asile, est forcé d'aller errant en chercher un autre sans savoir plus où le trouver?... temps plus que je n'y en peux donner. Mon esprit usé n'est plus capable d'aucune autre applica Si fait pourtant, monsieur, j'en sais un digne ❘tion. Que si peut-être la douceur d'une vie calme prolonge mes jours assez pour me ménager des loisirs, et que vous me jugiez capable d'écrire votre histoire, j'entreprendrai volontiers travail honorable, qui satisfera mon cœur sans trop fatiguer ma tête; et je serois fort flatté de laisser à la postérité ce monument de mon séjour parmi vous. Mais ne me demandez rien de plus: comme je ne veux pas vous tromper, je mer procherois d'acheter votre protection au prix d'une vaine attente. de moi et dont je ne me crois pas indigne; c'est parmi vous, braves Corses, qui savez être libres, qui savez être justes, et qui fûtes trop malheureux pour n'être pas compatissans. Voyez, monsieur, ce qui se peut faire: parlezen à M. Paoli. Je demande à pouvoir louer dans quelque canton solitaire une petite maison pour y finir mes jours en paix. J'ai ma gouvernante qui depuis vingt ans me soigne dans mes infirmités continuelles : c'est une fille de quarantecinq ans, Françoise, catholique, honnête et sage, et qui se résout de venir, s'il le faut, au bout de l'univers partager mes misères et me fermer les yeux. Je tiendrai mon petit ménage avec elle, et je tâcherai de ne point rendre les soins de l'hospitalité incommodes à mes voisins. Mais, monsieur, je dois vous tout dire; il faut que cette hospitalité soit gratuite, non quant à la subsistance, je ne serai là-dessus à charge à personne, mais quant au droit d'asile qu'il faut qu'on m'accorde sans intérêt : car, sitôt que je serai parmi vous, n'attendez rien de moi sur le projet qui vous occupe. Je le répète, je suis désormais hors d'état d'y songer; et quand je ne le serois pas, je m'en abstiendrois par cela même que je vivrois au milicu de vous; car j'eus et j'aurai toujours pour maxime invio- et vous salue, monsieur, de tout mon cœur. lable de porter le plus profond respect au gouvernement sous lequel je vis, sans me mêler de vouloir jamais le censurer et critiquer, ou ré former en aucune manière. J'ai même ici une raison de plus, et pour moi d'une très-grande force. Sur le peu que j'ai parcouru de vos mémoires, je vois que mes idées diffèrent prodigieusement de celles de votre nation. Il ne seroit pas possible que le plan que je proposerois ne fit beaucoup de mécontens, et peut-être vousmême tout le premier. Or, monsieur, je suis rassasié de disputes et de querelles. Je ne veux plus voir ni faire de mécontens autour de moi, à quelque prix que ce puisse être. Je soupire après la tranquillité la plus profonde, et mes derniers vœux sont d'être aimé de tout ce qui m'entoure, et de mourir en paix. Ma résolution là-dessus est inébranlable. D'ailleurs mes maux continuels m'absorbent, et augmentent mon indolence. Mes propres affaires exigent de mon COD Dans cette idée qui m'est venue j'ai plus consulté mon cœur que mes forces; car, dans l'état où je suis, il est peu apparent que je soutienne un si long voyage, d'ailleurs très-embarrassant, surtout avec ma gouvernante et mon petit bagage. Cependant, pour peu que vous m'encouragiez, je le tenterai, cela est certain, dussé-je rester et périr en route: mais il me faut au moins une assurance morale d'être en repun pour le reste de ma vie, car c'en est fait, monsieur, je ne veux plus courir. Malgré mon état critique et précaire, j'attendrai dans ce pays votre réponse avant de prendre aucun parti mais je vous prie de différer le moins possible. car, malgré toute ma patience, je puis n'être pas le maître des événemens. Je vous embrasse P. S. J'oubliois de vous dire, quant à vos prêtres, qu'ils seront bien difficiles s'ils ne sont contens de moi. Je ne dispute jamais sur rien. je ne parle jamais de religion, j'aime naturelle ment même autant votre clergé que je hais nôtre. J'ai beaucoup d'amis parmi le clergé de France, et j'ai toujours très-bien vécu avec eux. Mais, quoi qu'il arrive, je ne veux point char ger de religion, et je souhaite qu'on ne m'en parle jamais, d'autant plus que cela seroin inutile. Pour ne pas perdre de temps, en cas d'affic mation, il faudroit m'indiquer quelqu'un à Li vourne à qui je pusse demander des instructions pour le passage. LETTRE IV. AU MÉME. Motiers, le 26 mai 1765. La crise orageuse que je viens d'essuyer, monsieur, et l'incertitude du parti qu'elle me feroit prendre, m'ont fait différer de vous répondre et de vous remercier jusqu'à ce que je fusse déterminé. Je le suis maintenant par une suite d'événemens qui, m'offrant en ce pays sinon la tranquillité du moins la sûreté, me font prendre le parti d'y rester sous la protection | déclarée et confirmée du roi et du gouvernement. Ce n'est pas que j'aie perdu le plus vrai désir de vivre dans le vôtre; mais l'épuisement total de mes forces, les soins qu'il faudroit prendre, les fatigues qu'il faudroit essuyer, d'autres obstacles encore qui naissent de ma situation, me font du moins pour le moment abandonner mon entreprise, à laquelle, malgré ces difficultés, mon cœur ne peut se résoudre à renoncer tout-à-fait encore. Mais, mon cher monsieur, je vieillis, je dépéris, les forces me quittent, le désir s'irrite et l'espoir s'éteint. Quoi qu'il en soit, recevez et faites agréer à M. Paoli mes plus vifs, mes plus tendres remercîmens de l'asile qu'il a bien voulu m'accorder. Peuple brave et hospitalier.... non, je n'oublierai jamais un moment de ma vie que vos cœurs, vos bras, vos foyers m'ont été ouverts à l'instant qu'il ne merestoit presque aucun autre asile en Europe. Si je n'ai point le bonheur de laisser mes cendres dans votre île, je tâcherai d'y laisser du moins quelque monument de ma reconnoissance, et je m'honorerai aux yeux de toute la terre de vous appeler mes hôtes et mes pro tecteurs. Je reçus bien par M. le chevalier R.... la lettre de M. Paoli: mais, pour vous faire entendre pourquoi j'y répondis en si peu de mots et d'un ton si vague, il faut vous dire, monsieur, que le bruit de la proposition que vous m'aviez faite s'étant répandu sans que je sache comment, M. de Voltaire fit entendre à tout le monde que cette proposition étoit une invention de sa façon: il prétendoit m'avoir écrit au nom des Corses une lettre contrefaite dont j'avois été la dupe. Comme j'étois très-sûr de vous, je le laissai dire, j'allai mon train, et je ne vous en parlai pas même. Mais il fit plus, il se vanta l'hiver dernier que, malgré mylord maréchal et le roi même, il me feroit chasser du pays. Il avoit des émissaires, les uns connus, les autres secrets. Dans le fort de la fermentation à laquelle mon dernier écrit servit de prétexte, arrive ici M. de R....: il vient me voir de la part de M. Paoli sans m'apporter aucune lettre ni de la sienne, ni de la vôtre, ni de personne: il refuse de se nommer; il venoit de Genève, il avoit vu mes plus ardens ennemis, on me l'écrivoit. Son long séjour en ce pays sans y avoir aucune affaire avoit l'air du monde le plus mystérieux. Ce séjour fut précisément le temps où l'orage fut excité contre moi. Ajoutez qu'il avoit fait tous ses efforts pour savoir quelles relations je pouvois avoir en Corse. Comme il ne vous avoit point nommé, je ne voulus point vous nommer non plus. Enfin il m'apporte la lettre de M. Paoli dont je ne connoissois point l'écriture. Jugez si tout cela devoit m'être suspect. Qu'avois-je à faire en pareil cas? lui remettre une réponse dont à tout événement on ne pût tirer d'éclaircissement; c'est ce que je fis. Je voudrois à présent vous parler de nos affaires et de nos projets; mais ce n'en est guère le moment. Accablé de soins, d'embarras, forcé d'aller me chercher une autre habitation à cinq ou six lieues d'ici, les seuls soucis d'un déménagement très-incommode m'absorberoient quand je n'en aurois point d'autres; et ce sont les moindres des miens. A vue de pays, quand ma tête se remettroit, ce que je regarde comme impossible de plus d'un an d'ici, il ne seroit pas en moi de m'occuper d'autre chose que de moi-même. Ce que je vous promets, et sur quoi vous pouvez compter dès à présent, est que, pour le reste de ma vie, je ne serai plus occupé que de moi ou de la Corse; toute autre affaire est entièrement bannie de mon esprit. En attendant, ne négligez pas de rassembler des matériaux, soit pour l'histoire, soit pour l'institution; ils sont les mêmes. Votre gouvernement me paroît être sur un pied à pouvoir attendre. J'ai parmi vos papiers un mémoire daté de Vescovado, 1764, que je présume être de votre façon, et que je trouve excellent. L'âme et la tête du vertueux Paoli feront plus que tout le reste. Avec tout cela pou vez-vous manquer d'un bon gouvernement pro- | passage par ce pays? J'ai dans la tête que nous visionnel? aussi bien, tant que des puissances étrangères se mêleront de vous, ne pourrez vous guère établir autre chose. Je voudrois bien, monsieur, que nous pussions nous voir: deux ou trois jours de conférence éclairciroient bien des choses. Je ne puis guère étre assez tranquille cette année, pour vous rien proposer; mais vous seroit-il possible, l'année prochaine, de vous ménager un nous verrions avec plaisir, et que nous nous quitterions contens l'un de l'autre. Voyez, puisque voilà l'hospitalité établie entre nous, venez user de votre droit. Je vous embrasse ('). (*) Le mémoire daté de Vescovado étoit réellement de M. Buttafuoco, comme il le déclare dans sa lettre en réponse à celle-ci. - Dans une lettre précédente, traçant à Rousseau un itinéraire pour son voyage projeté en Corse, il l'avoit engagé à aborder dans un port voisin du lieu qu'il habitoit. et lui avoit offert un logement dans sa maison. G. P. FIN DU PREMIER VOLUME. IV. Fragment trouvé dans les papiers de J. J. DISCOURS. DISCOURS SUR CETTE QUESTION : Si le rétablis- CHAP. IV. Partage et département des conseils. CHAP. VII. Autres avantages de cette circulation. CHAP. IX. Et la plus utile.. 463 Jugement sur la Polysynodie. ibid. 457 ibid. 458 CHAP. VI. Circulation des départemens. 628 629 630 ibid. 631 632 633 |