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laisser prendre pied ce monstre infernal de vengeance. Il combla de faveurs son ancienne ennemie Anne de Beaujeu et toute la maison de Bourbon. Le sire de la Trémouille, qui avait perdu en Charles VIII un ami et qui jadis avait fait le duc d'Orléans prisonnier à la bataille de Saint-Aubin du Cormier, se lamentait doublement. « Mais tout vint au contraire de son ymaginacion, car ledit duc d'Orléans, incontinent après le décès dudit roy Charles et avant son couronnement, manda ledit seigneur de la Trémouille, et de son propre mouvement, sans aulcune requeste, le confirma en tous ses états, offices, pensions et biensfaictz, le priant luy estre aussi loyal que à son prédécesseur. » (J. Bouchet.) Les bourgeois de la ville d'Orléans, se rappelant qu'il n'avait pas eu à se louer d'eux lorsqu'il était prisonnier dans leurs murs, lui envoyèrent timidement des députés chargés de solliciter son pardon; ce fut à eux qu'il fit cette réponse restée célèbre : « Qu'il ne seroit décent et à honneur à un roi de France de venger les querelles, indignations et inimitiés d'un duc d'Orléans, et qu'il oublioit le passé et les retenoit pour ses bons et loyaux sujets.» (Nicol. de Lange.)

« L'affaire qui plus fist d'ennuy à l'esperit du roy, au commancement de son règne, fut que dès ses jeunes ans avoit espousé Madame Jehanne de France, fille du feu roy Louis XI, par la crainte d'iceluy roy qui sévère estoit à ceux de son sang plus que la raison ne vouloit. » (J. Bouchet.) « Laquelle dame, dit un autre chroniqueur, estoit princesse accomplie de tout honneur et vertu, mais difforme, en ce qu'elle estoit bossue. » (H. Vellay.) Ce mariage, que Louis XII avait contracté à l'âge de quatorze ans, était complétement stérile, quoiqu'il durât depuis vingt-deux années. Les répugnances et l'infidélité du mari ne pouvaient pas en autoriser la rupture, mais les raisons d'État y fournirent largement prétexte. La veuve de Charles VIII s'était retirée dans son duché de Bretagne. D'après les clauses de son contrat de mariage, elle en reprenait l'autorité souveraine; mais elle ne pouvait donner de nouveau sa main qu'au successeur de Charles VIII ou à l'héritier présomptif de la couronne. Le mirage de cette combinaison, à l'effet duquel se joignaient les grâces de la belle duchesse, éblouit la raison juste et droite de Louis XII. II s'assura du consentement d'Anne, acheta la connivence du pape (Alexandre VI), et entama contre son épouse un procès en divorce par-devant trois commissaires du saint-siége complétement à sa dévotion: l'un était l'évêque d'Albi, Louis d'Amboise, frère de son principal conseiller; l'autre, un évêque du Mans; le troisième, un Italien. On invoquait pour faire casser le mariage : la proximité des deux époux, qui étaient parents au quatrième degré; la fraternité spirituelle créée entre eux par suite de ce que le père de la femme avait été le parrain du mari; la contrainte qui avait présidé au mariage, il est vrai, mais contre laquelle ni l'un ni l'autre des époux n'avaient jamais réclamé ; enfin la difformité physique de l'épouse, qui la rendait incapable, disait-on, d'ètre mère. Aucun de ces motifs n'était sérieux. Jeanne de France se défendit noblement, simplement, en s'attachant à la vérité par devoir de conscience, et elle eût gagné sa cause si les juges n'eussent d'avance prononcé. La nullité du mariage fut déclarée par les commissaires le 17 décembre 1499, et «licence donnée par autorité

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Anne de Bretagne assistée de sainte Anne, de la Bretagne et de la Religion. Miniature tirée du livre d'heures d'Anne de Bretagne conservé au Musée des Souverains, au Louvre (1).

apostolicque au roy Loys de povoir prendre par mariage telle femme que bon luy sembleroit. Après laquelle sentence donnée, il espousa madame Anne, duchesse de Bretaigne, et bailla pour appanage à madame Jehanne de France le duché de Berry avec beau et honneste train qu'il luy entretint jusques à son décès, qui fut en l'an 1505, en la ville de Bourges, où elle fit tousjours depuis sa principalle résidence et vesquit en si grant saincteté que, après

(1) Cette gravure a été exécutée d'après une photographie de la miniature.

son décès, Dieu a fait plusieurs miracles ès personnes, d'aucuns malades qui l'ont priée et réclamée. » (J. Bouchet.)

Tout en faisant régler à son gré cette grande affaire, Louis XII s'efforça d'alléger la charge des impôts qui pesaient sur le peuple, d'introduire de sages réformes dans l'administration de la justice, et de porter au delà des frontières de la France l'humeur guerrière de sa noblesse. Il parvint à réaliser à peu près cette utopie de tous les Valois, qu'il avait été jusque-là impossible d'atteindre et qu'on ne revit plus après lui, de faire vivre la royauté du revenu de son domaine sans demander de subsides. L'ordonnance de Blois, sorte de code comprenant cent soixante articles, rédigée sous l'influence du chancelier Gui de Rochefort et publiée au mois de mars 1499, amenda de grands abus judiciaires; elle soumit les magistrats à des examens de capacité et à une certaine discipline; elle obligea les notaires à donner des garanties de la sincérité de leurs actes, et les procureurs ou huissiers à modérer leur zèle. On réprima aussi les priviléges exorbitants de l'Université de Paris, dont il résultait «d'incommensurables fautes et abus »; car vingt-cinq mille personnes dans cette ville trouvaient un moyen assuré de se soustraire à l'action des tribunaux en invoquant le titre d'étudiants, quoiqu'il n'y eût pas plus de cinq à six mille étudiants véritables. Ce fut l'occasion d'une émeute qui gronda dans Paris, mais qui trouva le roi et son ministre Georges d'Amboise pleins de fermeté.

Enfin Louis XII s'assura la neutralité de ses voisins, surtout celle de l'empereur Maximilien, qui avait fait quelques démonstrations hostiles en Franche-Comté, et il put dès lors se livrer entièrement, comme Charles VIII, à ses espérances de conquête en Italie. Il prétendait faire valoir les droits de ses prédécesseurs au royaume de Naples, et ceux qu'il tenait personnellement du chef de sa grand'mère, Valentine, sur le duché de Milan. La jurisprudence féodale pouvait autoriser ces sortes de revendications, et une sorte de fièvre aveugle entraînait le Nord à vouloir s'approprier l'Italie; mais c'était une voie injuste et fausse où la France consuma trois générations pour ne réussir à fonder, par ses désastres, que l'oppression espagnole et allemande sur cette terre maternelle qu'elle devait plutôt protéger. La France s'était jusqu'alors augmentée sans cesse, et comme par instinct, en absorbant successivement dans son vaste sein tous les membres épars de la famille gauloise; il lui restait à compléter son œuvre en s'assimilant peu à peu la Belgique, la Suisse et la Savoie. Mais l'enthousiasme de la renaissance l'éblouit; elle se trompa de route, et son grand travail de fusion du sang gallofrank s'arrêta; il resta imparfait et inachevé.

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CAMPAGNES D'ITALIE SOUS LOUIS XII.

Cette fois, l'armée française ne se jeta pas à l'étourdie sur la Péninsule. Le roi ne s'était pas

seulement assuré l'adhésion du pape et la neutralité de l'empereur; il s'était allié au duc de Savoie et aux Vénitiens en leur promettant une partie du Milanais, aux Florentins en s'engageant à leur soumettre Pise révoltée, au duc de Ferrare luimême, qui était le beau-père de Ludovic Sforza; et tout en s'occupant de priver celui-ci de ses soutiens les plus naturels, il fit pour l'attaquer de formidables préparatifs. On subvint aux dépenses, sans paraître grever le peuple, en donnant le mauvais exemple de vendre les offices royaux. L'armée, rassemblée à Lyon, se composait d'environ vingt

REGNATE DVODECIMO CESARE ALTERO

ICE-LVDOVICO

quatre mille hommes, accompagnés de cinquantehuit canons, fauconneaux et coulevrines, qui formaient la plus belle artillerie de campagne qu'on eût encore vue. Après avoir paisiblement traversé le Piémont, elle déboucha d'Asti le 13 août 1499, et entra sur les terres milanaises. Elle était commandée par un Lombard ennemi personnel des Sforza, le seigneur Jean-Jacques Trivulce; par Louis de Luxembourg, comte de Ligny; par Stuart d'Aubigny, Chabannes et d'autres célèbres capitaines. « Là étoit en somme toute la fleur de la chevalerie et noblesse de France, avec telle bande de Nor

DETEBIS ANNA-REGNANTE BENIGNE

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+ IVGDVN REPUBLICA GAV

IGNE SICEVI CON PLATA 1499

Médaille de Louis XII et d'Anne de Bretagne, en argent, conservée au cabinet des médailles
de la grande Bibliothèque de Paris (1).

mands, Picards, Suisses, Gascons, Savoisiens et autres nations de Gaule, que qui à un les eût voulu tous nombrer, plus tôt eût trouvé commencement d'ennui que fin de compte. Et qui aux rayons du soleil eût vu les armes reluire, les étendarts au vent branler, les gros chevaux aux champs bondir et faire carrière à toutes mains; tant de lances, piques, hallebardes et autres enseignes de guerre par le chemin; tant de gens d'armes, piétons, artillerie et charrois en avant marcher, bien eût pu dire sûrement qu'assez de force y avoit pour tout le monde conquérir. » (Jean d'Auton.)

Le premier jour, on arriva devant la petite forteresse d'Arezzo, qui refusa de se rendre. Le lendemain, au chant du coq, la canonnade commença. Cinq heures après, les assiégés, effrayés de voir déjà

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soixante brasses de leurs remparts jetées par terre, se rendirent; mais, pendant qu'on parlementait, une partie des assaillants s'introduisirent par la brèche, et passèrent au fil de l'épée tous les défenseurs de la place, jusqu'au dernier. Annone, la seconde place que les Français trouvèrent sur leur passage, eut absolument le même sort; huit à neuf cents Lombards qui la défendirent bravement furent tous égorgés sans merci, à la réserve de leur commandant, seul prisonnier que les assaillants voulurent bien faire.

La terreur commença à glacer le cœur des amis du duc de Milan. Le général de l'armée chargée d'arrêter les Français et qui les égalait à peu près en nombre, Galéas de San-Severino, n'osa pas tenir la campagne et s'enferma dans Alexandrie, tandis que de tous les lieux qui se trouvaient sur le passage de Trivulce ou à sa portée, « les plus solennels messires de chaque ville envoyoient faire l'obéissance et rendre les clefs. » L'armée française n'avait plus d'obstacle devant elle, jusqu'à Milan, que la ville d'Alexandrie et quelques escadrons d'estradiots, cavalerie légère de mercenaires grecs et albanais qui venait sans cesse escarmoucher sur ses flancs. Alexandrie fut bientôt investie, et le quatrième jour du siége l'artillerie française avait

dėja fait de telles merveilles, que trois cents hommes cussent pu entrer de front par la brèche de la citadelle. Pendant la nuit, Galéas de San-Severino abandonna la place et s'enfuit vers Milan, suivi de toute la garnison, qui se fraya passage à travers un corps de Gascons postés de ce côté.

tenir; il se montra magnifique pour plaire aux Italiens, goûta sincèrement leurs arts, leurs poëtes, leurs hommes de talent, et crut gagner tout à fait la population en lui laissant, à son départ, pour gouverneur, le Milanais Jean-Jacques Trivulce. Mais l'Italie s'est toujours déchirée elle-même ; il suffisait que Trivulce fût du parti guelfe pour être plus haï par les gibelins qu'un étranger, puis pour les haïr lui-mème et les opprimer. D'un autre côté, le seigneur Ludovic, comme le nomment les chroniqueurs, n'était pas tout à fait un méprisable ennemi. Avec son or il se hâta, aidé par Maximilien, de rassembler une armée de Suisses, d'Allemands et de Francs-Comtois, à la tête de laquelle il déboucha bientôt des Alpes et reparut dans le nord de son pays (janvier 4500). Tout le Milanais repen

Aussitôt averti de cette retraite désordonnée, Trivulce envoya quelques-uns de ses officiers avec leurs gens prendre possession de la ville et empêcher d'y entrer la tourbe des fantassins, qui ne demandaient que le pillage. « Toutefois, voyant, iceux piétons qui près de la brèche étoient, que les premiers entrés avoient mis la main aux boutiques, et que de bourdons, lances, harnois, hardes, chevaux en main, malles, boîtes et autres bagues légères sortoient chargés, tous ensemble se mutinèrent, et par l'ouverture des murailles sept ou | tant, et déjà las des Français, lui tendit les bras. Médaille d'or de Louis XII, conservée au cabinet des médailles de la grande Bibliothèque de Paris (1).

huit mille à la foule entrèrent, disant qu'ils auroient du butin comme les autres. Voyant le comte de Ligny iceux en chemin de dévoy et propos dissolu, leur vint au-devant l'épée au poing, sur eux chargeant à tour de bras, en leur faisant défense sur ce que plus cher devoient avoir, que outre ne missent la marche et que si nulle force ou pillage faisoient, que la corde telle raison en feroit que nouvelles partout en seroient semées. Mais tant mal fut la défense autorisée, et la menace de Louis de Saint-Simon, qui d'une fenêtre à eux parloit, peu estimée, que pour tant ne cessèrent; mais lâchérent un trait ou deux contre le comte de Ligny et ceux qui leur désordre vouloient empècher. Ainsi les arbalètes bandées, les piques et hallebardes au poing, passérent outre et partout commencèrent à rompre et briser portes et prendre bagues et marchandises. Tout ce qu'ils purent par force emporter leur sembla loyal acquêt; et pour mieux la solennité de guerre célébrer, après le pillage fait, par les maisons soufflèrent le feu. Toutefois, afin que du tout ne demeurât justice irritée, les principaux auteurs du hutin furent pendus.» (Jean d'Auton.)

Ludovic Sforza, en recevant de la bouche de son général les nouvelles de sa triste campagne, résolut de ne point attendre davantage, quoiqu'il tint dans son château de Milan douze cents pièces d'artillerie et plus de trois mille soudards avec des vivres pour deux ans, ce qui en faisait une des plus fortes places du monde, « si leurs estomacs efféminés eussent été enflés de cœurs virils. » Prenant avec lui ses deux jeunes fils et ses ducats, « dont il avoit plus de trente mulets chargés», il s'enfuit vers les montagnes du Tyrol, sur les terres de l'empereur Maximilien. En trois semaines, il avait perdu tous ses États. Louis XII, qui s'était mis en marche sur la fin d'août pour rejoindre l'armée et prendre part aux exploits des siens, n'eut qu'à entrer pacifiquement en possession d'une conquête toute faite, et arriva en grande pompe à Milan, le 6 octobre.

Il apporta parmi ses nouveaux sujets sa bonté native. Il commença par adoucir les impôts, dont le poids excessif avait rendu Ludovic odieux; il promit même à cet égard plus qu'il ne pouvait

Une formidable émeute éclata dans la capitale. Le gouverneur du duché, Trivulce, faillit y périr, assiégé dans son palais; et, après s'ètre vengé en foudroyant la ville à coups de canon, il fut obligė de battre en retraite et de se replier sur Novarre, puis sur Mortara. Les petits corps de troupes détachés aux environs de Milan le rallièrent comme ils purent, attaqués, poursuivis, harcelés sur toute leur route par les paysans lombards.

Se voyant triompher avec autant de facilité qu'il avait été vaincu, et déjà rentré en possession de la plus grande partie de ses États, Ludovic marcha droit à Novarre, et s'en empara après un siége acharné. L'armée française était tellement réduite qu'il lui eût été impossible de soutenir la lutte sans l'arrivée de la Trémouille, qui amena de France quelques centaines de gens d'armes, et celle de dix mille Suisses qui le suivirent. Les deux armées se trouvaient alors à peu près égales, les Français comptant vingt mille hommes et les Lombards plus de trente mille. Or les compagnies de Suisses se trouvaient composer la principale force de chacun des deux partis. Les Suisses formaient alors la plus redoutable infanterie de l'Europe; braves, aguerris et ne trouvant pas de quoi vivre dans leurs montagnes, ils se mêlaient avec avidité aux guerres de tous leurs voisins, qui achetaient leurs bras au poids de l'or; mœurs belliqueuses plutôt qu'honorables, mais grâce auxquelles ils purent fonder leur indépendance entre la France et l'Autriche. En présence les uns des autres sous les murs de Novarre, ces mercenaires, au lieu de s'entre-tuer s'entendirent, et, par une odieuse trahison, ceux de Sforza le livrèrent aux Français (10 avril 4500). Le malheureux duc fut envoyé à Loches et tenu dans une dure captivité. Immédiatement le Milanais revint à l'obéissance; les troupes de Louis XII occupèrent de nouveau Milan; seulement, au lieu de Trivulce, le roi nomma pour gouverneur un neveu du cardinal d'Amboise, Charles d'Amboise, sire de Chaumont-sur-Loire, homme plein de douceur et de lumières. Croyant avoir ainsi consolidé sa conquête, lui avoir assuré une bonne administration intérieure et s'ètre ménagé des ap

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puis en remplissant les diverses promesses qu'il avait faites à la Savoie, à Venise, à Florence et aux Borgia, le roi tourna ses regards vers Naples, où devait s'accomplir la seconde partie de ses projets.

un protecteur naturel dans son parent le roi de Sicile, qui était en même temps le puissant roi de Castille et d'Aragon, Ferdinand V, dit le Catholique. Par malheur pour lui, ses États étaient convoités aussi par ce monarque insatiable. Les diplomaties espagnole et française ourdirent une machination perfide et convinrent, par un traité qui fut signé à Grenade le 11 novembre 1500, du partage, qui devait dès lors s'opérer sans coup férir, des États napolitains. Frédéric, sans défiance, ouvrit ses places aux Espagnols, et quand les Français

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arrivėrent, renforcés de leurs auxiliaires suisses et de troupes italiennes commandées par César Borgia, le malheureux roi s'aperçut que ses alliés étaient des traîtres. Les habitants de Capoue se firent inutilement massacrer pour arrêter un moment les soldats du Nord. Toute résistance sérieuse était impossible, et Frédéric, préférant à son perfide | l'empereur Maximilien. Charles était un enfant d'un

triche et de France, non pas à l'avantage de cette dernière. L'épouse de Louis, qui n'eut jamais l'humeur française, et qui était restée dans son cœur la duchesse de Bretagne, avait poussé son mari à fiancer leur fille, Madame Claude de France, âgée de deux ans, avec Charles d'Autriche, petit-fils de

cousin un ennemi déclaré, se rendit aux Français (août 4504). En échange de sa renonciation an trône de Naples, Louis XII lui accorda le comté du Maine à titre héréditaire, et une pension de 30000 livres; il mourut en France trois ou quatre ans après.

Louis profita peu de cette triste victoire. Les Espagnols ne tardèrent pas à laisser voir clairement leur mauvaise foi, et, dès l'année 1502, les deux nations étrangères qui s'étaient implantées sur le territoire napolitain s'y faisaient la guerre ouvertement. Les Espagnols eurent bientôt le dessous, au point d'ètre à peu près expulsés de la Péninsule. Il ne leur restait que cinq places, dans l'une desquelles, Barletta, leur fameux général Gonsalve de Cordoue resta sept mois assiégé. Ferdinand V alors se montra prêt à accueillir des propositions de paix que le roi de France était, de son côté, encore mieux disposé à recevoir. Un rapprochement très-marqué s'était récemment opéré entre les maisons d'Au

(') Cette médaille, frappée à Tours, et offerte au roi à son entrée dans cette ville, est attribuée au sculpteur Michel Colombe. Les tours que l'on voit sur le revers sont l'emblème de la ville. Le porc-épic rappelle que Louis XII avait été grand maître de l'ordre du Porc-Épic, fondé par son aïeul. Quoiqu'il eût supprimé cet ordre à son avénement au trône, Louis XII conserva le porc-épic dans

ses armes.

an; mais, héritier futur, par son grand-père, des États autrichiens; par son père, l'archiduc Philippe, des Pays-Bas; par sa mère Jeanne, fille de Ferdinand V et d'Isabelle, des royaumes de Castille, d'Aragon, de Sicile, de Portugal, et d'empires immenses dans ce nouveau monde qui semblait surgir alors du sein de l'Océan, cet enfant se trouvait, dès son berceau, destiné à une grandeur inouïe, et fut en effet CharlesQuint. L'égoïsme maternel éblouit Anne de Bretagne, et elle eût sacrifié volontiers la France en favorisant un mariage qui pouvait ajouter aux vanités de sa fille, dût la Bretagne être livrée à la maison d'Autriche.

Ces négociations étaient conduites, de concert avec Louis XII et le cardinal d'Amboise, par l'archiduc Philippe, tant en son nom personnel que comme fondé de pouvoir de son père Maximilien et de son beau-père Ferdinand. Une partie des articles concernait le royaume de Naples, duquel il était dit que les rois de France et d'Espagne renonçaient tous deux à leurs droits sur Naples en faveur des jeunes fiancés. La guerre devenait done inutile, et les troupes françaises qui tenaient les Espagnols serrés de si près à Barletta reçurent l'ordre de rester sur la défensive. Pendant ce tempslà, Ferdinand V envoyait renforts sur renforts à Gonsalve de Cordoue, avec ordre d'agir, malgré | toute signification de traité conclu. Les Espagnols,

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