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phaël, et cependant ceci fut tracé à la hâte et « de mémoire. Voici l'impromptu que Méli m'adressa à son tour pour ma récompense :

« Je reste vraiment confondu; comment, Po« liti, tout vieux que je suis, à peine t'ai-je re« gardé, que tu rends a ussitôt ma véritable image! Je te croyais peintre, et non miroir'. » Nous examinons un petit modèle du temple de Jupiter Olympien restauré, et quelques vases grecs nouvellement exhumés des tombeaux de la vieille ville. C'est sur la description de ces vases que s'exerce l'imagination de M. Politi, lorsque, fatigué du pinceau, il aiguise sa plume. Son style est au moins aussi facétieux qu'explicatif. Voici ce que je lis dans la dernière Illustration imprimée à Palerme, qu'il voulut bien me donner; on y retrouve, hardiment entrela

Restu trasiculatu, anchorchì vecchiu;
Comu Politi, appena iu guardu a tia,
Tu mi renni la vera effigie mia;
Ti cridia bon pitturi, ma no specchiu.

MÉLI, Poésies, vol. II, p. 27.

cés, les souvenirs des romans de Victor Hugo et de la mythologie. Il est question du combat d'Hercule contre l'hydre de Lerne.

Tudieu! l'affaire est grave. Il ne s'agit plus <de faire le gentil et de filer la quenouille auprès « des belles esclaves de Méonie; ceci est pour <tout de bon; vous allez voir monsieur don Her«cule aux prises avec le monstre de Lerne; ce « même Hercule, qui mordit le sein de sa nour« rice, quand Minerve pria madame Junon de « tendre une écuelle de lait à cet affamé Quasi« modo... Pour Minerve, regardez; elle est là, « perdue comme un grain d'anis dans une sau«cisse, et toujours entourée d'hommes, toute « chaste qu'elle est. »

Je finis, de peur de mal traduire ; je crains même d'avoir déjà assez faiblement rendu les grâces naïves de mon original. — M. Politi nous montra une belle effigie moulée de la Vénus de Syracuse; mais nous ne pûmes rien voir d'une autre Syracusaine, qu'il vient d'épouser récemment pour remplacer sa seconde femme, et dont

il est jaloux, dit-on, comme si elle était la première.

Nous parcourons la cathédrale. Je remarque, à gauche du choeur, une citerne qui réunit, conserve, rafraîchit et épure les eaux qui tombent sur tout l'édifice, et l'antique autel votif qui sert de margelle à cette citerne, où tout le quartier vient puiser; puis, la grande nef de cette belle église gothique, si pauvrement restaurée; enfin, l'écho, découvert par un maçon qui entendit, à son grand regret, au fond de la voûte, les révélations que fesait sa femme se confessant à l'autre bout. On décaissa pour nous le dramatique bas-relief grec, dont les quatre faces revêtaient un sarcophage, et cachent aujourd'hui les fonts baptismaux. Grande scène pathétique qu'ont décrite, sans l'interpréter, Goëthe et tant d'autres voyageurs-écrivains. Pour nous aider à deviner l'énigme, un chanoine, qui voit notre embarras, s'approche et veut bien nous prêter le secours de ses lumières. D'abord, il nous parle français, à ce qu'il pré

tend; mais il nous est impossible de reconnaître, dans son idiome, deux mots de notre langue; or, l'incertitude sur l'origine et l'explication du bas-relief est telle, que, quand notre bénévole commentateur revient à l'italien, il n'est guère plus intelligible. Nous admirons un charmant tableau du Guide, qu'on ne montre jamais sans provocation, mais que le goût si pur de M. de Forbin nous avait d'avance signalé.

Nous descendons ensuite, par des égouts qu'on appelle ici des rues, sur la place de la Reconnaissance, où est dressée la statue de l'avantdernier roi de Sicile. Cette place est terminée par un long balcon, d'où le plus magnifique tableau se déroule sous nos regards. Les campagnes chargées de figuiers, de grenadiers, de nopals, et de moissons, dans leurs ondulations jusqu'au môle; les ruines si pittoresques de l'antique cité ; les montagnes si fièrement escarpées, qui vont vers Alicata et le cap Pachynum; les hautes collines qui règnent vers le lac des Macalubbi; et au fond l'immense mer, où quelques

voiles, presque imperceptibles, se perdent dans les brumes de l'horizon.

Nous traversons de nouveau l'Acragas; mais, cette fois, sur un de ces ponts à angle presque aigu, si favorables au paysage, et si incommodes au passant. Nous revenons enfin au môle, tout préoccupés de ce que nous ont fait voir la moderne, et surtout l'antique Agrigente ruines colossales, mer lointaine, vastes aspects, pompeuse nature qui se gravent dans la mémoire pour enchanter un jour nos souvenirs.

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