Une grotte écartée avoit frappé mes yeux ; Grotte sombre, dis-moi si tu les vis heureux, M'écriois-je ! Un vieux tronc bordoit-il le rivage? Laure avoit reposé sous son antique ombrage. Je redemandois Laure à l'écho du vallon, Et l'écho n'avoit point oublié ce doux nom. Partout mes yeux cherchoient, voyoient Pétrarque et Laure, Et par eux ces beaux lieux s'embellissoient encore. DELILLE. Les Jardins, ch. III.
Les Vues propres au Verger.
DAIGNEZ aux habitants de la ferme voisine Accorder un chemin à l'abri des chaleurs. Que les jeunes enfants croissent parmi vos fleurs ! Près de vous, loin de vous, l'œil charmé se promène : Contemplez ces lointains, ces côteaux, cette plaine. Quand avril reparoît, quand le jour renaissant Se glisse à travers l'ombre, et l'efface en croissant, La féconde génisse abandonne l'étable, Mugit, et, du hameau nourrice inépuisable, Broutant jusqu'à la nuit uu gazon ranimé, Grossit le doux trésor de son lait parfumé. L'œil la suit dans ces bois, dans ce noir labyrinthe, Où de ses pieds pesants s'approfondit l'empreinte. Là sont des laboureurs, et dans le gras vallon, Penchés sur leur charrue, ils ouvrent un sillon. Tandis que les brebis, qui paissent confondues, Vous présentent de loin, aux rochers suspendues, D'un nuage argenté l'immobile blancheur, A vos pieds se promène un robuste faucheur : L'herbe tombe et s'entasse en monceaux divisée; Souvent frémit la faulx sur la pierre aiguisée. Peindrai-je dans les champs les moissonneurs épars, Les gerbes, à grands cris, s'élevant sur les chars, Et les folâtres jeux que la vendange amène?
L'Armée de Joyeuse, l'Armée de Henri IV:
De tous les favoris qu'idolâtroit Valois,
Qui flattoient sa mollesse et lui donnoient des lois, Joyeuse, né d'un sang chez les Français insigne, D'une faveur si haute étoit le moins indigne : Il avoit des vertus ; et, si de ses beaux jours La parque cu ce combat n'eût abrégé le cours, Sans doute aux grands exploits son âme accoutumée Auroit de Guise, un jour, atteint la renommée. Mais, nourri jusqu'alors au milieu de la Cour, Dans le sein des plaisirs, dans les bras de l'amour, Il n'eut à m'opposer qu'un excès de courage, Dans un jeune Héros dangereux avantage. Les courtisans en foule, attachés à son sort, Du sein des voluptés s'avançoient à la mort. Des chiffres amoureux, gage de leurs tendresses, Traçoient sur leurs habits les noms de leurs maîtresses; Leurs armes éclatoient du feu des diamants,
De leurs bras énervés frivoles ornements. Ardents, tumultueux, privés d'expérience,
Ils portoient au combat leur superbe imprudence : Orgueilleux de leur pompe, et fiers d'un camp nombreux, Sans ordre ils s'avançoient d'un pas impétueux.
D'un éclat différent mon camp frappoit leur vue:
Mon armée, en silence à leurs yeux étendue,
Endurcis aux travaux, vieiliis dans les combats, Accoutumés an sang et couverts de blessures;
Leur fer et leur mousquet composoient leurs parures. Comme eux vêtu sans pompe, armé de fer comme eux, Je conduisois aux coups leurs escadrons poudreux; Comme eux de mille morts affrontaut la tempête, Je n'étois distingué qu'en marchant à leur tête. Je vis nos ennemis vaincus et renversés, Sous nos coups expirants, devant nous dispersés :
▲ regret dans leur sein j'enfonçois cette épée, Qui du sang Espagnol eût été mieux trempée. Il le faut avouer, parmi ces courtisans Que moissonna le fer à la fleur de leurs ans, Aucun ne fut percé que de coups honorables: Tous fermes dans leur poste et tous inébranlables, Ils voyoient devant eux avancer le trépas, Sans détourner les yeux, sans reculer d'un pas. Des courtisans Français tel est le caractère : La paix n'amollit point leur valeur ordinaire ; De l'ombre du repos ils volent aux hasards Vils flatteurs à la Cour, Héros au champ de Mars. Pour moi, dans les horreurs d'une mêlée affreuse, J'ordonnai, mais en vain, qu'on épargnât Joyeuse. Je l'aperçus bientôt, porté par des soldats, Påle, et déjà couvert des ombres du trépas. Telle une tendre fleur, qu'un matin voit éclore Des baisers du Zéphyr et des pleurs de l'Aurore, Brille un moment aux yeux, et tombe avant le temps Sous le tranchant du fer, ou sous l'effort des vents. VOLTAIRE. La Henriade, ch. III.
UN service élégant, d'une ordonnance exacte, Doit de votre repas marquer le dernier acte. Au secours du dessert appelez tous les arts, Surtout celui qui brille au quartier des Lombards. Là, vous pourrez trouver, au gré de vos caprices, Des sucres arrangés en galants édifices;
Des châteaux de bonbons, des palais de biscuits, Le Louvre, Bagatelle et Versailles confits, Les amours de Sapho, d'Abélard, de Tibulle, Les noces de Gamache, et les travaux d'Hercule; Et mille objets divers, que savent imiter D'habiles confiseurs que je pourrois citer.
Ne démolissez point ces merveilles sucrées, Pour le charme des yeux seulement préparées; Ou du moins accordez, pour jouir plus long-temps, Quelques jours d'existence à ces doux monuments: Assez d'autres objets, dignes de votre hommage, Avec moins d'appareil vous plairont davantage. Ah! plutôt attaquez et savourez ces fruits Qu'un art officieux en compote a réduits. A la grâce, à l'éclat sacrifiez encore, Aux trésors de Pomone ajoutez ceux de Flore: Que la rose, l'œillet, le lis et le jasmin, Fassent de vos desserts un aimable jardin; l'observateur de la belle nature
Et que S'extasie en voyant des fleurs en confiture. Vous avez satisfait à vos nombreux désirs; Mais Bacchus vous attend pour combler vos plaisirs. Approche, bienfaiteur et conquérant de l'Inde, Tu m'inspireras mieux que les Filles du Pinde; Verse-moi ton nectar, dont les Dieux sont jaloux, Et mes vers vont couler plus faciles, plus doux. De ces vases nombreux que l'aspect m'intéresse ! Quel luxe séducteur! quelle aimable richesse! Vos convives déjà, dans un juste embarras, Vous adressent leurs vœux, et vous tendent les bras: Venez à leur secours, offrez-leur à la roude La liqueur qui vous vient des bords de la Gironde, Le vin de Malvoisie et celui de Palma,
Le Champagne mousseux, le Christi-Lacryma; Le Chypre, l'Albano, le Clairet, le Constance..... Choisissez-les toujours au lieu de leur naissance. N'allez pas rechercher aux faubourgs de Paris Du vin de Rivesalte ou de Côte-Perdrix; Et ne vous fiez pas à l'art des empiriques Qui chargent vos boissons de mélanges chymiques; Donnez-vous en buvant les airs d'un connoisseur ;' Dites que ce Bordeaux auroit plus de saveur
S'il avoit visité quelques plages lointaines; Et que ce Malaga qui coule dans vos veines, Usé par la vieillesse, a perdu sa vertu, Qu'il seroit sans égal s'il avoit moins vécu.
BERCHOUX. La Gastronomie.
LE café vous présente une heureuse liqueur Qui d'un vin trop fumeux chassera la vapeur; Vous obtiendrez par elle, en désertant la table, Un esprit plus ouvert, un sang-froid plus aimable; Bientôt, mieux disposé par ses puissants effets, Vous pourrez vous asseoir à de nouveaux banquets; Elle est du Dieu des vers honorée et chérie. On dit que du poëte elle sert le génie; Que plus d'un froid rimeur, quelquefois réchauffé, A dû de meilleurs vers au parfum du café :
Il pent du philosophe égayer les systèmes, Rendre aimables, badins, les géomètres mêmes; Par lui l'homme d'Etat, dispos après dîner, Forme l'heureux projet de nous mieux gouverner. Il déride le front de ce savant austère,
Amoureux de la langue et du pays d'Homère, Qui, fondant sur le grec sa gloire et ses succès, Se dédommage ainsi d'être un sot en français. Il peut, de l'astronome éclaircissant la vue, L'aider à retrouver son étoile perdue.
Au nouvelliste enfin il révèle parfois
Les intrigues des Cours et les secrets des Rois, L'aide à rêver la paix, l'armistice, la guerre, Et lui fait, pour six sous, bouleverser la terre.
li, est une liqueur, au poëte plus chère, Qui manquoit à Virgile, et qu'adoroit Voltaire.
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