc retirée
Camille dit à ses gens, par bonheur, Qu'on le laissat, et qu'il voulait écrire. Le voilà seul, et comme le désire Celle qui l'aime, et qui ne sait comment Ni l'aborder, ni par quel compliment Elle pourra lui déclarer sa flamme. Tremblante enfin, et par nécessité Elle s'en vient. Qui fut bien étonné,
Ce fut Camille: He quoi! dit-il, Madame, Vous surprenez ainsi vos bons amis !
Il la fit seoir, et puis s'étant remis : Qui vous croyait, reprit-il, demeurée ? Et qui vous a cette cache montrée ? L'Amour, dit-elle. A ce seul mot sans plus Elle rougit; chose que ne font guère Celles qui sont prètresses de Vénus: Le vernillon leur vient d'autre manière. Camille avait déjà quelque soupçon Que l'on l'aimait il n'était si novice, Qu'il ne connût ses gens à la façon. Pour en avoir un plus certain indice, Et s'égayer, et voir si ce cœur fier Jusques au bout pourrait s'humilier, Il fit le froid. Notre amante en soupire; La violence enfin de son martyre
La fait parler. Elle commence ainsi :
Je ne sais pas ce que vous allez dire De voir Constance oser venir ici Vous déclarer sa passion extrême. Je ne saurais y penser sans rougir; Car du métier de nymphe me couvrir, On n'en est plus dès le moment qu'on aime. Puis, quelle excuse! Hélas! si le passé Dans votre esprit pouvait être effacé !
Du moins, Camille, excusez ma franchise : Je vois fort bien que, quoi que je vous dise, Je vous déplais. Mon zèle me nuira : Mais, nuise ou non, Constance vous adore: Méprisez-la, chassez-la, battez-la ;
Si vous pouvez faites lui pis encore; Elle est à vous. Alors le jouvenceau : Critiquer gens m'est, dit-il, fort nouveau; Ce n'est mon fait; et toutefois, Madame Je vous dirai tout net que ce discours Me surprend fort, et que vous n'êtes femme Qui dût ainsi préveni nos, amours. Outre le sexe, et quelque bienséance Qu'il faut garder, vous vous êtes fait tort. A quel propos toute cette éloquence? Votre beauté m'eut gagné sans effort, Et de son chef. Je vous le dis encor, Je n'aime point qu'on me fasse d'avance,
Ce propos fut à la pauvre Constance Un coup de foudre. Elle reprit pourtant: J'ai mérité ce mauvais traitement;
Mais, ose-t-on vous dire sa pensée ? Mon procédé ne me nuirait pas tant, Si ma beauté n'était point effacée.
C'est compliment ce que vous m'avez dit; J'en suis certaine, et lis dans votre esprit : Mon peu d'appas n'a rien qui vous engage. D'où me vient-il? Je m'en rapporte à vous. N'est-il pas vrai que naguère, entre nous A mes appas chacun rendait hommage? Ils sont éteints ces dons si précieux : L'amour que j'ai m'a causé ce dommage. Je ne suis plus cette belle à vos yeux : Si je l'étais, je serais assez sage. Nous parlerons bientôt de ce point-là, Dit le galant; il est tard; et voilà
Minuit qui sonne; il faut que je me couche. Constance crnt qu'elle aurait la moitié D'un certain lit que d'un oeil de pitié Elle voyait mais d'en ouvrir la bouche, Elle n'osa, de crainte de refus.
Le compagnon, feignant d'être confus, Se tut long-temps; puis dit: Comment ferai-je ? Je ne me puis tout seul déshabiller.
Eh bien! Monsieur, dit-elle, appellerai-je ? Non, reprit-il, gardez-vous d'appeller; Je ne veux pas qu'en ce lieu l'on vous voie, Ni qu'en ma chambre une fille de joie. Passe la nuit au su de tout mes gens. Cela suffit, Monsieur, répartit-elle. Pour éviter ces inconvéniens,
Je me pourrais cacher en la ruelle : Mais faisons mieux, et ne laissons venir Personne ici; l'amoureuse Constance Veut aujourd'hui de laquais vous servir : Accordez-lui pour toute récompense Cet honneur-là. Le jeune homme y Elle s'approche; elle le déboutonne; Touchant sans plus à l'habit, et n'osant Du bout du doigt toucher à la personne. Ce ne fut tout; elle le déchaussa.
Quoi! de sa main? Quoi! Constance elle-même? Qui fut-ce donc ? Est-ce trop que cela? Je voudrais bien déchausser ce que j'aime. Le compagnon dans le lit se plaça, Sans la prier d'être de la partie. Constance, crut dans le commencement, Qu'il la voulait éprouver seulement;
Mais tout cela passait la raillerie.
Pour en venir au point plus important :
« PrécédentContinuer » |