L'or brillant du genêt couvre l'humble bruyère, Le pavot dans les champs lève sa tête altière; L'épi cher à Cérès, sur sa tige élancé,
Cache l'or des moissons dans son sein hérissé; Et l'aimable espérance, à la terre rendue, Sur un trône de fleurs du ciel est descendue. Dans un humble tissu long-temps emprisonné, Insecte parvenu, de lui-même étonné, L'agile papillon, de son aile brillante, Courtise chaque fleur, caresse chaque plante; De jardin en jardin, de verger en verger, L'abeille en bourdonnant poursuit son vol léger; Zéphyr, pour ranimer la fleur qui vient d'éclore, Va dérober au ciel les larmes de l'Aurore; Il vole vers la rose, et dépose en son sein La fraîcheur de la nuit, les parfums du matin. Le soleil, élevant sa tête radieuse, Jette un regard d'amour sur la terre amoureuse; Et du fond des bosquets un hymne universel S'élève dans les airs, et monte jusqu'au ciel. L'Amour donne la vie à ces beaux paysages. Pour construire leurs nids, les hôtes des bocages Vont chercher dans les prés, dans les cours des hameaux, Les débris des gazons, la laine des troupeaux.
L'un a placé son nid sous la verte fougère; D'autres, au tronc mousseux, à la branche légère, Ont confié l'espoir d'un mutuel amour; Les passereaux ardents, dès le lever du jour, Font retentir les toits de la grange bruyante; Le pinson remplit l'air de sa voix éclatante; La colombe attendrit les échos des forêts; Le merle des taillis cherche l'ombrage épais; Le timide bouvreuil, la sensible fauvette, Sous la blanche aubépine ont choisi leur retraite ; Et les chênes des bois offrent à l'aigle altier De leurs rameaux touffus l'asyle hospitalier.
MICHAUD. Le Printemps d'un Proscrit, ch. It.
Au milieu du tumulte et du bruit des cités, Mes esprits, loin de moi dans le vague emportés, Dociles aux désirs d'une foule insensée,
A l'intérêt de plaire immoloient ma pensée. Dans les soupers où l'art le plus voluptueux Aiguillonne nos sens et nos goûts dédaigneux, Où, d'une main pour nous toujours enchanteresse, Hébé verse en riant le nectar et l'ivresse,
Quel mortel, insensible aux charmes du poison, D'un philtre si flatteur peut sauver sa raison? Des boudoirs de Paris les intrigues secrètes,. L'anecdote du jour, l'histoire des toilettes, Les jeux d'un vil bouffon, des brochures, des riens, Voilà les grands objets de tous nos entretiens. Lorsqu'enfin, terminant ces bruyantes orgies, Le rayon du matin fait pâlir les bougies, Nos convives légers remontent dans leurs chars. De ces fous si brillants les rapides écarts Ont sur le goût, les mœurs et les modes nouvelles Lancé du bel-esprit les froides étincelles; Mais, d'un objet utile occupant sa raison, Un seul d'entre eux, un seul a-t-il réfléchi? Non. J'ai suivi trop long-temps ce tourbillon rapide; A travers son éclat, j'en ai connu le vide; Et, de Rome échappé, je reviens dans Tibur Respirer les parfums d'un air tranquille et pur; Je parcours, plus heureux, ces routes isolées. Si je suis ces détours que forment ses vallées, J'aime à voir le zéphyr agiter dans les eaux Les replis oudoyants des joncs et des roseaux; Et ces saules vieillis, de leur mourante écorce Pousser encor des jets pleins de séve et de force. Ici tout m'intéresse, et plaît à mes regards. Sur les bords du ruisseau cent papillons épars, 2.—14.
Avant que mes esprits démêlent l'imposture, Me paroissent des fleurs que soutient la verdure. Déjà ma main séduite est prête à les cueillir; Mais alarmé du bruit, plus prompt que le zéphyr, L'insecte, tout à coup détaché de la tige,
S'enfuit......, et c'est encore une fleur qui voltige. Les arbres, le rivage', et la voûte des cieux, Dans le crystal des eaux se peignent à mes yeux : Chaque objet s'y répète, et l'onde qui vacille Balance dans son sein cette image mobile (1).
COLARDEAU. Epitre à M. Duhamel.
RUYSCH, de l'anatomie empruntant le secours, Interrogeoit la Mort pour conserver nos jours. La Mort, obéissant sous cette main savante, Dévoiloit à ses yeux la nature vivante,
Ces muscles, cet amas d'innombrables vaisseaux, Du dédale des nerfs les mobiles faisceaux, Organes où circule une invisible flamme, Rapides messagers des volontés de l'âme. Les corps inanimés, par ses heureux travaux, Paroissoient se survivre, échappés des tombeaux.
O prodige de l'art! dans leurs veines flétries Lorsque d'un sang glacé les sources sont taries, Du cylindre odorant qui le tient enfermé, Jaillit.un sang plus pur, de parfums embaumé. Par le souffle de l'air la liqueur onctueuse Poursuit, en bouillonnant, sa route tortueuse, Se filtre, s'insinue, et court à longs ruisseaux De l'aride machine inonder les vaisseaux. Soudain tout se ranime, et la pâleur s'efface : L'immobile beauté conserve encor sa grâce;
(1) Voyez Descriptions, en prose; et les Leçons Latines anciennes et modernes, t. II.
Un nouvel incarnat a peint son front vermeil, L'enfant paroît plongé dans le plus doux sommeil. On voit, par le même art, les plantes ranimées, Déployer autour d'eux leurs tiges parfumées,
Et suspendre en festons leurs fleurs et leurs rameaux. Tels on peint, chez les morts, ces tranquilles berceaux, Ce riant Elysée, et, sous des myrtes sombres, Le silence éternel et le repos des ombres.
Pierre, dans cette enceinte, où Ruysch guide ses pas, Voit ces êtres nouveaux dérobés au trépas;
Il les voit, il s'arrête, il contemple, il admire : A son œil étonné la Mort même respire; Chaque pas, chaque objet ajoute à ses transports. « Feu céleste, dit-il, descendez sur ces corps, Ils vivront. >> Tout à coup dans un touchant délire, Il baise un jeune enfant qui sembloit lui sourire.
Le jour vient, et la troupe arrive au rendez-vous. Ce ne sont point ici de ces guerres barbares Où les accents du cor et le bruit des fanfares Epouvantent de loin les hôtes des forêts.
Paissez, jeunes chevreuils; sous vos ombrages frais, Oiseaux, ne craignez rien : ces chasses innocentes Ont pour objet les fleurs, les arbres et les plantes; Et des prés, et des bois, et des champs, et des monts, Le portefeuille avide attend déjà les dous.
On part: l'air du matin, la fraîcheur de l'aurore, Appellent à l'envi les disciples de Flore.
Jussieu marche à leur tête; il parcourt avec eux Du règne végétal les nourrissons nombreux. Pour tenter son savoir, quelquefois leur malice, De plusieurs végétaux compose un tout factice. Le sage l'aperçoit, sourit avec bonté,
Et rend à chaque plant son débris emprunté.
Chacun dans sa recherche à l'envi se signale: Etamine, pistil, et corolle, et pétale,
On interroge lout. Parmi ces végétaux
Les uns vous sont connus, d'autres vous sont nouveaux; Vous voyez les premiers avec reconnoissance,
Vous voyez les seconds des yeux de l'espérance; L'un est un vieil ami qu'on aime à retrouver, L'autre est un inconnu que l'on doit éprouver. Et quel plaisir encor lorsque des objets rares, Dont le sol, le climat, et le ciel sont avares, Rendus par votre attente encor plus précieux, Par un heureux hasard se montrent à vos yeux! Voyez quand la pervenche, en nos champs ignorée, Offre à Rousseau sa fleur si long-temps désirée ! La pervenche! grand Dieu! la pervenche! soudain Il la couve des yeux; il y porte la main,
Saisit sa douce proie: avec moins de tendresse L'amant voit, reconnoît, adore sa maîtresse.
Mais le besoin commande : un champêtre repas, Pour ranimer leur force, a suspendu leurs pas; C'est au bord des ruisseaux, des sources, des cascades; Bacchus se rafraîchit dans les eaux des Naïades. Des arbres pour lambris, pour tableaux l'horizon, Les oiseaux pour concert, pour table le
Le laitage, les œufs, l'abricot, la cerise,
Et la fraise des bois que leurs mains ont conquise,
Voilà leurs simples mets; grâce à leurs doux travaux, Leur appétit insulte à tout l'art des Méots.
On fête, on chante Flore, et l'antique Cybèle, Eternellement jeune, éternellement belle. Leurs discours ne sont pas tous ces riens si vantés, Par la mode introduits, par la mode emportés; Mais la grandeur d'un Dieu, mais sa bonté féconde, La nature immortelle, et les secrets du monde.
La troupe enfin se lève, on vole de nouveau Des bois à la prairie et des champs au coteau;
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