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SOMMAIRE

DU TRAITÉ PREMIER,

DE LA FORTUNE OU VERTU D'ALEXANDRE.

La fortune favorable aux rois de Perse et d'Asie. II. Contraire à Alexandre. III. Il forme le projet de conquérir l'univers contre toute apparence de possibilité. IV. Ses vertus font toute sa force et tous ses moyens. V. Différence des philosophes et des sophistes. VI. Les peuples plus redevables aux conquétes d'Alexandre, qu'aux leçons des plus grands philosophes. VII. Sa politique pour unir les différentes nations soumises à son joug. VIII. Sa prudence pour gagner leurs cœurs. IX. Ses vues dans ses conquétes. X. Sa supériorité dans ses dits, pensées et maximes. XI. Son goût pour la philosophie et pour les philosophes. XII. Toutes ses actions dictées par la philosophie. XIII. Son mépris pour la mort.

SOMMAIRE DU TRAITÉ SECOND.

Le siècle d'Alexandre redevable à ce grand conquérant. II. Les princes nuisent aux progrès des arts, par leur avarice et leur mauvais goût. III. Par leur prétention à y exceller. IV. Alexandre sçait de bonne heure les exercices qui lui conviennent. V. Honore et protège les arts. VI. Peintres

et sculpteurs d'Alexandre. VII. Sa grandeur ne dépend pas plus de la fortune que les ouvrages des grands artistes. VIII. La vertu seule fait la vraie grandeur. IX. La fortune avilit plutôt que d'elever les princes láches et bas. X. Alexandre seul a sçu fixer la fortune. XI. Sans vertus tout n'est que petitesse. XII. En quoi consiste la grandeur? XIII. Alexandre ne perd jamais de vue ses devoirs. XIV. Excès des grands personnages enivrés de leur élévation. XV. Vie privée d'Alexandre. XVI. Son humanité et sa continence. XVII. Avantages qu'il dut à la fortune, différens de ceux qu'il dut à la vertu. XVIII. Indulgent envers. les autres. XXI. N'est grand que pour avoir sçu user de la fortune. XXII. Avare à son égard, elle prodigua tout aux autres. XXV. Dangers, périls, peines et fatigues d'Alexandre. XXVI. Sa constance à vaincre les ennemis que lui suscita la fortune. XXVII. Supérieur à Hercule. XXVIII. II fait dans sa jeunesse l'admiration des ambassadeurs du roi de Perse. XXIX. Il est contrarié par la fortune dès ses premières entreprises. XXX. Sur quoi fonde-t-il l'espoir de conquérir l'univers? XXXI. Comparé aux plus grands capitaines et aux plùs sages de l'antiquité. XXXIV. La fortune acharnée contre lui à la bataille d'Oxydraque. XXXV. La vertu y rend Alexandre victorieux de sa mauvaise fortune.

OUVERTU

D'ALEXANDRE,

TRAITÉ

PREMIER.

CE discours est à la Fortune, laquelle s'attribue

et s'approprie Alexandre comme son œuvre propre à elle seule, mais il luy fault contredire au nom de la philosophie, ou bien pour Alexandre mesme, lequel trouve mauvais, et se courrouce de ce que lon pense que la fortune luy ait baillé son empire, qu'il a achetté et conquis avec son propre sang espandu, et avec force blesseures qu'il a receuës les unes sur les autres >

! Plutarque nous démontre très-bien dans ces deux Traités, qu'Alexandre dut le haut degré de grandeur où il parvint, plutôt à ses vertus qu'à sa fortune. C'est sous le même point de vue que M. de Montesquieu nous représente ce conquérant Esprits des Loix, L. X, ch. 13 et 14. Ces deux grands philosophes étoient persuadés avec Tacite, que « Les plus vertueux « des mortels ont toujours les idées les plus élevées; et que le « mépris de la réputation entraîne celui de la vertu même ». Annal. IV, 38, et Politica. XXV, T. VII, p. 107. Or personne n'a eu des idées plus grandes, plus nobles, plus élevées qu'Alexandre, et personne n'a mieux compris la nécessité « Pour un prince de ne s'occuper uniquement et sans relâche «que de se faire une bonne réputation ». Tacite, édit. in-4 T. I, p. 225, not. 4.

Ayant passé tant de nuicts à veiller 1,

Et tant de jours sanglans à travailler,
En combattant

contre des forces invincibles, des nations innumerables, des rivieres presque impossibles à passer, des rochers que lon n'eust sceu surmonter à coups de traict, tousjours accompagné de prudence, de patience, de vaillance et de temperance. Et croy que luy mesme diroit à la fortune qui se vquldroit vendiquer la gloire de ses hauts faicts, « Ne viens

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point calomnier ma vertu, et ne me viens point « oster ma gloire, pour te l'attribuer. Darius estoit «ton ouvrage, que tu as faict de serviteur et cour«rier du roy, seigneur et maistre de tous les Per«ses aussi estoit un Sardanapalus, auquel filant «< la laine parmy des femmes, tu as attaché le dia« deme royal, et baillé le manteau de pourpre.! « Mais moy je suis monté jusques à Suze, en gai"gnant la battaille d'Arbelle, et la Cilicie subjuguée m'ouvrit le chemin tout plain en AEgypte, « et la battaille que je gaignay sur la riviere de Granique, en la passant par dessus les corps << morts de Mithridates et de Spithridates lieutenans « du roy de Perse, fut ce qui me donna l'entrée << en la Cilicie. Glorifie toy, et te pare tant que << tu vouldras de ces roys qui ne furent jamais bles«sez en guerre, et ne respandirent oncques goutte « de leur sang: : ce sont ceulx là qui ont esté bien « fortunez, comme un Ochus et un Artaxerxes que Iliade, L. IX. v. 325. c.

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« tu as assis et colloquez dès le jour de leur nais»sance dedans le throsne de Cyrus.

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II. « MAIS mon corps porte plusieurs marques «<et signes de fortune non favorable, ains oppo«< site et contraire. Premierement contre les Illy<«<riens j'eus la teste brisée d'un coup de pierre, et « le col moulu et froissé d'un coup de pilon: depuis en la journée du Granique j'eus la teste fen« due d'un coup de cimeterre barbaresque, en celle «< d'Issus j'eus la cuisse percée d'un coup de traict, << devant la ville de Gaza j'eus une fleschade de« dans la cheville du pied, et un autre dedans l'espaule, dont je tombay par terre tout pasmé, une << autrefois contre les Gandrides j'eus l'os de la jambe fendu en deux d'un autre coup de traict, << et contre les Malliens j'en receu un autre dedans « l'estomac, qui entra si avant que le fer y de« moura, et d'un coup de pilon j'eus aussi le chi« gnon du col tout brisé, quand les eschelles ap

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posées contre les murailles y rompirent, et la for<< tune m'enferma tout seul au combat, non contre «<< nobles et illustres adversaires, mais contre simples soudards barbares, ausquels elle gratifioit « d'un si grand effect, que peu s'en fallut qu'ils ne << me feissent mourir car si Ptolomeus n'eust mis «< au devant sa targue pour me couvrir, et Lim« neus se jettant au devant de moy n'eust receu en « son corps infinis coups de traict, dont il mourut « sur la place, et que les Macedoniens de cour<< roux et de furie n'eussent rompu la muraille,

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