Terre, change de forme; et que la pesanteur En abaissant le pôle élève l'équateur;
Pôle immobile aux yeux, si lent dans votre course, Fuyez le char glacé des sept astres de l'Ourse; Embrassez dans le cours de vos longs mouvements Deux cents siècles entiers par-delà six mille ans (1).
L'Origine de l'Astronomie.
CEPENDANT vers l'Euphrate on dit que des pasteurs, Du grand art de Kepler rustiques inventeurs, Etudioient les lois de ces astres paisibles Qui mesurent du temps les traces invisibles, Marquoient et leur déclin et leur cours passager, Le gravoient sur la pierre, et du globe étranger Que l'univers tremblant revoit par intervalle, Savoient même embrasser la carrière inégale. Ainsi l'astronomie eut les champs pour berceau : Cette fille des cieux illustra le hameau. On la vit habiter, dans l'enfance du monde Des patriarches-Rois la tente vagabonde, Et guider le troupeau, la famille, le char Qui parcouroit au loin le vaste Sennaar.
Bergère, elle aime encor ce qu'aima sa jeunesse : Dans les champs étoilés la voyez-vous sans cesse Promener le taureau, la chèvre, le bélier, Et le chien pastoral, et le char du bouvier? Ses mœurs ne changent point, et le ciel nous répète Que la docte Uranie a porté la houlette.
DE FONTANES. Essai sur l'Astronomie.
Le Besoin, père des Arts.
HELAS! avant ce jour qui perdit ses neveux, Tous les plaisirs couroient au-devant de ses voeux.
(1) Voyez tom. I et II, Caractères ou Portrails.
La faim aux animaux ne faisoit point la guerre.
Le blé, pour se donner, sans peine ouvrant la terre, N'attendoit pas qu'un bœuf pressé de l'aiguillon Traçat à pas tardifs un pénible sillon.
Lavigne offroit partout des grappes toujours pleines, Et des ruisseaux de lait serpentoient dans les plaines. Mais dès ce jour Adam, déchu de son état,
D'un tribut de douleur paya son attentat. Il fallut qu'au travail son corps rendu docile Forçât la terre ayare à devenir fertile. Le chardon importun hérissa les guérets; Le serpent venimeux rampa dans les forêts; La canicule en feu désola les campagnes ; L'aquilon en fureur gronda sur les montagnes. Alors, pour se couvrir durant l'âpre saison, Il fallut aux brebis dérober leur toison.
La peste en même temps, la guerre et la famine, Des malheureux humains jurèrent la ruine (1).
Tour passe donc, hélas ! ces globes inconstants Cèdent comme le nôtre à l'empire du Temps : Comme le nôtre aussi sans doute ils ont vu naître Une race peusante, avide de connoître : Ils ont eu des Pascals, des Leibnitz, des Buffons. Tandis que je me perds en ces rèves profonds, Peut-être un habitant de Vénus, de Mercure, De ce globe voisin qui blanchit l'ombre obscure, Se livre à des transports aussi doux que les miens. Ah! si nous rapprochions nos hardis entretiens! Cherche-t-il quelquefois ce globe de la terre, Qui dans l'espace immense en un point se resserre ?
(1) Voyez les Leçons Latines anciennes, tom. II, même sujet; et la traduction des Géorgiques, par Delille.
A-t-il pu soupçonner qu'en ce séjour de pleurs Rampe un être immortel qu'ont flétri les douleurs? Habitants inconnus de ces sphères lointaines, Sentez-vous nos besoins, nos plaisirs et nos peines? Connoissez-vous nos arts? Dieu vous a-t-il donné Des sens moins imparfaits, un destin moins borné? Royaumes étoilés, célestes colonies,
Peut-être enfermez-vous ces esprits, ces génies, Qui, par tous les degrés de l'échelle du ciel, Montoient, suivant Platon, jusqu'au trône éternel. Si pourtant, loin de nous, de ce vaste empirée, Un autre genre humain peuple une autre contrée, Hommes, n'imitez pas vos frères malheureux ! En apprenant leur sort, vous gémiriez sur eux; Vos larmes mouilleroient nos fastes lamentables. Tous les siècles en deuil, l'un à l'autre semblables, Courent sans s'arrêter, foulent de toutes parts Les trônes, les autels, les Empires épars, Et, sans cesse frappés de plaintes importunes, Passent en me contant nos longues infortunes:/ Vous, hommes, nos égaux, puissiez-vous être, hélas! Plus sages, plus unis, plus heureux qu'ici-bas!
DE FONTANES. Essai sur l'Astronomie,
BEAUX-ARTS!eh! dans quel lieu n'avez-vous droit de plaire? Est-il à votre joie une joie étrangère?
Non le sage vous doit ses moments les plus doux; Il s'endort dans vos bras, il s'éveille pour vous.
Que dis-je ? autour de lui, tandis que tout sommeille, La lampe inspiratrice éclaire encor sa veille. Vous consolez ses maux, vous parez son bonheur; Vous êtes ses trésors, vous êtes son honneur, L'amour de ses beaux ans, l'espoir de son vieil âge, Ses compagnons des champs, ses amis de voyage;
Et de paix, de vertus, d'études entouré, L'exil même avec vous est un abri sacré :
Tel l'orateur Romain, dans les bois de Tuscule, Oublioit Rome ingrate; ou tel son digne émule, Dans Frênes, d'Aguesseau goûtoit tranquillement Du repos occupé le doux recueillement.
Tels, de leur noble exil tous deux charmoient les peines. Malheur aux esprits durs, malheur aux âmes vaines, Qui dédaignent les arts au temps de leur faveur! Les beaux-arts, à leur tour, dans les temps du malheur, Les livrent sans ressource à leur vile infortune.
Mais avec leurs amis ils font prison commune, Les suivent dans les champs, et, payant leur amour, Consolent leur exil, et chantent leur retour.
DELILLE. Géorgiques françaises.
CIEL! quel pompeux amas d'esclaves à genoux Est aux pieds de ce Roi qui les fait trembler tous! Quels honneurs! quels respects! Jamais Monarque en France N'accoutuma son peuple à tant d'obéissance.
Je le vois comme vous par la gloire animé, Mieux obéi, plus craint, peut-être moins aimé; Je le vois, éprouvant des fortunes diverses, Trop fier en ses succès, mais ferme en ses traverses'; De vingt peuples ligués bravant seul tout l'effort, Admirable en sa vie, et plus grand dans sa mort. Siècle heureux de Louis! siècle que la nature De ses plus beaux présents doit combler sans mesure! C'est toi qui dans la France amènes les beaux-arts; Sur toi tout l'avenir va porter ses regards; Les Muses à jamais y fixent leur empire: La toile est animée, et le marbre respire. Quels sages rassemblés dans ces augustes lieux Mesurent l'univers et lisent dans les cieux;
Et, dans la nuit obscure apportant la lumière, Sondent les profondeurs de la nature entière?" L'erreur présomptueuse à leur aspect s'enfuit, Et vers la vérité le doute les conduit.
Et toi, fille du Ciel, toi, puissante Harmonie, Art charmant qui polis la Grèce et l'Italie, J'entends de tous côtés ton langage enchanteur, Et tes sons souverains de l'oreille et du cœur!
Français, vous savez vaincre et chanter vos conquêtes; Il n'est point de lauriers qui ne couvrent vos têtes; Un peuple de héros va naître en ces climats : Je vois tous les Bourbons voler dans les combats; A travers mille feux je vois Condé paroître, Tour à tour la terreur et l'appui de son maître.
Turenne, de Condé le généreux rival,
Moins brillant, mais plus sage, et du moins son égal. Catinat unissant, par un rare assemblage,
Les talents du guerrier et les vertus du sage: Celui-ci, dont la main raffermit nos remparts, C'est Vauban, c'est l'ami des vertus et des arts. Malheureux à la Cour, invincible à la guerre, Luxembourg de son nom remplit toute la terre. Regardez dans Denain l'audacieux Villars Disputant le tonnerre à l'aigle des Césars, Arbitre de la paix que la victoire amène,
Digne appui de son Roi, digne rival d'Eugène (t).
Ex quoi! ton âme sombre et tes yeux éblouis N'osent-ils contempler le siècle de Louis? Ce règne étincelant de génie et de gloire, Attachoit à nos lis les Arts et la Victoire.
(1) Voyez tom. I, même sujet, Lettres, Caractères ou Portraits.
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