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Prés, bocages, forêts, vallons, roches sauvages,
Fontaines et ruisseaux, sur leurs moites rivages,
Tous les lieux visités des zéphyrs inconstants,
Nourrissent aujourd'hui les filles du printemps.

ROUCHER. Poëme des Mois,

Même sujet.

PRINTEMPS Chéri, doux matin de l'année,
Console-nous de l'ennui des hivers;
Reviens, enfin, et Flore emprisonnée
Va de nouveau s'élever dans les airs.
Qu'avec plaisir je compte tes richesses!
Que la présence a de charmes pour moi!
Puissent mes vers, aimables comme toi,
En les chantant, te payer tes largesses!
Déjà Zéphyre annonce ton retour.
De ce retour modeste avant-courrière,
Sur le gazon la tendre primevère
S'ouvre et jaunit dès le premier beau jour.
A ses côtés la blanche paquerette
Fleurit sous l'herbe et craint de s'élever.
Vous vous cachez, timide violette,

Mais c'est en vain; le doigt sait vous trouver:
Il vous arrache à l'obscure retraite

Qui recéloit vos appas-inconnus:
Et, destinée aux boudoirs de Cythère,
Vous renaissez sur un trône de verre,
Ou vous mourez sur le sein de Vénus.
L'Inde autrefois nous donna l'anémone,
De nos jardins ornement printanier.
Que tous les ans, au retour de l'automne,
Un sol nouveau remplace le premier,
Et tous les ans la fleur reconnoissante
Reparoîtra plus belle et plus brillante.
Elle naquit des larmes que jadis
Sur un amant Vénus a répandues,

Larmes d'amour, vous n'êtes point perdues;
Dans cette fleur je revois Adonis.
Dans la jacinthe, un bel enfant respire;
J'y reconnois le fils de Piérus.

Il cherche encor les regards de Phébus;
Il craint encor le souffle de Zéphyre.
Des feux du jour évitant la chaleur,
Ici fleurit l'infortuné Narcisse;
Il a toujours conservé la pâleur
Que sur ses traits répandit la douleur.
Il aime l'ombre, à ses ennuis propice;
Mais il craint l'eau, qui causa son malheur.
N'oublions pas la charmante cortule;
Nommons aussi l'aimable renoncule,
Et la tulipe, honneur de nos jardins.

Si leurs parfums répondoient à leurs charmes,
La rose alors, prévoyant nos dédains,
Pour son empire auroit quelques alarmes.

Voyez ici la jalouse Clytie,

Durant la nuit se pencher tristement,

Puis relever sa tête appesantie,

Pour regarder son infidèle amant.

Le lis, plus noble et plus brillant encore,
Lève saus crainte un front majestueux;
Paisible Roi de l'empire de Flore,

D'un autre empire il est l'emblème heureux.
Mais quelques fleurs chérissent l'esclavage:
L'humble genêt, le jasmin plus aimé,
Le chèvre-feuille et le pois parfumé
Cherchent toujours à couvrir un treillage.
Le jonc pliant, sur ces appuis nouveaux
Doit enchaîner leurs flexibles rameaux :
L'iris demande un abri solitaire;

L'ombre entretient sa fraîcheur passagère.

Le tendre oeillet est foible et délicat;

Veillez sur lui; que sa fleur élargie
Sur le carton soit en voûte arrondie;

Coupez les jets autour de lui pressés :

N'en laissez qu'un, la tige en est plus belle,
Ces autres brins, dans la terre enfoucés,
Vous donneront une tige nouvelle;
Et quelque jour ces rejetons naissants
Remplaceront leurs pères vieillissants.
Aimables fruits des larmes de l'Aurore,
De votre nom j'embellirois mes vers.
Mais quels parfums s'exhalent dans les airs?
Disparoissez, les roses vont éclore.

La Rose.

PARNY.

LORSQUE Vénus, sortant du sein des mers,
Sourit aux Dieux charmés de sa présence,
Un nouveau jour éclaira l'univers ;

Dans ce moment la rose prit naissance.
D'un jeune lis elle avoit la blancheur;
Mais aussitôt le père de la treille,
De ce nectar dont il fut l'inventeur
Laissa tomber une goutte vermeille,
Et pour toujours il changea sa couleur.
De Cythérée elle est la fleur chérie,
Et de Paphos elle orne les bosquets.
Sa douce odeur, aux célestes banquets,
Fait oublier celle de l'ambroisie.
Son vermillon doit parer la beauté;
C'est le seul fard que met la volupté ;
A cette bouche où le sourire joue,
Son coloris prête un charme divin :
De la Pudeur elle couvre la joue,
Et de l'Aurore elle rougit la main.

LE MÈME.

Les Fleurs, et le Jardin des Plantes.

MULTIPLIEZ les fleurs, ornement du parterre;
O! si la fable encor venoit charmer la terre,
Ces fleurs reproduiroient, en s'animant pour nous,
Et la jeune beauté qui mourut sans époux,
Et le guerrier qui tombe à la fleur de son âge,
Et l'imprudent jeune homme épris de son image.
Renais dans l'hyacinthe, enfant aimé d'un Dien;
Narcisse, à ta beauté dis un dernier adieu ;
Penche-toi sur les eaux pour

l'admirer encore.

D'un éclat varié que l'œillet se décore !

Et toi qui te cachas, plus humble que tes sœurs,
Violette, à mes pieds verse au moins tes odeurs ;
Que sous l'herbe, en tous lieux, ta pourpre se noircisse,
Et que la giroflée en montant s'épaississe!

Mariez le jasmin, le lilas, l'églantier,

Et surtout que la rose, en baumant ce sentier,
Brille comme le teint de la vierge ingénue,
Que fait rougir l'amour d'une flamme inconnue.
Ces trésors pour vous seuls ne doivent pas fleurir,
A la jeune bergère on aime à les offrir:
Elle rend un sourire; hélas! belle Rosière,
D'autres, amis des mœurs, doteront ta chaumière;
Mes présents ne sont point une ferme, un troupeau,
Mais je puis d'une rose embellir ton chapeau.
O fleurs! en tous les temps égayez ma retraite ;
Et, plus heureux que moi, puisse un autre poëte
Peindre sous des crayons frais comme vos couleurs,
Vos traits, vos doux instincts, vos sexes et vos mœurs!
L'amour, dont vos parfums enflamment le délire,
Souvent par vos bouquets étendit son empire.
O fleurs! qui tant de fois avez servi l'amour,
Votre sein virginal le ressent à son tour,
Oui, vous n'ignorez pas les humaines délices :
Vainement la pudeur, au fond de vos calices,

Cacha de vos plaisirs le charme clandestin;
Les Zéphyrs précurseurs du soir et du matin,
Les Zéphyrs les ont vus, et leur voix fortunée
Raconte aux verts bosquets votre aimable hyménée..
Cependant si mon oeil veut un jour de plus près
De vos lits amoureux surprendre les secrets,
J'irai dans ce jardin, où, calme et solitaire,
La Science à toute heure ouvre son sanctuaire.
Que de fois, en entrant dans ce séjour sacré,
J'ai cru revoir ce Dieu par l'Egypte adoré,
Ce Pan, qui du grand tout fut le visible emblème!
Sur les bords de la Seine il a porté lui-même,
Loin des rives du Nil, son culte et ses autels,
Et ses prêtres savants, bienfaiteurs des mortels.
Là, je vois rassemblés, sous sa garde féconde,
Tous les germes ravis aux quatre parts du monde.
Quels riches entretiens! tour à tour entraîné
De l'éloquent Buffon à ce docte Linné,
J'entendrai les savants qu'a formés leur génie :
Ils partagent entr'eux la nature infinie,

Et dans son vaste empire ils règnent tous en paix ;
Chacun soulève un coin de ses voiles épais.
Sans ombre, ô Vérité, tu veux qu'on te contemple;
Le Sphinx n'est plus assis sur le seuil de ton temple.
Ici tous les secrets s'ouvrent à tous les yeux :
Le divin Esculape, égaré dans ces lieux,
D'un art trop insulté m'expliquant les mystères,
Demande à l'humble fleur quelques sucs salutaires;
La fille du printemps ne les refuse pas,
Car souvent ses bienfaits égalent ses appas.

Ainsi donc, que les fleurs, charme de votre asyle,
Ne frappent point les yeux d'un éclat inutile!
A l'entour, un essaim bourdonne sourdement;
C'est là que, pénétré d'un double enchantement,
Vous lirez, au doux bruit de la ruche agitée,
Ces vers plus doux encore où gémit Aristée; }

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