LES CARACTÈRES OU LES MOEURS DE CE SIÈCLE SUIVIS DES CARACTÈRES DE THÉOPHRASTE Nouvelle édition collationnée sur les meilleurs textes PRÉCÉDÉE D'UNE NOTICE SUR LA BRUYÈRE PAR SUARD BT AUGMENTÉE D'UN COMMENTAIRE LITTÉRAIRE ET HISTORIQUE PAR M. HÉMARDINQUER LIBRAIRIE CH. DELAGRAVE 15, RUE SOUFFLOT, 15 AVERTISSEMENT SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION. Le livre de La Bruyère est un des plus ingénieux et des plus originaux de notre langue. Rien n'est plus instructif que cette peinture vive et fidèle des mecurs d'un grand siècle faite par un esprit élevé, indépendant et satirique. Mais la lecture des Caractères présente bien des difficultés, surtout pour les jeunes gens à qui nous avons spécialement destiné notre travail. Quoique La Bruyère ait cru devoir s'élever avec force contre les commentateurs, et l'abus qu'ils font quelquefois d'une érudition facile, il ne peut guère se passer d'annotations. Les mœurs, les institutions, changent; les usages se perdent; les allusions, transparentes pour les contemporains, deviennent obscures; la langue elle-même subit des variations qu'il faut bien expliquer. Enfin, la finesse et la concision quelquefois trop grandes du style, arrêtent et embarrassent les intelligences qui ne sont pas encore exercées. Nous espérons que le commentaire perpétuel qui, pour la première fois, accompagnera le texte des Caractères, rendra plus facile à nos élèves l'étude de ce chef-d'œuvre de bon sens et d'éloquence. Nous avons expliqué et paraphrasé la pensée de l'auteur, toutes les fois qu'elle nous a paru offrir quelque difficulté. Nous avons donné sur les lois, les institutions, les mœurs dont il est question dans ce livre, les mêmes détails que s'il se fût agi d'un classique ancien. Il est nécessaire, pour l'intelligence de La Bruyère, d'avoir quelques notions sur la société au milieu de laquelle il a vécu et qu'il décrit. En connaissant mieux le xvIIe siècle, on apprendra à l'admirer davantage, et peut-être aussi à être plus juste pour notre temps actuel. On trouve dans presque toutes les éditions de La Bruyère une clef indiquant les noms des personnages qui servirent, dit-on, de modèles à ses portraits. Nous avons recueilli ces traditions chaque fois qu'elles nous ont paru vraisemblables, et nous y avons ajouté quelques détails extraits des mémoires du temps. La Bruyère prenait ses originaux autour de lui. Sans doute il a eu dessein de représenter l'homme en général; il n'a point voulu faire de satire directe et personnelle : mais il a été vivement frappé des travers, des vices et des vertus dont il avait le spectacle sous les yeux; il les a plus volontiers reproduits, et |