Tu regardes ton fils, il pleure, il va périr.... Malheureuse, ton sein ne peut plus le nourrir! Guidée en ce moment par un Dieu tutélaire, Une chèvre s'approche, et son lait salutaire A la bouche enfantine offre un pur aliment. La mère est immobile, et sourit tristement; Pensive, elle contemple avec un œil l'envie La mamelle féconde où l'enfant boit la vie.
Si de ses premiers maux le tribut passager Au nourrisson débile arrache un cri léger, Une mère, l'effroi, le désespoir dans l'âme, Voit déjà de ses jours se délier la trame, Elle écoute la nuit son paisible sommeil; Par un souffle elle craint de hâter son réveil; Elle entoure de soins sa fragile existence; Avec celle d'un fils la sienne recommence : Elle sait, dans ses cris devinant ses désirs, Pour ses caprices même inventer des plaisirs. Quand la raison précoce a devancé son âge, Śa mère la première épure son langage; De mols nouveaux pour lui, par de courtes leçons, Dans sa jeune mémoire elle imprime les sons: Soius précieux et tendres, aimable ministère, Qu'interrompent souvent les baisers d'une mère ! D'un utile entretien elle poursuit le cours, Sans jamais se lasser répond à ses discours, L'applaudit doucement, et doucement le blâme, Cultive son esprit, fertilise son âme,
Et fait luire à son œil, encor foible et tremblant, De la Religion le flambeau consolant. Quelquefois une histoire abrège la veillée; L'enfant prête une oreille active, émerveillée : Appuyé sur sa mère, à ses genoux assis,
Il craint de perdre un mot de ces fameux récits. Quelquefois de Gessner la Muse pastorale Offre au jeune lecteur sa riante morale;
Il préfère à ses jeux ces passe-temps chéris, Et pour lui le travail du travail est le prix. La lice va s'ouvrir : l'étude opiniâtre Te dispute ce fils que ton cœur idolâtre, Tendre mère déjà de sérieux loisirs Prépa: ent ses succès ainsi que tes plaisirs. Enfin vient la journée où le grave Aristarque, D'un peuple turbulent flegmatique monarque, Dépouillant de son front la vieille austérité, Décerne au jeune athlète un laurier mérité. Eu silence on attache une vue attendrie
Sur l'enfant qui promet un homme à la patrie; Cet enfant, c'est le tien. Un cri part: le vainqueur, Porté par mille bras, est déjà sur ton cœur; Son triomphe est à toi, sa gloire t'environne, Et de pleurs maternels tu mouilles sa couronne. MILLEVOYE. La Tendresse Maternelle.
HATEZ-VOUS; vos jardins vous demandent des fleurs. Fleurs charmantes! par vous la Nature est plus belle; Dans ses brillants travaux l'art vous prend pour modèle, Simples tributs du cœur, vos dons sont chaque jour Offerts par l'Amitié, hasardés par l'Amour. D'embellir la beauté vous obtenez la gloire,
Le laurier vous permet de parer la victoire, Plus d'un hameau vous donne en prix à la pudeur : L'autel même, où de Dieu repose la grandeur, Se parfume au printemps de vos douces offrandes, Et la Religion sourit à vos guirlandes.
Mais c'est dans nos jardins qu'est votre heureux séjour: Filles de la rosée et de l'astre du jour,
Venez donc de nos champs décorer le théâtre,
N'attendez pas pourtant qu'amateur idolâtre, Au lieu de vous jeter par touffes, par bouquets, J'aille de lits en lits, de parquets en parquets,
De chaque fleur nouvelle attendre la naissance, Observer ses couleurs, épier leur nuance.
Je sais que dans Harlem plus d'un triste amateur Au fond de ses jardins s'enferme avec sa fleur, Pour voir sa renoncule avant l'aube s'éveille, D'une anémone unique adore la merveille, Ou, d'un rival heureux enviant le secret, Achète au poids de l'or les taches d'un œillet. Laissez-lui sa manie et son amour bizarre ; Qu'il possède en jaloux, et jouisse en avare.
Sans obéir aux lois d'un art capricieux, Fleurs, parure des champs et délices des yeux, De vos riches couleurs venez peindre la terre. Venez, mais n'allez pas dans les buis d'un parterre Renfermer vos appas tristement relégués.
Que vos heureux trésors soient partout prodigués.. Tantôt de ces tapis émaillez la verdure, Tantôt de ces sentiers égayez la bordure, Serpentez en guirlande, entourez ces berceaux, En méandres brillants courez au bord des eaux, Ou tapissez ces murs, ou dans cette corbeille Du choix de vos parfums embarrassez l'abeille. Que Rapin, vous suivant dans toutes les saisons, Décrive tous vos traits, rappelle tous vos noms : A de si longs détails le Dieu du goût s'oppose. Mais qui peut refuser un hommage à la rose; La rose, dont Vénus compose ses bosquets, Le Printemps sa guirlande, et l'Amour ses bouquets; Qu'Anacréon chanta; qui formoit avec grâce Dans les jours de festins la couronne d'Horace (1) ? DELILLE. Les Jardins, ch. III.
(1) Voyez les Leçons Latines modernes.
O DES sens enchantés délices innocentes! O suaves beautés sans cesse renaissantes! Ainsi que sur les fleurs Zéphyr se balançant, De leur brillant duvet teint són aile en passant, "Ainsi de ces objets mon esprit se colore;
La lyre sous mes doigts en devient plus sonore; La douce mélodie embellit mes concerts,
Et le charme du lieu se répand sur mes vers.
Recevez donc mon hymne, ô vous, fleurs du bocage, Des belles à la fois la parure et l'image!
Au milieu des cités, et jusque dans les Cours, Vous brillez même auprès des plus riches atours; Que du feu le plus vif le diamant scintille, Plus de charme se mêle à votre éclat tranquille ; L'aiguille et le pinceau viennent vous consulter: Le chef-d'œuvre de l'art est de vous imiter.
Vous êtes des plaisirs l'emblème et l'attribut; L'amitié tous les jours vous apporte en tribut; D'une fenêtre à l'autre on nous dit, fleurs discrètes, Qu'aux amours Musulmans vous servez d'interprètes. Point de fête sans vous, sans vos brillants festons;
Vous changez en bosquets le sein de nos maisons, Votre émail aux autels embellit les offrandes,
Et l'horreur des tombeaux se perd sous vos guirlandes. Le plus sombre reclus commerce avec les fleurs; Tous les aimables goûts sont au fond de nos cœurs; Tant la nature en nous, puissante, impérieuse, Des tristes préjugés toujours victorieuse, Au milieu des langueurs d'un volontaire ennui, Rappelle l'homme encore au plaisir qu'il a fui! Ah! que sur ton instinct ta vertu se repose,
Homme, un Dieu t'apparoît dans ces buissons de rose,
Ce Dieu qui de ses mains a paré ton séjour, Par cet attrait lui-même a cherché ton amour. La terre étoit en vain de moissons revêtue; Sans les tapis de fleurs, la terre eût été nue; Elle devoit encor, riche de toutes parts, En servant nos besoins, enchanter nos regards. LEMIÈRE. Les Fastes, ch. IX.
Le Printemps et les Fleurs.
Du milieu de cette île, un berceau toujours frais Monte, se courbe en voûte, et s'embellit sans frais De touffes d'aubépine et de lilas sauvage, Qui, courant en festons, pendent sur le rivage. Plus loin ce même enclos se transforme en verger, Où l'art négligemment a pris soin de ranger Les arbustes nombreux que Pomone rassemble; Autour d'eux je vois naître et s'élever ensemble Et des plantes sans gloire et de brillantes fleurs; Un amoureux zéphyr en nourrit les couleurs, L'iris de la Tamise échappe au sein de l'herbe, Et brille sans orgueil au pied du lis superbe.
L'œillet au large front, la pleine renoncule, Le bluet qui, bravant l'ardente canicule, Emaillera les champs de la blonde Cérès, Le chèvre-feuille ami de l'ombre des forêts, Le sureau, le lilas, l'épaisse giroflée, L'églantier orgueilleux de sa fleur étoilée, De ce beau labyrinthe émaillent les détours. Ici le frais muguet se marie aux pastours, Là, du jasmin doré la précoce famille Brille avec le rosier à travers la charmille.
Ne dois-je toutefois célébrer que l'essaim Des fleurs dont cet enclos a diapré son sein?
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