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la route de Paris ouverte : « Il y a encore trois batailles en travers de cette route, et que Dieu nous soit en aide! » Enfin Napoléon lui-même, demandant à servir une dernière fois la patrie », écrivit «Je m'offre pour la défendre et je jure de la sauver. » Mais, dans la triste alternative du protectorat étranger ou du despotisme militaire, les chambres ne se rendirent pas à cette pensée que mieux vaut à tout prix l'indépendance du sol; car l'indépendance défendue » rend plus sûrement la liberté. (Villemain.)

L'empereur était parti pour ne pas tomber aux mains des alliés, et attendait à l'île d'Aix des saufconduits anglais que Fouché lui avait promis

(8 juillet). Qui ne sait le reste? Sa noble lettre au représentant d'un peuple qui ne voulut pas la comprendre; son arrivée sur le Bellerophon; sa déportation à Sainte-Hélène, signifiée le 30 juillet; son éloquent appel à l'histoire; ses adieux à « la terre des braves, à la France!» sa longue agonie, loin de sa patrie et de son fils; enfin, le retour à Paris de ses restes en 1840!

Avant de quitter ce mort illustre, arrêtons-nous pour embrasser d'un coup d'œil sa carrière prodigieuse. Voyons, dans un lointain d'apothéose, le jeune général rêvant l'empire d'Orient; le premier consul au profil romain qui relève la grande nation tombée dans l'apathie anarchique; puis

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l'empereur couronné de rayons par son astre resplendissant. Mais déjà s'accumulent les nuages au couchant. Une rivalité opiniâtre l'a entraîné à de vastes projets; il enchaînera le continent à la France par la victoire et l'expansion des idées; l'Angleterre, exclue de toutes les côtes, demandera grâce enfin à l'empire appuyé sur les États feudataires. C'est trop pour une vie. Sous sa volonté, comme sous un joug, les rois et les peuples murmurent; au premier souffle de la fortune contraire, l'Europe se soulève contre son maître, l'abat et le jette sur l'écueil où l'attend la mort désolée. Son empire s'est écroulé comme un édifice de nuées; et que reste-t-il de son œuvre ?

Rien; un Code déjà vieilli. La France humiliée lui demande compte de son sang et de ses désastres; on lui jette à la face les préjugés de son orgueil et les fautes de son ambition le sacre, l'hérédité, la féodalité, ses frères rois, le Tribunat supprimé, Joséphine répudiée, les guerres d'Espagne et de Russie.

Homme de guerre, il a sans cesse traité avant d'avoir écrasé ses ennemis. Quelle paix pouvait-il attendre? Il leur prenait leurs provinces et leur laissait des armes.

Homme politique et chef de peuples, il a toujours préféré le principe d'autorité au principe de liberté, pris le calme pour l'ordre, le silence pour

l'amour. Il s'est appuyé sur la force et la tradition; il a étouffé les intelligences ou employé des esprits pervers, Talleyrand et Fouché ; il a flatté les rois qui devaient le haïr, dédaigné les peuples qui pouvaient l'aimer. Si ses frères, ses maréchaux, ses alliés, son beau-père, ces appuis vermoulus auxquels il s'est confié, lui ont manqué tous à la fois, comment les peuples, irrités de son obstination despotique, n'auraient-ils pas repoussé ses bienfaits imposés? De là l'invincible résistance de l'Espagne et les insurrections allemandes. Comment les intelligences qu'il avait éliminées et exilées se seraient-elles rapprochées de lui aux jours de malheur? Bien au contraire, elles ont fait alliance avec ses ennemis. De là l'épouvantable catastrophe de 1844 et 1815.

Et pourtant, à mesure que les blessures douloureuses de la patrie se sont changées en nobles cicatrices, à mesure que les désastres se sont oubliés et les ressentiments apaisés, la gloire de Napoléon semble avoir encore grandi d'année en année dans la mémoire du peuple. Tous les poètes ont exalté ce fils de la révolution; ce rude semeur qui a répandu quinze ans par le monde, sans le vouloir, des germes de régénération; l'ouvrier terrible qui, bâtissant et ruinant des trônes, a rabattu l'orgueil des rois.

LES ALLIÉS A PARIS.

Le 25 juin 1815, Louis XVIII, appelé par Wellington, était parti de Mons, où, sur les instances des alliés, il avait accepté la démission de M. de Blacas; le lendemain, dans une proclamation datée de Cateau-Cambrésis, il annonça « qu'il mettrait à exécution, contre les coupables, les lois existantes. >> Sur une lettre de Wellington, qui lui demandait, pour faciliter son retour, « un document de pardon et oubli», il publia, le 28, à Cambrai, une déclaration dans laquelle il avouait que son gouvernement avait fait des fautes, et promettait que la dime et les droits féodaux ne seraient pas rétablis, que les acquéreurs de biens nationaux conserveraient leurs propriétés. Il promettait pardon et oubli pour tout fait accompli pendant les cent - jours, se réservant seulement le droit de punir tous auteurs et instigateurs du retour de Napoléon. Le 5 juillet, toujours à la suite de l'armée anglaise, il était à Saint-Denis.

Les Prussiens, et derrière eux les Anglais, étaient arrivés sans résistance jusqu'à Paris. La rive droite était en bon état de défense et protégée par plus de cent mille hommes de troupes régulières. Blucher eut l'audace de passer la Seine sous Paris pour attaquer la rive gauche. Ce mouvement, qui le séparait de Wellington, l'exposait à une perte certaine. Comme l'a dit Marmont, Davoust, l'abordant avec des forces supérieures, pouvait jeter l'armée prussienne dans la Seme, ou l'acculer à la forêt de Saint-Germain. Il ne voulut pas de la victoire qu'il avait sous la main,

et qui eût du moins donné le temps de négocier. Le 1er juillet, Excelmans culbutait au bois de Verrières la cavalerie prussienne, et la poursuivait à Versailles et jusqu'à Marly. Mais l'ordre d'attaque, arraché à Davoust, avait été retiré par l'influence de Fouché, et le 3 juillet Davoust signa, sous le titre de convention militaire, une capitulation qui livrait Paris aux alliés, et obligeait l'armée à se retirer derrière la Loire.

Wellington, qui avait hâte de terminer une campagne désormais sans avantages pour l'Angleterre, et qui était le seul homme d'État parmi les généraux alliés, voulait en finir par une transaction. Il désirait que le roi se conciliat la France en prenant la cocarde tricolore, et le gouvernement provisoire en acceptant Fouché pour ministre. Il ne réussit que sur le dernier point. Fouché fut ministre de la police; le maréchal Gouvion SaintCyr, ministre de la guerre; le baron Louis eut les finances; le comte de Jaucourt, la marine; M. Pasquier, la justice et l'intérim du ministère de l'intérieur. Talleyrand, après avoir organisé le ministère, se réserva les affaires étrangères. M. Decazes obtint la préfecture de police, à la condition de fermer, le lendemain, la Chambre des repré

sentants.

Le 8 juillet, Paris était occupé militairement par les Prussiens, entrés de la veille, qui se concentraient sur les places publiques et plaçaient de l'artillerie sur les ponts. A trois heures et demie, le canon annonça l'entrée de Louis XVIII. En un clin d'œil le drapeau tricolore fut amené de dessus les édifices publics, la garde nationale ôta ses cocardes, et les curieux se précipitèrent vers le faubourg Saint-Denis, par où le roi arrivait. Il était en voiture fermée, accompagné du comte d'Artois en garde national, du duc de Berri, à cheval aux deux côtés de sa voiture, suivi de cinq maréchaux ainsi que de sa maison militaire, l'objet des haines de l'armée. La garde nationale faisait la hale. Dès que le roi fut entré aux Tuileries, des femmes du monde, qui l'attendaient en foule, firent des rondes sous les fenêtres en chantant des chansons joyeuses.

Paris allait apprendre ce que pèse le joug d'un vainqueur. Les Prussiens, cette avant-garde de la coalition, étaient les plus acharnés dans leurs idées de vengeance. Blucher voulait, en détruisant les ponts d'Iéna, d'Austerlitz et la colonne Vendôme, effacer toute trace des désastres de l'Allemagne. Il fit occuper le Musée par un bataillon, et distribuer à qui les redemandait les tableaux, les statues, cédés par des traités ou achetés par la France. Il voulait imposer à Paris une contribution de cent millions. Louis XVIII, Wellington, réclamèrent en vain pour le pont d'Iéna. Le 9, les Prussiens mirent le feu à trois mines, et le monument ne fut conservé que par sa masse et par leur maladresse.

Chacun de nos voisins demandait, à titre de restitution, un des morceaux de l'ancienne France.

L'Allemagne voulait tout ce qui a appartenu à l'empire germanique : l'Alsace, la Franche-Comté, la Bresse. La Prusse s'étendrait jusqu'en Champagne, l'Autriche reprendrait la Lorraine; la Sardaigne, la Savoie; les Pays-Bas, la Flandre française, le Hainaut français, l'Artois. De nos trois lignes de places fortes, M. de Metternich nous enlevait la première, plus que suffisante, d'après lui. Il voulait faire payer six cents millions pour les frais de là guerre, deux cents millions pour construire des places fortes contre nous, et occuper

nos forteresses, pendant sept années, avec cent cinquante mille hommes, que nous payerions et entretiendrions. Heureusement, ni l'Angleterre ni la Russie n'avaient rien à gagner à un tel amoindrissement de la France. Wellington déclara que trop affaiblir la France, c'était rompre la balance du pouvoir en Europe. Louis XVIII dit à Wellington, en présence d'Alexandre : « Je ne veux pas régner sur la France, si on ne me laisse dans son entier le royaume de mes pères. Dans le cas contraire, le prince régent m'accordera-t-il en

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D'après Gérard.

Les deux listes étaient déclarées closes; mais cette promesse ne fut pas tenue.

A la première nouvelle de Waterloo, le peuple de Marseille se souleva. Des bonapartistes furent assassinés et leurs maisons pillées. La populace massacra une colome d'Égyptiens et de Syriens, dernier reste de l'expédition d'Égypte. A Nimes, où les passions religieuses s'ajoutent aux passions politiques, le pillage et le massacre étaient dirigés par le portefaix Trestaillons, ils s'étendirent dans tout le département. A Avignon, le maréchal Brune, arrêté au passage et défendu en vain par les autorités et une centaine de gardes nationaux, fut assassiné, son corps retiré de la bière et jeté

au Rhône. Le général Ramel fut tué à Toulouse. A Bordeaux, on condamna à mort les frères Faucher, deux généraux de la république, déjà condamnés sous la Terreur pour avoir porté le deuil de Louis XVI. Il n'y avait aucun motif plausible à alléguer contre ces hommes respectables; cependant, dans tout le barreau de Bordeaux, ils ne trouvèrent pas un avocat. A Paris, le général de Labédoyère était fusillé. Le comte Lavalette, condamné à mort pour s'ètre emparé, au 20 mars, de la direction générale des postes, s'évadait grâce au dévouement de sa femme. Enfin, la cour des pairs condamnait à mort le maréchal Ney. Parti de Paris avec l'intention bien arrêtée de combattre Napoléon, il avait cédé en route à un entraînement universel dans l'armée. Si, au nom de la loi, sa condamnation était légitime, sa gloire le protégeait, et elle aurait dû le sauver. Louis XVIII ne comprit pas qu'ici la vraie justice c'était la clémence. Michel Ney, maréchal de France, duc d'Elchingen, prince de la Moscowa, fut fusillé dans l'avenue de l'Observatoire.

L'armée de la Loire inquiétait encore le gouvernement. Le 44 juillet, Davoust, dans une proclamation à l'armée, lui annonça qu'il n'y aurait pas de réaction, qu'elle serait traitée conformément à son honneur. Le 45, il envoya au roi une adresse de l'armée qui se soumettait à son pouvoir. Le 16, on signa sans la publier l'ordonnance de dissolution. Le 17, Davoust obtint de nos soldats de renoncer aux couleurs nationales; mais lorsqu'il vit apparaître des listes de proscription où se trouvaient compris quelques-uns de ses généraux, il donna sa démission. Macdonald, qui le remplaçait, dispersa l'armée, disloqua les divisions, et prépara ainsi le licenciement définitif, qui ne tarda pas à s'opérer. Nos places fortes étaient plus heureuses le drapeau tricolore y flottait encore; l'ennemi bloquait les grandes, assiégeait les petites. Toutes résistèrent, et, presque sans exception, avec succès.

Talleyrand s'était assuré de la Chambre des pairs en lui donnant l'hérédité et en créant une centaine de pairs. Mais les députés nouveaux, royalistes ardents, animés d'une haine profonde contre la révolution et les révolutionnaires, voulaient consolider la monarchie par l'exclusion de tous les serviteurs de l'empire. Ils repoussaient Talleyrand, un prêtre marié, et trouvaient monstrueuse la présence du régicide Fouché, que la, famille royale refusait de recevoir. Fouché donna sa démission et partit de Paris déguisé. Talleyrand demanda au roi ou son appui personnel devant les chambres, ou l'acceptation de la démission des

ministres.

M. Decazes, le nouveau favori, fit choisir M. de Richelieu pour former un autre ministère. M. de Richelieu se réserva la présidence et les relations extérieures; Corvetto eut les finances, Vaublanc l'intérieur, Barbé-Marbois la justice, Dubouchage la marine, et le duc de Feltre remplaça à la guerre

le maréchal Saint-Cyr, qui venait de casser la maison du roi, et d'organiser à la place de ce reste de l'ancien régime une garde royale sur le modèle de la garde impériale.

M. de Richelieu, qui avait été le créateur d'Odessa et qu'Alexandre appréciait beaucoup, parvint à conserver à la France cinq places fortes et deux forts, et fit réduire à cinq années l'occupation du territoire par cent cinquante mille soldats; il abaissa de 400 millions le chiffre de l'indemnité de guerre, qui resta fixé à 700 millions, et, grâce à lui, Alexandre écarta une demande de 735 millions pour dommages causés par la France depuis 1792. Le traité de Paris, du 20 novembre 4845, laissait à la France ses limites de 1790, sauf quatre places de second ordre (Philippeville, Marienbourg, Sarrelouis et Landau) et environ deux cent cinquante mille âmes. Les fortifications de Huningue durent être rasées. Le 25 novembre, le négociateur, qui avait défendu les intérêts de la France avec l'énergie qui manqua aux signataires de l'armistice de 4814, des traités de Vienne et de la capitulation de Paris en 1845, déposa avec douleur devant la Chambre silencieuse ce malheureux traité de Paris.

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Cependant la réaction royaliste suivait son cours. Dans les provinces, les royalistes, formés en comités et s'organisant en garde nationale ou en volontaires royaux, dominaient l'administration, imposaient l'épuration des fonctionnaires, accueillaient toutes les dénonciations. La chasse aux places commençait. On déclara que l'inamovibilité était acquise seulement aux juges qui avaient l'institution royale. Une commission d'enquête fut chargée de ranger en vingt et une catégories tous les officiers de l'ancienne armée ; une autre, d'examiner les titres des émigrés, des chouans, de la maison du roi. Le ministre devait choisir sur les deux listes le personnel de la nouvelle armée. En octobre, les chambres votèrent une loi contre les faits, paroles ou écrits séditieux, et contre la provocation indirecte à la sédition. Ces délits devaient entraîner la déportation, jointe à une amende de 50 à 20 000 francs. On fit ensuite une loi des suspects, qui permettait la détention sans jugement, l'internement ou la demande d'une caution. Enfin, on établit des cours prévôtales, composées d'un colonel et de cinq magistrats, en enlevant au roi le droit de grâce, excepté pour les condamnés que lui recommanderait ce tribunal. Une loi, déguisée sous le nom d'amnistie, confirmait les exceptions prononcées par l'ordonnance du 24 juillet, laissait subsister toute poursuite déjà commencée, et ordonnait que le bannissement des régicides serait perpétuel.

La discussion de la loi électorale fit éclater l'op

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