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C'est là qu'on rit parfois, Réaumur à la main,
Des aimables erreurs du poëte romain.

Les Fleurs.

DE FONTANES.

O! COMME chaque fleur, en ce riant dédale,
Prodigue aux sens charmés sa grâce végétale!
Noble fils du soleil, le lis majestueux
Vers l'astre paternel dont il brave les feux
Elève avec orgueil sa tête souveraine;

Il est le Roi des fleurs dont la rose est la Reine.
L'obscure violette, amante des gazóns,
Aux pleurs de leur rosée entremêlant ses dons,
Semble vouloir cacher, sous leurs voiles propices,
D'un pudique parfum les discrètes délices :
Pur emblème d'un cœur qui répand en secret
Sur le malheur timide un modeste bienfait !
Le narcisse, plus loin, isolé sur la rive,
S'incline réfléchi dans l'onde fugitive;.
Cette onde, cette fleur s'embellit à mes yeux,
Par le doux souvenir du ruisseau fabuleux :
Tant les illusions des poétiques songes

Nous font encore aimer leurs antiques mensonges!
Vois l'hyacinthe ouvrir sa corolle d'azur,
Le riche œillet, ami d'un air tranquille et pur,
Varier ses couleurs d'une teinte inégale,
Le muguet arrondir l'argent de son pétale,
Et l'épais chèvre-feuille errer en longs festons.
La rose te sourit à travers ses boutons:
Heureux, en la voyant, du baiser qu'il espèrc,
Le berger la promit au sein de sa bergère !
Fleur chère à tous les cœurs! elle pare à la fois
Et le chaume du pauvre et le marbre des Rois;
Elle orne tous les ans la beauté la plus sage;
Le prix de l'innocence en est aussi l'image.

BOISJOLIN. Poëme sur la Botanique.

Même sujet.

CE sol, sans luxe vain, mais non pas sans parure,
Au doux trésor des fruits mêle l'éclat des fleurs.
Là, croît l'œillet si fier de ses mille couleurs;
Là, naissent au hasard le muguet, la jonquille,
Et des roses de mai la brillante famille,
Le riche bouton d'or, et l'odorant jasmin,
Le lis, tout éclatant des feux purs du matin,
Le tournesol, géant de l'empire de Flore,
Et le tendre souci qu'un or pâle colore;
Souci simple et modeste, à la cour de Cypris,
En vain sur toi la rose obtient toujours le prix :
Ta fleur, moins célébrée, a pour moi plus de charmes;
L'Aurore te forma de ses plus douces larmes.
Dédaignant des cités les jardins fastueux,

Tu te plais dans les champs; ami des malheureux,
Tu portes dans les cœurs la douce rêverie;
Ton éclat plaît toujours à la mélancolie;

Et le sage Indien, pleurant sur un cercueil,

De tes fraîches couleurs peint ses habits de deuil. MICHAUD. Le Printemps d'un Proscrit, ch. II.

Même sujet.

MAIS parmi tous ces plants, prodigués sans mesure, Puis-je oublier les fleurs, luxe de la nature!

Les fleurs, son plus doux soin, les fleurs, berceau des fruits! Quelle forme élégante et quel frais coloris!

C'est l'azur, le rubis, l'opale, la topaze,

Tournés en globe, en frange, en diadème, en vase.
Les fleurs charment le goût, l'odorat et les yeux;
Dans les palais des Rois, dans les temples des Dieux,
Souvent l'or fastueux le cède à leurs guirlandes:
Amour ne reçoit point de plus douces offrandes.

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Agréables encor, même dans leurs débris,
Nous changeons en parfums leurs feuillages flétris.
Odorante liqueur, pâte délicieuse,

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Quels dons ne nous fait pas leur séve précieuse !
Les fleurs, du doux plaisir sont l'emblème riant.
Si j'en crois le récit des peuples d'Orient,
Pour donner un langage à ses douleurs secrètes,
Souvent plus d'un captif en fit ses interprètes;
En peignant par leur teinte ou l'espoir ou l'ennui,
Les fleurs interrogeoient et répondoient pour lui,
Pour rendre leurs contours, leur flexible souplesse,
Le marbre même semble emprunter leur mollesse;
Le peintre les chérit; sous les doigts du brodeur,
L'art n'en laisse au désir regretter que l'odeur,
Et dresse un piége adroit au papillon volage:
Tant l'homme aime les fleurs jusque dans leur image!
Si ces temps ne sont plus où, dans les jours de deuil,
Les fleurs suivoient les morts ou paroient leur cercueil;
Si nous ne voyons plus dans les jeux funéraires
Les fleurs s'entrelacer aux urnes cinéraires,
La pastourelle encore en forme ses bouquets :
Elles parent nos fronts, parfument nos banquets,
Et parmi les crystaux, belles sans artifice,
De nos brillants desserts couronnent l'édifice.
Hôte aimable des champs, ce peuple quelquefois
Vient vivre parmi nous, et se plaît sous nos toits;
Trompe l'hiver jaloux dans l'abri d'une serre,
Se mire dans les eaux et tapisse la terre;
Et sur la mer, enfin, souvent aux matelots
Leur parfum présagea la terre et le repos.

DELILLE. Les Trois Règnes, ch. VI.

Les Jardins de Versailles et Marly.

Loin de ces vains apprêts, de ces petits prodiges, Venez, suivez mon vol au pays des prestiges,

A ce pompeux Versaille, à ce riant Marly,
Que Louis, la nature et l'art ont embelli.

C'est là que tout est grand, que l'art n'est point timide;
Là, tout est enchanté, c'est le palais d'Armide;
C'est le jardin d'Alcine, ou plutôt d'un héros,
Noble dans sa retraite et grand dans son repos,
Qui cherche encore à vaincre, à dompter les obstacles,
Et ne marche jamais qu'entouré de miracles.
Voyez-vous et les eaux, et la terre, et les bois,
Subjugués à leur tour, obéir à ses lois;

A ces douze palais d'élégante structure,
Ces arbres marier leur verte architecture;
Ces bronzes respirer, ces fleuves suspendus,
En gros bouillons d'écume à grand bruit descendus,
Tomber, se prolonger dans des canaux superbes ;
Là, s'épancher en nappe; ici, monter en gerbes,
Et dans l'air, s'enflammant aux feux d'un soleil pur.
Pleuvoir en gouttes d'or, d'émeraude et d'azur? ·
Si j'égare mes pas dans ces bocages sombres,
Des Faunes, des Sylvains en ont peuplé les ombres,
Et Diane et Vénus enchantent ce beau lieu :

Tout bosquet est un temple, et tout marbre est un Dieu :
Et Louis, respirant du fracas des conquêtes,

Semble avoir invité tout l'Olympe à ses fêtes.

DELILLE. Les Jardins, ch. Ier.

L'Élysée des amis des Hommes et des Dieux

dans les Jardins.

Si la faveur du sort, surpassant mes souhaits, Eût voulu m'accorder de plus riches guérets, Des taillis étendus et de gras pâturages,

J'aurois, dans mes jardins, rassemblé les images

De ces mortels chéris, qui, secondés des Dieux,
Ont chanté la Naturé en vers mélodieux.

2.-14.

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Hésiode et Rosset, de la main de Cybèle,
Recevroient tous les deux une palme immortelle.
Comme un orme élevé voit presqu'à sa hauteur
Croître un brillant ormeau dont il est créateur,
Ainsi le grand berger, la gloire de Mantoue,
Auroit à ses côtés Delille qu'il avoue.

Théocrite et Gessner, tenant leurs chalumeaux,
Présideroient encore aux danses des hameaux.
J'irois voir chaque jour notre bon La Fontaine.
Et toi, chantre des Mois, à ta Muse hautaine,
Digne d'un autre temps et d'un destin meilleur,
D'un berceau de cyprès j'offrirois la douleur.
Masson, Marnésia de mon frais

paysage Sembleroient dessiner l'élégant assemblage: Fontanes orneroit le fertile verger,

Et Parny de mes fleurs se verroit ombrager.
Près d'un torrent fougueux, sous des bois prophétiques,
Thompson entonneroit ses sublimes cantiques.
Bernis de lacs d'amour uniroit les saisons,
Et sur un beau tapis de verdoyants gazons,
Saint-Lambert, inspiré par la philosophie,
Présenteroit aux grands la charrue ennoblie.
Heureux qui peut jouir de ces brillants tableaux!
Plus heureux qui, sans faste habitant les hameaux,
Satisfait des écrits où respirent ces sages,
Aime à les contempler dans leurs vivants ouvrages!
Ses désirs ne vont point au-delà du vallon.
Où le soleil naissant éclaire sa maison,
Du jardin rafraîchi par l'eau de la colline,
Et de l'ombrage épais de la forêt voisine.
Qu'iroit-il demander au luxe des cités?
Il a vu du printemps la pompe et les beautés,
Les champs ont su répondre à l'espoir de ses granges,
Et ses pieds ont foulé de fertiles vendanges.
Si le char du soleil, aux portes du matin,
Promet à la nature un jour pur et serein,

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