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L'enfant même y répond. Je veux fuir, et soudain
Ce torrent qui grossit me ferme le chemin.

Nos vainqueurs, qu'un amour profane et téméraire
Rassembloit pour leur perte au pied du sanctuaire,
Calmes, quoique surpris, entendent sans terreur
Les cris tumultueux d'une foule en fureur.

vous!

Le fer brille, le nombre accabloit leur courage....
Un Chevalier s'élance, il se fraie un passage;
Il marche, il court; tout cède à l'effort de son bras,
Et les rangs dispersés s'ouvrent devant ses pas.
Il affrontoit leurs coups sans casque, sans armure........
C'est Montfort! à ce cri succède un long murmure.
« Oui, traîtres, ce nom seul est un arrêt pour
» Fuyez!» dit-il, superbe, et pâle de courroux;
Il balance dans l'air sa redoutable épée,
Fumante encor du sang dont il l'avoit trempée.
Il frappe.... Un envoyé de la Divinité
Eût semblé moins terrible au peuple épouvanté.
Mais Procida paroît, et la foule interdite
Se rassure à sa voix, roule et se précipite;
Elle entoure Montfort, par son père entraîné,
Lorédan le suiveit, muet et consterné.

Du vainqueur, du vaincu les clameurs se confondent;
Des tombeaux souterrains les échos leur répondent.
Le destin des combats flottoit encor douteux;
La nuit répand sur nous ses voiles ténébreux.
Parmi les assassins je m'égare; incertaine,
Je cherche le palais, je marche, je me traîne.

Que de morts, de mourants! Faut-il qu'un jour nouveau
Eclaire de ses feux cet horrible tableau ?

Puisse le soleil fuir, et cette nuit sanglante

Cacher au monde entier les forfaits qu'elle enfante!

Casimir DELAVIGNE. Les Vêpres Siciliennes,

act. V, sc. III.

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Mort de Coligny.

CEPENDANT tout s'apprête, et l'heure est arrivée
Qu'au fatal denoûment la Reine a réservée.

Le signal est donné saus tumulte et sans bruit :
C'étoit à la faveur des ombres de la nuit.
De ce mois malheureux l'inégale courrière
Sembloit cacher d'effroi sa tremblante lumière;
Coligny languissoit dans les bras du repos,
Et le sommeil trompeur lui versoit ses pavots.
Soudain de mille cris le bruit épouvantable
Vient arracher ses sens à ce calme agréable.
Il se lève, il regarde; il voit de tous côtés
Courir des assassins à pas précipités ;
Il voit briller partout les flambeaux et les armes ;
Son palais embrasé, tout un peuple en alarmes ;
Ses serviteurs sanglants, dans la flamme étouffés ;
Les meurtriers en foule au carnage échauffés,
Criant à haute voix : « Qu'on n'épargne personne ;
C'est Dieu, c'est Médicis, c'est le Roi qui l'ordonne! »
Il entend retentir le nom de Coligny :
Il aperçoit de loin le jeune Téligny,
Téligny dont l'amour a mérité sa fille
L'espoir de son parti, l'honneur de sa famille,
Qui, sanglant, déchiré, traîné par des soldats,
Lui demandoit vengeance, et lui tendoit les bras.
Le Héros malheureux, sans armes, sans défense,
Voyant qu'il faut périr, et périr sans vengeance,
Voulut mourir du moins comme il avoit vécu,
Avec toute sa gloire et toute sa vertu.
Déjà des assassins la nombreuse cohorté,
Du salon qui l'enferme alloit briser la porte;
Il leur ouvre lui-même, et se montre à leurs yeux,
Avec cet oil serein, ce front majestueux,

Tel dans les combats, maître de son courage,
que,

Tranquille, il arrêtoit ou pressoit le carnage.

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A cet air vénérable, à cet auguste aspect, Les meurtriers surpris sont saisis de respect; Une force inconnue a suspendu leur rage.

<< Compagnons, leur dit-il, achevez votre ouvrage,
Et de mon sang glacé souillez ces cheveux blancs,
Que le sort des combats respecta quarante ans.
Frappez, ne craignez rien : Coligny vous pardonne;
Ma vie est peu de chose, et je vous l'abandonne;
J'eusse aimé mieux la perdre en combattant pour vous. »
Ces tigres, à ces mots, tombent à ses genoux :
L'un, saisi d'épouvante, abandonne ses armes ;
L'autre embrasse ses pieds qu'il trempe de ses larmes ;
Et de ses assassins ce grand homme entouré,
Sembloit un Roi puissant par son peuple adoré.
Besme, qui dans la cour attendoit sa victime,
Monte, accourt, indigné qu'on diffère son crime;
Des assassins trop lents il veut hâter les coups:
Aux pieds de ce Héros il les voit trembler tous.
A cet objet touchant lui seul est inflexible;
Lui seul, à la pitié toujours inaccessible,
Auroit cru faire un crime, et trahir Médicis,
Si du moindre remords il se sentoit surpris.
A travers les soldats, il court d'un pas rapide;
Coligny l'attendoit d'un visage intrépide :
Et bientôt dans le flanc ce monstre furieux
Lui plonge son épée en détournant les yeux,
De peur que d'un coup d'œil cet auguste visage
Ne fit trembler son bras, et glaçât son courage.

Du plus grand des Français tel fut le triste sort :
On l'insulte, on l'outrage encore après sa mort..
Son corps percé de coups, privé de sépulture,
Des oiseaux dévorants fut l'indigne pâture;
Et l'on porta sa tête aux pieds de Médicis :
Conquête digne d'elle et digne de son fils!
Médicis la reçut avec indifférence,

Sans paroître jouir du fruit de sa vengeance,

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Sans remords, sans plaisir, maîtresse de ses sens,
Et comme accoutumée à de pareils présents.

VOLTAIRE. Henriade, chant II.

Elévation d'Esther.

PEUT-ÊTRE on t'a conté la fameuse disgrâce
De l'altière Vasthi dont j'occupe la place,
Lorsque le Roi, contre elle enflammé de dépit,
La chassa de son trône, ainsi que de son lit.
Mais il ne put sitôt en bannir la pensée :
Vasthi régna long-temps dans son âme offensée.
Dans ses nombreux Etats il fallut donc chercher
Quelque nouvel objet qui l'en pût détacher.
De l'Inde à l'Hellespont ses esclaves coururent.
Les filles de l'Egypte à Suse comparurent;
Celles même du Parthe et du Scythe indompté
Y briguèrent le sceptre offert à la beauté.

On m'élevoit alors, solitaire et cachée,
Sous les yeux vigilants du sage Mardochée.
Tu sais combien je dois à ses heureux secours :
La mort m'avoit ravi les auteurs de mes jours;
Mais lui, voyant en moi la fille de son frère,
Me tint lieu, chère Elise, et de père et de mère.
Du triste état des Juifs jour et nuit agité,
Il me tira du sein de mon obscurité,

Et sur mes foibles mains fondant leur délivrance,
Il me fit d'un Empire accepter l'espérance.
A ses desseins secrets tremblante j'obéis
Je vins, mais je cachai ma race et mon pays.

Qui pourroit cependant t'exprimer les cabales

Que formoit en ces lieux ce peuple de rivales,

Qui toutes, disputant un si grand intérêt,
Des yeux d'Assuérus attendoient leur arrêt?
Chacune avoit sa brigue et de puissants suffrages.
L'une d'un sang fameux vautoit les avantages;

L'autre, pour se parer de superbes atours,

Des plus adroites mains empruntoit le secours ;
Et moi, pour toute brigue et pour tout artifice,
De mes larmes au Ciel j'offrois le sacrifice.

Enfin, on m'annonça l'ordre d'Assuérus.
Devant ce fier Monarque, Elise, je parus.

Dieu tient le cœur des Rois entre ses mains puissantes;
Il fait que tout prospère aux âmes innocentes,
Tandis qu'en ses projets l'orgueilleux est trompé.
De mes foibles attraits le Roi parut frappé.

Il m'observa long-temps dans un sombre silence;
Et le Ciel, qui pour moi fit pencher la balance,
Dans ce temps-là, sans doute, agissoit sur son cœur.
Enfin, avec des yeux où régnoit la douceur :

« Soyez Reine », dit-il; et, dès ce moment même,
De sa main sur mon front posa son diadême.
Pour mieux faire éclater sa joie et son amour,
Il combla de présents tous les grands de la Cour;
Et même ses bienfaits, dans toutes ses provinces,
Invitèrent le peuple aux nôces de leurs Princes.

Hélas! durant ces jours de joie et de festins,
Quelle étoit en secret ma honte et mes chagrins !
Esther, disois-je, Esther dans la pourpre est assise!
La moitié de la terre à son sceptre est soumise !
Et de Jérusalem l'herbe cache les murs!
Sion, repaire affreux de reptiles impurs,
Voit de son temple saint les pierres dispersées,
Et du Dieu d'Israël les fêtes sont cessées !
Cependant mon amour pour notre nation
A rempli ce palais de filles de Sion,

Jeunes et tendres fleurs, par le sort agitées,
Sous un ciel étranger comme moi transplantées.
Dans un lieu séparé de profanes témoins,

Je mets à les former mon étude et mes soins;
Et c'est là que, fuyant l'orgueil du diadême,
Lasse de vains honneurs, et me cherchant moi-même,

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