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Lasse enfin des horreurs dont j'étois poursuivie,
J'allois prier Baal de veiller sur ma vie,

Et chercher du repos au pied de ses autels :
Que ne peut la frayeur sur l'esprit des mortels!
Dans le temple des Juifs un instinct m'a poussée,
Et d'apaiser leur Dieu j'ai conçu la pensée ;

J'ai cru que des présents calmeroient son courroux,
Que ce Dieu, quel qu'il soit, en deviendroit plus doux.
Pontife de Baal, excusez ma foiblesse.

J'entre le peuple fuit, le sacrifice cesse.

Le grand-prêtre vers moi s'avance avec fureur:
Pendant qu'il me parloit, ô surprise! ô terreur!
J'ai vu ce même enfant dont je suis menacée,
Tel qu'un songe effrayant l'a peint à ma pensée.
Je l'ai vu son même air, son même habit de lin,
Sa démarche, ses yeux, et tous ses traits enfin;
C'est lui-même. Il marchoit à côté du graud-prêtre;
Mais bientôt à ma vue on l'a fait disparoître.
Voilà quel trouble ici m'oblige à m'arrêter,
Et sur quoi j'ai voulu tous deux vous consulter.
RACINE. Athalie, act. II, sc. V.

Songe de Clytemnestre.

SEIGNEUR, n'irritez point son orgueil furieux;
Si vous saviez les maux que m'annoncent les Dieux....
J'en frémis. Non, jamais le Ciel impitoyable
N'a menacé nos jours d'un sort plus déplorable.
Deux fois mes sens frappés par un triste réveil,
Pour la troisième fois se livroient au sommeil,
Quand j'ai cru par des cris terribles et funèbres
Me sentir entraîner dans l'horreur des ténèbres.
Je suivois malgré moi de si lugubres cris;

Je ne sais quels remords agitoient mes esprits;
Mille foudres grondoient dans un épais nuage
Qui sembloit cependant céder à mon passage.

Sous mes pas chancelants un gouffre s'est ouvert;
L'affreux séjour des morts à mes yeux s'est offert;
A travers l'Achéron la malheureuse Electre

A grands pas où j'étois sembloit guider un spectre;
Je fuyois, il me suit. Ah! Seigneur! à ce nom
Mon sang se glace: hélas! c'étoit Agamemnon.
« Arrête, m'a-t-il dit d'une voix formidable;
Voici de tes forfaits le terme redoutable!
Arrête, épouse indigne, et frémis à ce sang
Que le cruel Ægisthe a tiré de mon flanc! »
Ce sang, qui ruisseloit d'une large blessure,
Sembloit en s'écoulant pousser un long murmure.
A l'instant j'ai cru voir aussi couler le mien;
Mais, malheureuse! à peine a-t-il touché le sien,
Que j'en ai vu renaître un monstre impitoyable
Qui m'a lancé d'abord un regard effroyable;
Deux fois le Styx, frappé par ses mugissements,
A long-temps répondu par des gémissements,
Vous êtes accouru; mais le monstre en furie
D'un seul coup à mes pieds vous a jeté sans vie,
Et m'a ravi la mienne avec le même effort,
Sans me donner le temps de sentir votre mort.
CRÉBILLON. Electre, act. Ier, sc. VII.

Songe de Thyeste.

SAUVEZ-MOI, par pitié, de ces bords dangereux;
Du soleil à regret j'y revois la lumière;
Malgré moi le sommeil y ferme ma paupière.
De mes ennuis secrets rien n'arrête le cours ;
Tout à de tristes nuits joint de plus tristes jours.
Une voix, dont en vain je cherche à me défendre,
Jusqu'au fond de mon cœur semble se faire entendre ;
J'en suis épouvanté. Les songes de la nuit

Ne se dissipent point par le jour qui les suit:
Malgré ma fermeté, d'infortunés présages
Asservissent mon âme à ces vaines images,

Cette nuit même encor, j'ai senti dans mon cœur
Tout ce que peut un songe inspirer de terreur.

Près de ces noirs détours que la rive infernale
Forme à replis divers dans cette île fatale,
J'ai cru long-temps errer parmi des cris affreux
Que des månes plaintifs portoient jusques aux cieux.
Parmi ces tristes voix, sur ce rivage sombre,
J'ai cru d'Erope en pleurs entendre gémir l'ombre;
Bien plus, j'ai cru la voir s'avancer jusqu'à moi,
Mais dans un appareil qui me glaçoit d'effroi:
« Quoi! tu peux t'arrêter dans ce séjour funeste!
>> Suis-moi, m'a-t-elle dit, infortuné Thyeste. »
Le spectre, à la lueur d'un triste et noir flambeau,
A ces mots m'a traîné jusque sur son tombeau.
J'ai frémi d'y trouver le redoutable Atrée,
Le geste menaçant et la vue égarée,

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Plus terrible pour moi, dans ces cruels moments,
Que le tombeau, le spectre et ses gémissements.
J'ai cru voir le barbare entouré de Furies;
Un glaive encor fumant armoit ses mains impies;
Et, sans être attendri de ses cris douloureux,
Il sembloit dans son sang plonger un malheureux.
Ærope, à cet aspect, plaintive, désolée,
De ses lambeaux sanglants à mes yeux s'est voilée.
Alors j'ai fait pour fuir des efforts impuissants;
L'horreur a suspendu l'usage de ines sens.
A mille affreux objets l'âme entière livrée,
La frayeur m'a jeté sans force aux pieds d'Atrée.
Le cruel, d'une main sembloit m'ouvrir le flanc,
Et de l'autre, à longs traits, m'abreuver de mon sang,
Le flambeau s'est éteint, l'ombre a percé la terre,

Et le songe a fini par un coup de tonnerre.

LE MÊME. Atrée et Thyeste, act. II, sc. II.

Apparition du Spectre de Thyeste à Ægisthe.

THYESTE ! tu verras Agamemnon puni;
Qu'Oreste même expire à ses destins uni!
Chère ombre, apaise-toi! calmez-vous, Euménides!
Vous avez au berceau proscrit les Pélopides :
Oreste n'est-il pas l'héritier de son rang?
Périssent lui, son fils, Electre, et tout son sang!
Ils mourront sous ce fer, que l'exécrable Atrée
Remit dès mon enfance à ma main égarée,
Lorsqu'un affreux serment, de ma bouche obtenu,
M'arma contre Thyeste, à moi-même inconnu.
Un Dieu seul me ravit à ce noir parricide.

O mon père !.... pourquoi ton spectre errant, livide,
Assiége-t-il mes pas? Il me parle, il me suit,
Sous ce même portique, au milieu de la nuit.

Ne crois pas qu'une erreur, dans le sommeil tracée,
De sa confuse image ait troublé ma pensée :

Je veillois sous ces murs,

où de son souvenir

Ma douleur recueillie osoit s'entretenir;

Le calme qui régnoit à cette heure tranquille
Environnoit d'effroi ce solitaire asyle;

Mes regards sans objet dans l'ombre étoient fixés;
Il vint, il m'apparut, les cheveux hérissés,
Pâle, offrant de son sein la cicatrice horrible;
Dans l'une de ses mains brille un acier terrible,
L'autre tient une coupe....ô spectacle odieux!
Souillée encor d'un sang tout fumant à mes yeux.
L'air farouche, et la lèvre à ses bords abreuvée :
« Prends, dit-il, cette épée à ton bras réservée ;
Voici, voici la coupe où mon frère abhorré
Me présenta le sang de mon fils massacré ;
Fais-y couler le sien que proscrit ma colère,
Et qu'à longs traits encor ma soif s'y désaltère. ».
Il recule à ces mots, me montrant de la main
Le Tartare profond, dont il suit le chemin..

Le dirai-je ? sa voix, perçant la nuit obscure,
Ce geste, et cette coupe, et sa large blessure,
Ce front décoloré, ses adieux menaçants....
J'ignore quel prestige égara tous mes sens.
Entraîné sur ses pas vers ces demeures sombres,
Gouffre immense où gémit le peuple errant des ombres,
Vivant, je crus descendre au noir séjour des morts.
Là, jurant et le Styx et les Dieux de ses bords,
Et les monstres hideux de ses rives fatales,
Je vis, à la pâleur des torches infernales,
Les trois sœurs de l'enfer irriter leurs serpents,
Le rire d'Alecton accueillir mes serments;
Thyeste les reçut, me tendit son épée,

Et je m'en saisissois, quand à ma main trompée
Le vain spectre échappa poussant d'horribles cris.
Je fuyois.... Je ne sais à mes foibles esprits
Quelle flatteuse erreur présenta sa chimère.
Il me sembla monter au trône de mon père ;
Que, de sa pourpre auguste héritier glorieux,
Tout un peuple en mon nom brûloit l'encens des Dieux ;
Je vis la Grèce entière à mon joug enchaînée,
La Reine me guidant aux autels d'Hyménée,
Et mes fiers ennemis, consternés et tremblants,
Abjurer à mes pieds leurs mépris insolents.

LE MERCIER. Agamemnon, act. I, sc. I.

Mort d'Anne de Boulen.

SIRE, chargé par vous d'un ordre de clémence,
Je courois à la mort enlever l'innocence.

Je vois de tous côtés vos sujets éperdus,
Vos malheureux sujets à grands flots répandus
Dans la place où leur Reine, indignement traînée,
Devoit sur l'échafaud finir sa destinée.

Ils venoient voir mourir ce qu'ils ont adoré.
Je vole au-devant d'eux, et, d'espoir enivré,

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