LE PORT D'ULYSSE. YACI-RÉALE. GALATÉE. GIARRE. L'ETNA. GIARDINI. XVI RIEN de si triste que ce dernier regard jeté lentement en arrière sur les belles villes qu'on quitte pour ne plus les revoir jamais. Hier j'éprouvais une peine intime et réelle en me séparant de Sy racuse, aujourd'hui je regrette Catane: ces filles de l'opulente Sicile, parmi leurs ruines et leur décadence, m'ont redit la gloire des temps écoulés; elles se sont un moment confondues dans ma pensée avec leurs sœurs de l'antique Grèce tombées aussi, et j'ai cru une fois encore abandonner Athènes et Corinthe. Deux machines mal-roulantes, incommodes, à demi brisées, traînées par des haridelles vicieuses et sans force, nous emmènent à petits pas. Ces équipages publics si imparfaits sont le lot ordinaire de toutes les îles où l'on fait usage des roues, une seule exceptée, l'Angleterre; mais celle-là, par ses routes, ses chevaux et ses voitures, j'allais presque ajouter par son heureuse constitution et ses richesses, sut de tout temps exciter l'émulation et l'envie des continens les plus civilisés. Le signor Abbate a garni nos charriots de fruits et de bouquets, tout comme s'il avait lu le seul fragment qui nous reste de son compatriote Stésichore. « On jetait au char « du roi, dit ce rival d'Homère, des rameaux « de myrte, des coings parfumés, des couron<<nes de rose, et les rejets fleuris des molles vio «lettes. La porte de Stésichore où était sa tombe, en me rappelant ces jolis vers du poète, nous met hors de Catane. Nous cheminons tant bien que mal avec tout notre bagage dans ces soi-disant calèches, dont les capotes, détendues ainsi que les soupentes, ne nous garantissent pas plus du soleil que des cahots. Nous reprenons notre direction au travers des laves, en même temps que nos observations sur les campagnes etnéennes. D'abord ce sont de grands espaces conquis par la montagne brûlante dans ses luttes contre la mer; là, aucune végétation ne se mêle à des sables noirs et aux débris volcaniques complètement stériles; plus loin, des térébinthes, la valériane et le nopal en fleurs 1 Πολλὰ μὲν κυδωνία μᾶλα που τερριπτοῦν ποτί δίφρον ἄνακτι, Πολλὰ δὲ μύρρινα φύλλα, και ροδίνους Στεφάνους, ἵων τε κορωνίδας οὐλᾶς. STÉSICHORE, Fragmens. annoncent le retour de la culture qui se déploie bientôt heureuse et variée. Des champs de blé coupés de petits bois d'oliviers, d'amandiers, ombragés de caroubiers gigantesques, jaunissent auprès de la route, et « présentent toujours << au moissonneur, dans la saison de l'été, une ré<colte épaisse, car le sol est gras et fécond'.» Les scories dont on l'a dégagé, entassées au milieu de ces champs en forme de tours, servent d'observatoire au maître dont l'œil vigilant vient inspecter les travaux. Nous passons le port d'Ulysse : c'est une rade profonde et étroite qui vient mourir au bord du chemin; vraiment fille de l'Etna, elle est resserrée par deux torrens de lave qui, s'avançant dans la mer à gauche et à droite, la protégent après l'avoir creusée. C'est bien là « cette anse <«< commode, au point qu'il n'est besoin ni de « cables pour lier les vaisseaux, ni de jeter l'an Μάλα κεν βαθυλήϊον αἰὲν Εἰς ὥρας ἀμῷεν· ἐπεὶ μάλα πῖαρ ὑπ ̓ οὗδας. HOMERE, Odyssée, liv. 1x, v. 135. |