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autres gens de l'Union, sous la conduite du curé de Saint-Cosme. Le lendemain (16 nov. 4591) au petit jour, le peuple s'assemblait sur la Grève, autour d'un échafaud où tous trois étaient pendus, et les meneurs couraient les masses, désignant les suspects et remarquant les « maisons où l'on auroit du bien à bon marché. » Ce coup de force semblait assurer aux Seize qu'ils étaient désormais les seuls maîtres, et qu'ils s'étaient délivrés enfin tout à la fois, comme disait le légat, « du colosse et du renard. » Mais l'indifférence populaire à toutes les sollicitations de meurtre et de pillage, l'hésitation des commandants espagnols, et aussi les vigoureuses protestations qui se produisirent, dans le sein même du Parlement, par la bouche des conseillers Lemaistre et Dorléans, attestèrent que tout n'était pas fini.

Mayenne reçut, au camp devant Laon, la nouvelle des événements de Paris et bientôt une députation des Seize, qui venait lui offrir de les sanotionner et d'en tirer promptement parti par l'établissement d'une chambre ardente contre les hérétiques, d'un conseil de guerre et d'un conseil des finances à la nomination du peuple. Sans s'étonner ni s'engager avec personne, il laisse le commandement de l'armée à son jeune neveu, prend sept cents chevaux, en rallie deux cents en route avec deux régiments d'infanterie, et, le 28 novembre au soir, arrive à Paris. Il écoute, à l'entrée, une harangue des Seize, répond évasivement; dans la nuit même, il s'assure des dispositions de la bourgeoisie et des milices, entremèle ses troupes aux compagnies bourgeoises et cerne la Bastille, où commandait Bussy, qui la rend sans coup férir, heureux d'avoir la vie sauve et de se pouvoir réfugier à Bruxelles. Puis, tous les postes importants occupés, les mesures prises, « la voix du peuple tastée », il met la main sur Louchard, Aroux, Esmonnot et Ameline, les plus dangereux des Seize, qu'il fait pendre immédiatement dans la salle basse du Louvre. Ensuite, craignant l'émotion populaire encore mal assoupie, les murmures des chaires, la résistance des désespérés, il publie, le 40 décembre, un édit d'abolition, défendant toute assemblée secrète « sous peine de la vie et du rasement des maisons », et tout souvenir ou reproche « des choses passées »; fait prêter de nouveau aux officiers des milices, quarteniers et dizeniers, le serment de fidélité et d'obéissance, et supprime définitivement le conseil de l'Union, en rendant aux politiques déclarés les fonctions qu'ils avaient perdues. C'était la fin de la terreur; et, comme toujours après les grandes surexcitations de l'esprit populaire, un affaissement allait s'ensuivre, réaction de découragement et de fatigue, où ce ne fut pas le vainqueur qui eut le plus à se louer du succès. Les Seize tombés, l'énergie des passions violentes qui avaient soutenu la Ligue s'épuisa. En face de ces revirements subits de fortune, les deux tiers de Paris, sans plus de souci des sentiments de la veille, "commencèrent à chucheter en l'oreille, à admirer, à louer,

et puis à s'esjouir des prospéritez du roy, comme en recevans insensiblement l'espoir de leur délivrance. » (D'Aubigné.)

Henri IV avait reçu les secours promis, et, avec toutes ses forces, était venu mettre le siége devant Rouen. Trente-deux régiments français, harassés, à vrai dire, et quelque peu débandés, six mille Suisses, presque autant d'Anglais, formaient le gros de son armée, qu'avaient successivement rejointe le vicomte de Turenne et le prince d'Anhalt, amenant des lansquenets; puis deux régiments des Pays-Bas, puis cinq ou six mille gentilshommes de France, enfin quarante-cinq vaisseaux hollandais occupant la mer et l'entrée de la Seine; si bien qu'avec les vieux reistres, plus de trente-cinq mille hommes, la plupart étrangers et protestants, n'attendaient qu'à bien donner. Dès le 14 novembre, Rouen, investie tant bien que mal par Biron avec les Anglais du comte d'Essex, sommée le 1er décembre, par le roi en personne, de se rendre, mais bien approvisionnée et bien défendue, avait ruiné ses faubourgs, couvert de travaux neufs son enceinte, et mis dehors les suspects et les inutiles. De violentes sorties, souvent heureuses, entretenaient l'ardeur des assiégés. En même temps s'avançait lentement, mais à marches certaines, l'armée de secours avec Mayenne, Guise, et, à leur tête, le duc de Parme. Les troupes de la Ligue s'étaient ralliées pour un supreme effort du grand général après que le roi d'Espagne lui eut longtemps marchandé ses services et enfin imposé ses conditions. Tandis que Mayenne organisait la guerre, « son ami le plus familier », le président Jeannin, négociait les garanties futures de la paix. Il paraissait entendu que le mariage de l'Infante avec un prince français, d'apres l'avis des principaux corps de l'État, résoudrait les difficultés de l'héritage.

L'armée ligueuse, forte de trente mille hommes, arrivait par l'Amiénois et le Ponthieu. Henri, laissant Biron devant Rouen, fit, à son ordinaire, « la courtoisie » d'aller au-devant de l'ennemi, « voulant, disait-il, le saluer dès son entrée en France, avant qu'il y disne. » Il ne prit avec lui que l'élite des reistres et des arquebusiers à cheval. Une pointe trop vive poussée sur Aumale faillit lui coûter cher. Débordé par la cavalerie ennemie, mitraillé par les carabins espagnols, il s'entéta à donner les dernières charges et à couvrir en personne la retraite des siens. Reconnu, entouré, blessé d'un coup de pistolet dans les reins, il fallut qu'un retour désespéré de ses gentilshommes le vint dégager (5 fév. 4592). Il était grand temps. « C'est donc un carabin! » dit le duc de Parme; mais il craignit si bien d'avoir affaire à un général qu'il n'osa pas s'aventurer trop loin à la poursuite. Quinze jours plus tard, Villars, qui défendait Rouen, averti du secours qui lui arrivait, s'élance au point du jour sur les assiégeants, comble les tranchées, évente les mines, prend cinq canons, « et retournoit au reste, quand Biron commença à paroistre » et rétablit la partie, non sans

y être gravement blessé (25 février). Le duc de Parme voulait porter un coup décisif; mais Mayenne, inquiet surtout que l'Espagnol ne voulût s'établir à Rouen, l'en détourna. Le roi eut le temps de rétablir les tranchées, d'élever des forts, et de réduire les assiégés à la dernière extrémité. Instruit de cette détresse, le duc de Parme concentre en un jour toutes ses troupes, et en trois marches arrive des bords de la Somme à Darnetal. L'armée du roi était déjà épuisée et réduite à dix mille hommes par les maladies, surtout par les défections; il fallut que Henri décampàt devant l'ennemi (fin de mars). Rouen ravitaillée, les deux ducs y séjournent trois jours, prennent Caudebec, et se dirigent sur Yvetot. L'espérance seule d'une bataille prochaine ramène immédiatement au roi vingt-cinq mille hommes. Le duc de Parme se reporte à Caudebec pendant la nuit; mais, acculé à la Seine, qui, en cet endroit, est large d'un quart de lieue, cerné de front par des forces toujours croissantes, il semblait se trouver à la discrétion du roi, quand celui-ci, « ne pensant qu'à encourager les siens pour enfonser les retranchemens, à soleil levant fut bien esbahi qu'il n'avoit plus d'hostes. » En une seule nuit (20-24 mai), sans attirer l'attention des avant-gardes, le grand capitaine, ayant reçu de Rouen pontons, remorques et radeaux, avait passé le fleuve sur un pont de bateaux jeté à la hâte, cavalerie, infanterie, artillerie, sans y rien laisser, sans que la flotte hollandaise stationnée à Quillebœuf cût pu même arriver à temps pour donner un coup de canon. Puis, longeant la rive gauche à marches forcées, il repassa la Seine à Charenton, jeta quinze cents hommes dans Paris, traversa la Brie, et, après quelques jours de relâche à Château-Thierry pour solder ses troupes, repassa une dernière fois la frontière. Henri, sentant la partie perdue, sans s'échauffer à la poursuite, et délaissé d'ailleurs, comme à l'ordinaire, par la meilleure partie de ses troupes, se contenta de suivre de loin avec quelques cavaliers l'ennemi qu'il n'avait pu combattre, et revint tenir la campagne un peu au hasard,« se promenant par ses places autour de Paris pour y entretenir des intelligences et croistre les hardiesses à ceux qui parloient pour luy. (D'Aubigné.) La prise d'Épernai lui coûta le brave maréchal de Biron, qui fut tué d'un coup de canon (27 juill.).

ABJURATION ET SACRE DE HENRI IV.

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Des deux côtés, les partis étaient las de combats sans fin, de misères sans honneur, de rancunes sans excuse, et tous les cœurs honnêtes souffraient. L'heure semblait venue de trouver prétexte à la concorde; c'était la préoccupation du temps, la pensée des petites gens comme des politiques, l'entretien commun « par les maisons ou par les rues, lorsque gens de mesme humeur se rencontroient ensemble. » Lettres et instances en

arrivaient au roi de tous côtés; les négociations reprirent sous main, mais l'entente était difficile entre des prétentions trop contradictoires. « On n'entendit jamais parler de tant d'allées, de venues, d'écrits, de lettres, de voyages, d'entremises, de traitez, discours, pourparlers et conférences, de tant de diverses sortes de pacificateurs et restablissemens d'estats, royaumes, royautez, peuples et couronnes, la pluspart à trois et quatre visages.» (Sully.) Chacun, en somme, traitait pour soi. Les bourgeois, les politiques, le tiers parti, formaient brigues à leur tour et s'assemblaient sans avis de Mayenne, tout prêts à s'accommoder sans lui. A leur tour, les Seize, un peu refroidis par le courant des idées populaires, firent offrir à Henri de le reconnaître pour roi, mais à des conditions telles qu'ilz fussent demeurez beaucoup plus puissants que luy. » Les prédications reprirent de plus belle. Mayenne, qui, par Villeroy, Jeannin et d'autres, négociait pour son compte, revint à Paris, « où chacun le demandoit, fors les Seize, auxquels il sembloit tousjours qu'il y deust venir pour les faire pendre » (Lestoile); puis, se sentant débordé de tous côtés par les intrigues espagnoles, le mauvais vouloir de la bourgeoisie, la défiance du peuple, l'aigreur commune à toutes les factions, il espéra à son tour tirer parti de ces États généraux convoqués depuis si longtemps pour l'élection d'un roi.

Les États s'ouvrirent le 26 janvier 4593, dans la grande salle haute du Louvre. L'assemblée était peu nombreuse; la noblesse presque entière y manquait, et ne s'accrut guère; successivement et jusqu'à la fin de février, les députés arrivérent un à un, comme furtivement, ou par groupes de provinces, sous bonne escorte, selon que la route s'était trouvée libre. Dès le 29 janvier, une proclamation royale fut reçue, portant protestation pour le maintien de la loi salique, et en même temps la réponse des seigneurs catholiques de la cause royale aux ouvertures qui leur avaient été faites de députer aux États: ils offraient une conférence en lieu neutre. Une pareille entente, si on l'acceptait, était un scandale aux yeux des vrais ligueurs, des curés de Paris, de la Sorbonne, du légat, de l'ambassadeur d'Espagne, le duc de Féria. Il semblait que tout fût perdu si l'on avait chance de s'accorder; mais ni les menaces des sectaires, ni les insolences des placards et des pamphlets dont Paris inondait la France, ne purent faire violence à l'espoir d'une conciliation prochaine. Mayenne lui-même, parti dès le lendemain de l'ouverture des États pour aller recevoir les Espagnols à Soissons, mécontent de leurs propositions et très-inquiet de leur sincérité, écrivit à Jeannin et à Villeroy d'accepter les conférences. Elles s'ouvrirent à Suresnes, le 20 avril. Quand les députés sortirent de la ville, « un grand peuple leur cria « La paix! la paix! Bénis soient ceux qui la procurent! Maudits et à tous les diables » tous les autres! » Ceux des villages par où ils pas

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sent se mettent à genoux et leur demandent la paix | ponsabilité de la guerre. Il prit résolument son à jointes mains. >> (Lestoile.)

Dès les premiers jours, pourtant, il fut évident que les pourparlers n'auraient aucun résultat. On prétendait, après toute conclusion, réserver absolument le droit du pape, et les lettres interceptées apprenaient assez au roi qu'on n'avait qu'un but, le dégoûter de tout accord, pour lui rejeter la res

parti. Dès le 18 mai, des lettres de convocation ostensibles furent adressées en son nom à l'archevêque de Bourges, aux évêques de Nantes, de Seez, de Maillezais, de Chartres, du Mans; à Daillon, à du Perron, à sept curés de Paris, aux théologiens et aux personnages par qui il voulait être instruit sur la différence dont procède le schisme

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Assemblée des États généraux (États de la Ligue); 26 janvier 1593. D'après une caricature du temps.

(Collection Hennin.)

A droite du lecteur, un comité essayant de fabriquer un roi; à gauche, un garçon meunier fustigé par les carrefours de Paris pour avoir dit à son âne: «Allons, Gros-Jean, aux Etats!» (Voy. le chap. I de la Satyre Ménippée, et Lestoile, janv. 1593.)

qui est à l'Église. » De son côté, l'ambassadeur d'Espagne fit connaître les prétentions de Philippe II, et revendiqua hautement, de droit naturel et de droit divin, le trône de France pour l'Infante (20 mai). Une protestation immédiate de Molé fut appuyée par une partie de l'assemblée, et bientôt par le corps entier du Parlement. La séance du 14 juin fut encore plus décisive contre l'étranger. Lavité à déclarer quel mari Philippe II destinait à sa fille, l'ambassadeur nomma l'archiduc Ernest, frère de l'empereur d'Autriche. L'effet fut désastreux. En vain, continuant ses instructions, essayat-il de revenir en proposant, l'Infante élue pour reine, de lui laisser un délai de deux mois pour choisir parmi les princes français, désignant même le duc de Guise. Les huées qui accueillirent à leur sortie des États les auteurs et les soutiens de ces offres étranges témoignèrent assez haut du sentiment populaire, et le Parlement y répondit hardiment en rompant tout d'un coup les hésitations et les secrets calculs de l'assemblée, et en proclamant par un arrêt célèbre (28 juin) << tous traités faits ou à faire pour l'établissement de

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prince ou de princesse étrangers, nuls et de nul effet et valeur, comme faits au préjudice de la loi salique et autres lois fondamentales du royaume. »> Ce ne fut qu'un cri, répété par tous les cœurs et bien rendu par cette apostrophe indignée de la Satyre Ménippée : « Allons, monsieur le légat, retournez à Rome et emmenez avec vous vos porteurs de rogatons; allons, messieurs les agents et ambassadeurs d'Espagne, nous sommes las de vous servir de gladiateurs à outrance et vous entretenir pour vous donner du plaisir. Allons, messieurs de Lorraine, avec vostre hardelle de princes, nous vous tenons pour fantosmes de protecteurs, sangsues du sang des princes de France, hapelourdes, fustes évantées, reliques de saincts, qui n'avez ne force ne vertu; et que monsieur le Lieutenant ne peut pas nous empescher ou retarder par ses menaces, nous luy disons bien haut et clair et à vous tous, messieurs ses cousins et alliez, que nous sommes François, et allons avec les François exposer nostre vie et ce qui nous reste de bien pour assister nostre roy, nostre bon roy, nostre vray roy, qui vous rangera aussy bientost à la mesme

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Henri n'en était plus à déclarer sa résolution d'en finir. L'assemblée des docteurs convoquée pour l'instruire dans la foi catholique se réunit le 22 juillet, à Saint-Denis. Le vendredi 23, au matin, avant toute conference, il écrivait à Gabrielle d'Estrées : « Ce sera dimanche que je fairay le sault périlleux. A l'heure que je vous écris, j'ay cent importuns sur les espaules qui me feront hair SaintDenys. Ensuite il écouta cinq heures durant une harangue de l'archevèque de Bourges, fit quelques objections, et tant bien que mal se déclara satisfait. A vrai dire, il avait pris ses convictions ailleurs. Les instances de Crillon, de Termes, Saint-Luc, Sancy; les conseils de Biron, de Schomberg, de Turenne, de Mornay, de Rosny surtout, et aussi de Gabrielle, qui déjà espérait de faciles accommodements avec les prélats catholiques pour ses desseins futurs, lui avaient fait une conscience disposée à se payer de peu de raisons. Le 24, « ses ministres protestants prenant congé de luy, il leur dit, en pleurant, qu'ils priassent bien Dieu pour luy, qu'ils l'aimassent tousjours, et qu'il les aimeroit et ne permettroit jamais qu'il leur fust fait tort ni violence aucune à leur religion. » Le 23, avant de se lever, il parla, dans son lit, quelque temps au ministre la Faye, « aiant sa main sur son col», et l'embrassa deux ou trois fois. Puis, par les rues tapissées et jonchées de fleurs, il se dirigea vers l'église. L'archevêque de Bourges l'y attendait sur le seuil avec son clergé : « Qui êtes-vous? Je suis le roi. Que demandez-vous? Je demande être reçu au giron de l'Église catholique, apostolique et romaine. Le voulez-vous sincèrement? Oui, je le veux et le désire. » Et à l'instant le roi se mit à genoux et fit sa profession de foi, reçut l'absolution et la bénédiction, puis fut conduit à l'autel, où il répéta son serment, et, pendant le Te Deum, fut ouï en confession par l'archevêque de Bourges. Douce et sainte humilité qui touche dans les âmes candides et courbées par la foi; exemple ici de la politique de duplicité, qui répugnera toujours aux honnètes gens, et dont Soufirit sans doute autant que personne le brave soldat qui écrivait autrefois à Rosny cette bonne et grande parole: « Ceux qui suivent tout droit leur conscience sont de ma religion, et moi, je suis de celle de tous ceux-là, qui sont braves et bons. »

La conversion de Henri ralliait à sa cause tous les indifférents, tout le tiers parti, tous les ligueurs restés Français de cœur, et tant de « pauvres villes affligées, lasses de la guerre et de la pauvreté, qui ne demandoient autre chose que cette couleur et bonne occasion pour se retirer et couvrir ou colorer leur repentance. » (Ménippée.) Dès le 30 juillet, Mayenne et Henri conclurent une trève. Le 8 août, les députés des États de Paris tinrent une séance qui fut à peu près la dernière, et regagnèrent pour la plupart leurs provinces. Quelques

jours après, une ambassade royale, dont le duc de Nevers était le chef, partait pour Rome; mais avant même d'arriver dans la ville pontificale, le duc de Nevers reçut avis officieux qu'il ne serait pas admis comme ambassadeur. Il n'en poursuivit pas moins sa route, et vint s'installer à son poste. Il en repartit le 4 janvier 1594, protestant hautement contre les procédés inexplicables de cette cour servile et dominée par l'étranger. «Vederemo (Nous verrons) »; c'était toute l'assurance qu'il avait pu, dans des audiences presque secrètes, obtenir du pape. Cependant, en France, le parti de la Ligue s'en allait en dissolution. Tout en dirigeant de son mieux les négociations lointaines, le roi s'étudiait à pratiquer autour de lui des intelligences et à se préparer l'accès aux consciences faciles de la noblesse. Les plus honnêtes des partisans de Mayenne le conjurerent de hàter la crise et de ne pas attendre qu'il se trouvat seul à traiter. Vitry, Villeroy, la Chastre, l'en avertirent; attaqué tout à la fois par le parti de l'étranger, qui lui attribuait la défection des peuples et des grands, outragé par les sermonneurs, raillé par la Satyre Ménippée, Mayenne, jouant de ruse, n'en persistait pas moins à traiter avec l'Espagnol. Henri, ayant saisi au passage des dépêches qui lui livraient toutes les trames, se refusa à toute prolongation de la trêve et publia les motifs de sa détermination. Dès le 24 décembre, trois jours avant la déclaration du roi, Vitry, gouverneur de Meaux, annonça aux habitants qu'il se ralliait à la cause royale, et sortit de la ville. Immédiatement les habitants se réunirent aux cris de Vive le roi! et, par un double manifeste adressé d'une part à la noblesse de France, d'autre part aux Parisiens, les sollicitèrent à suivre l'exemple qu'ils donnaient. Henri leur confirma tous les priviléges que leur avait concédés la Ligue, toutes les confiscations prononcées par Mayenne, interdit dans la ville l'exercice du culte réformé, remit l'arriéré des taxes, et promit pour l'avenir des modérations. Dès le lendemain, il se rapprocha de Paris pour être mieux à portée de tirer parti des événements. Le 7 janvier, la ville et le Parlement d'Aix lui envoient leur soumission. Villeroy, n'ayant pu décider Mayenne à traiter, se sépara solennellement de sa cause et livra Pontoise (1er fév.). Michel d'Estourmel, qui tenait de la Ligue Péronne, Roye, Montdidier, s'y fit confirmer par le roi. Les habitants de Lyon, exaspérés par l'orgueil et les exactions du duc de Nemours, étaient en révolution depuis six mois. Ils avaient enfermé prisonnier leur gouverneur à Pierre-Encise, et mis à sa place leur archevêque, autre agent de Mayenne. A l'instigation et avec l'appui d'Alphonse d'Ornano, commandant en Dauphiné, ils refirent leurs barricades, déposèrent leurs échevins et ouvrirent les portes aux troupes royales (8 fév.). Peu après, le baron de la Chastre, oncle de Vitry, assemble les bourgeois d'Orléans, et, aux acclamations de la ville entière, arbore l'écharpe blanche. Il avait pris soin au préalable de se faire confirmer par le roi dans

sa dignité de maréchal de France et allouer 250 000 livres pour ses frais de guerre. Bourges et toute la partie du Berry et de l'Orléanais jusqu'alors inféodée à l'Union passerent du mème coup au mème parti.

Le roi, par une dernière démonstration, s'efforça de rallier autour de lui les sympathies populaires. Il se fit sacrer. Reims et la sainte ampoule manquaient. Les antiquaires et les légistes démontrerent par l'histoire de l'Église et du droit canon, « pour les raisons à plein déduictes par Yvo,

évèque de Chartres au sacre du roy Louis le Gros », que nulle église n'avait le privilége de cette solennité; et quant au saint chrème, il fut reconnu que l'abbaye de Marmoutier près Tours, quoique saccagée dans les dernières guerres par les protestants, conservait encore une sainte ampoule d'authenticité mieux attestée même que celle de Reims. Une députation des moines, conduite par M. de Souvray, gouverneur de Touraine, l'apporta pour la cérémonie, qui se célébra le 27 février 4594, dans l'église de Chartres, choisie par le roi « entre

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Entrée de Henri IV à Paris, par la porte Neuve (près les Tuileries, rue Saint-Nicaise prolongée), le 22 mars 1594. D'après une estampe du temps.

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remplaçant au gouvernement de Paris M. de Belin par le comte de Brissac, héros des premières barricades. Se croyant ainsi bien assuré de la grande ville, il partit pour presser l'arrivée des troupes que lui amenait trop lentement Charles de Mansfeld. Il n'était pas à Soissons que Brissac, par l'intermédiaire du président Lemaistre, du procureur général Molé, surtout de Lhuillier, prévôt des marchands, et de l'échevin Langlois, passait un traité avec le roi. Henri garantissait au comte 200 000 écus une fois payés, 20 000 livres de pension, le bâton de maréchal, le gouvernement de Mantes et de Corbeil; à la ville de Paris, il accordait amnistie absolue, maintien de ses priviléges, interdiction du culte protestant dans un rayon de dix lieues, enfin libre sortie pour le légat, les ambassadeurs d'Es

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