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Sans doute plusieurs de ces questions sont encore à l'étude aujourd'hui ; toujours est-il qu'elles sont posées depuis longtemps. Et l'important en science, c'est la position nette d'un problème nouveau.

On s'est en même temps occupé des fonctions des nerfs. La distinction qui nous paraît si simple entre les nerfs sensitifs et les nerfs moteurs est le résultat de beaucoup d'efforts. Galien ne l'avait prévue que par le raisonnement, comme le prouve l'observation qu'il rapporte d'un certain Pausanias. Ce Pausanias avait reçu, en tombant de voiture, un coup violent entre les deux épaules, d'où était résultée une paralysie du sentiment aux deux derniers doigts et à la moitié du doigt médius. Les médecins avaient appliqué des topiques sur les doigts malades. Galien reconnut que la source du mal était dans la moelle épinière, au point d'émergence des nerfs, et qu'il fallait agir en ce point. Son traitement réussit. Et aux médecins surpris de constater la guérison d'une anesthésie des doigts par l'application de médicaments sur la colonne vertébrale, il expliqua que des nerfs de sensibilité, propres à ces extrémités du membre antérieur, viennent directement de la moelle d'où sortent aussi des nerfs de mouvement, distincts des premiers, puisque la peau et les muscles peuvent être paralysés séparément. Les observations de ce genre avaient emporté la conviction des médecins réfléchis. Il faut néanmoins arriver à des expériences

précises et systématiquement conduites pour voir la distinction fondamentale dont il s'agit s'établir définitivement. C'est seulement au commencement de ce siècle que Charles Bell et que Magendie prouvèrent expérimentalement qu'il y a des conducteurs spéciaux pour le mouvement et pour la sensibilité. Charles Bell, par exemple, grâce à des expériences pratiquées par Shaw sur des ânes, montra que les filets du facial et ceux du trijumeau sont bien distincts. Ici doit se voir le point de départ de toutes les recherches du même genre qui suivirent. Par le même procédé simple de la section et par l'observation des effets consécutifs fut déterminée la fonction sensitive ou motrice de presque tous les nerfs. Ainsi se constitua la physiologie topographique du système nerveux. Dans le même ordre de faits, la découverte des fonctions des racines médullaires, due à Charles Bell, à Magendie, à Claude Bernard, eut le plus grand retentissement. De 1845 à 1852 on fit trois autres grandes découvertes, celle des nerfs d'arrêt, les frères Weber ayant déterminé l'action du pneumogastrique sur le cœur; celle des nerfs vaso-moteurs, par Claude Bernard, par Brown-Séquard, par Schiff; et enfin celle des nerfs sécréteurs, par Ludwig. Pour tous ces nerfs aussi fut entrepris et mené à bien un travail de topographie analogue à celui qui avait été fait pour les nerfs moteurs et pour les sensitifs.

GLEY.

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Assurément, l'étude de ces diverses fonctions nerveuses, de leur mécanisme, de leur rôle, occupe encore beaucoup de physiologistes. Mais il n'y a point là de questions nouvelles. C'est seulement un sujet que l'on continue de creuser. Il en va des questions scientifiques comme des découvertes géographiques. Une fois qu'une terre nouvelle a été découverte, on l'explore progressivement de tous les côtés, puis on pénètre de plus en plus loin, puis on en dresse la carte. Beaucoup d'efforts seproduisent là et bien des travaux ingénieux, utiles toujours, féconds souvent. La découverte initiale n'en reste pas moins avec son caractère de nouveauté.

Quant à la détermination des fonctions des diverses parties de la moelle, elle forme une œuvre considérable, due surtout à Legallois, à Magendie, à Flourens, à Longet, à Brown-Séquard, à Chauveau, à Vulpian et, à l'étranger, à J. Müller, à Schiff, à Van Deen, à A. Waller et à beaucoup d'autres. Legallois s'attacha à démontrer que la moelle n'est pas seulement un moyen de communication entre les différentes parties du corps; c'est d'elle aussi que part le principe de vie et de force qui anime tout le corps. Il avait vu, en effet, que, malgré la destruction du cerveau, sur des reptiles et sur des batraciens, les mouvements sont conservés; et ceuxci disparaissent si l'on vient à détruire la moelle avec un stylet. Il pratiqua également cette dernière expérience sur des lapins nouveau-nés. Pour apprécier toute l'importance des expériences de Legallois, il faut se rappeler que Prochaska, à la même époque, regardait encore la moelle comme un gros faisceau de nerfs. Legallois découvrit aussi l'influence de la moelle sur le cœur, sur les vaisseaux, sur les glandes. D'autre part, Marshall-Hall, Magendie, Flourens, Claude Bernard, BrownSéquard, Vulpian, Pflüger, Goltz, étudiaient à fond le pouvoir réflexe de la moelle.

2. - Jusqu'en 1870 l'étude du cerveau fournit peu de résultats productifs. Flourens, n'observant point de troubles notables à la suite de l'extirpation de la plus grande partie du cerveau, conclut que cet organe est seulement le siège de l'intelligence et forme un tout homogène. Là fut l'erreur qui arrêta tout progrès. Flourens avait vu pourtant la différence fondamentale qui existe entre le cerveau et la moelle. Quant à Gall, il n'a guère été, comme physiologiste, qu'un théoricien. Plus tard (18611863), les observations de Broca sur la perte du langage articulé par lésions du cerveau ne suffirent pas encore à provoquer un grand mouvement dé recherches.

Ce sont les expériences de Fritsch et Hitzig qui opérèrent en 1870 la révolution nécessaire. Dès lors il fut prouvé que l'excitation de divers points de l'écorce cérébrale détermine des mouvements dans divers groupes de muscles parfaitement localisés. Les travaux des expérimentateurs anglais, de Ferrier spécialement, puis de Beevor et Horsley, et ceux des anatomo-pathologistes, Charcot en tête, confirmèrent et étendirent cette notion capitale, la rendant d'ailleurs de plus en plus précise. La théorie dite des localisations cérébrales s'ensuivit. Voici l'expression qu'en donne Charcot : « Le cerveau est un ensemble d'organes et chacun de ces organes, dont la réunion constitue la masse encéphalique, est doué de propriétés spéciales. La lésion d'une de ces parties entraîne la suppression des fonctions auxquelles elle présidait et, pendant la vie, il est possible de déduire de ces troubles fonctionnels la localisation anatomique. » Nous voilà bien loin des idées de Flourens. Les localisations motrices et sensitivo-sensorielles, telle fut l'œuvre des physiologistes et des médecins de cette époque, de 1870 à 1885.

Il est curieux de remarquer, en relevant l'exagération de la doctrine des centres dits psycho-moteurs, combien une telle doctrine était contraire à l'opinion de Descartes, selon laquelle le cerveau ne produit pas de mouvements. Legallois était resté fidèle à la conception cartésienne; pour lui en effet le cerveau détermine et règle tous les actes des fonctions animales, mais le principe du mouvement émane de la moelle; «c'est dans la partie grise de la moelle, dit-il, que naissent et les nerfs spinaux et le principe qui les anime directement ». Il sem

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