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sition de Mlle. Neissel, si sa voix voilée suffisait au lieu où elle chante: elle a des grâces, du naturel, du goût, du sentiment; mais ses sons, trop affaiblis quand ils parviennent à l'oreille, ne produisent plus qu'une demi

sensation.

Tous ces talens, dont aucun n'est parfait, se rapprochent beaucoup plus du médiocre, et la fureur avec laquelle on court à ce spectacle, ne pourra jamais faire honneur au siècle. Les partisans du bon goût espèrent tout du tems et de l'inconstance des parisiens.

(2 Avril.) On parle beaucoup d'une chanson faite sur l'abbé de Voisenon et madame Favart, à l'occasion de la pièce d'Annette et Lubin, qui est mise sous le nom de cette dernière. Voici cette plaisanterie ;

Chanson nouvelle à l'endroit d'une femme auteur, dont la pièce est celle d'un abbé (1).

Il était une femme

Qui,

, pour se faire honneur,
Se joignit à son confesseur.
Faisons, dit-elle, ensemble
Quelqu'ouvrage d'esprit,
Et l'abbé le lui fit.

Il cherche en son génie
De quoi la contenter :
Il l'avait court pour inventer.
Prenant un joli conte

Que Marmontel ourdit,
Dessus il s'étendit.

(1) Cette chanson est de Marmontel.

On prétend qu'un troisième
Au travail concourut :
C'est Favart qui les secourut.
En chose de sa femme,
C'est bien le droit du jeu
Que l'époux entre un peu.

Fraîcheur, naturel, gràce,
Tendre simplicité,

Tout cela fut au conte ôté :
On mit des gaudrioles,
De l'esprit à foison,
Tant qu'il fut assez long.

A juger dans les règles,
La pièce ne vaut rien;
Et cependant elle prend bien,
Lubin est sûr de plaire;
On dit qu'Annette aussi
En tire un bon parti.

Mais si la vaine gloire
Des auteurs s'emparait,
Le public sot les nommerait,

Monsieur Favart, sa femme,

Et brochant sur le tout,
Avec eux l'abbé Fou....

(16 Avril.) Le Colporteur de M. Chevrier, qu'il appelle Histoire morale et critique, est de la plus grande rareté. Le gouvernement n'a point voulu en permettre ni en tolérer l'introduction en France, ce qui désole les libraires, l'ouvrage étant assuré du plus grand débit, par les atroces médisances ou calomnies dont il est farci. L'impudent écrivain y nomme, sans égard, les gens par

leurs noms. A travers toutes les infamies dont sa satire est pleine, il se trouve quelques anecdotes assez amusantes on en lit une sur un vers de la Mariamne de M. de Voltaire, qui fait rire. Madame la maréchale de *** ayant ouï-dire que cette tragédie était meilleure sous sa première forme, en demanda une lecture à son auteur, qui était de cet avis. Quand il en fut aux fureurs d'Hérode, après avoir empoisonné Mariamne, il appuya beaucoup sur ce vers que dit le prince, en l'ex

hortant à vivre :

« Vis pour toi! vis pour moi! vis pour nos chers enfans!.... »

Le poëte exhala si pathétiquement cette exclamation, que la maréchale attendrie se mit à pleurer. Ne vous affligez pas, madame, lui dit le prêtre Macarty, il y en aura pour tout le monde.

(29 Avril.) Aux Jésuites, sur la clôture du collège de Louis-le-Grand.

Vous ne savez pas le latin :
Ne criez pas au sacrilège,
Si l'on ferme votre collège;
Car vous mettez au masculin

Ce qu'on ne met qu'au féminin.

(4 Mai 1762.) On a très - applaudi aujourd'hui un nouvel acteur (Du Fresnoy) dans Gustave: on a surtout été fort content du costume qu'il a introduit. Jusqu'ici ce héros avait paru sur la scène en habit galonné, etc.; il s'est montré aujourd'hui, en Charles XII, dans le vétement simple et grossier d'un héros belliqueux, et

qui a intérêt à ne point se faire remarquer. On doit se rappeler sans cesse que c'est à Mlle. Clairon qu'on doit ces heureuses innovations sur notre scène.

(5 Mai.) M. de Marmontel qui chansonna les autres, est chansonné à son tour: sans doute qu'il s'y attendait. C'est une parodie de ses paroles: Non, non, l'amour n'est point indomptable; c'est sur le même air :

Non, non, l'ennui n'est point indomptable:
Tout fier qu'il est, Voltaire l'a surmonté.

J'ai vu mourir ce dieu redoutable :
C'est Marmontel qui l'a ressuscité;

Et c'est la veine

Du plat Chimène

Qui lui rendra son immortalité.

Le pauvre diable de Chimène ne s'attendait

clore cette méchanceté.

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(10 Mai.) Le succès de Zelmire se confirme; mais il se répand une anecdote qui ferait douter que M. Dubelloy en fût le véritable auteur. .

Ce M. Dubelloy a long-tems été élevé par un oncle avocat, nommé Buirette. Sans détailler ici toute l'histoire romanesque de la naissance et de la vie de ce poëte,. il est très-certain que son oncle le disgrâcia pour n'avoir pas voulu suivre le barreau, auquel il le destinait. Ce jeune homme passa en Russie. Il y a joué la comédie, et en est revenu depuis quelques années. Il avait une tragédie dans son porte-feuille,, intitulée Titus. Ayant eu accès auprès de madame la marquise de Villeroy, cette protectrice s'intéressa vivement à lui, et sa pièce fut reçue.des comédiens. Avant d'être jouée, M. Du

belloy fut trouver l'abbé de Voisenon pour le consulter, et lui laissa son manuscrit. Quelques jours après, l'abbé de la Coste, alors l'homme à la mode, arrive chez l'abbé de Voisenon; il le trouve lisant ce manuscrit. Il demande ce que c'est. L'autre lui dit que c'était une tragédie sur laquelle on demandait son avis. Je pense que c'est Titus, repart le brusque abbé; c'est ce coquin de Dubelloy qui vous l'aura apporté : c'est un misérable, un drôle, etc. Sans vous en dire davantage, je vais chez moi, je vous en présente un semblable: confrontez - les; vous verrez si ce n'est pas la même chose mot à mot. Ce qui fut fait. L'abbé de Voisenon reconnut l'identité, et attendait avec impatience le moment d'éclaircir cette anecdote littéraire avec l'abbé de la Coste, lorsque ce scélérat a été arrêté et a subi le sort ignominieux que tout le monde sait. Le manuscrit est resté entre les mains de l'abbé de Voisenon: Dubelloy étant revenu, il voulut le tåter. Ce poëte éluda de répondre, et n'a point revu depuis l'abbé de Voisenon. La pièce a été jouée en 1759, et a été jugée beaucoup plus sévèrement qu'elle ne le méritait. Celle-ci réunit sur elle toute l'indulgence du public.

(16 Mai.) Portrait de M. le duc de Choiseul, sur l'air du menuet d'Exaudet.

Quand Choiseul
D'un coup-d'œil

Considère

Le plan entier de l'état,

Et seul, comme un sénat,

Agit et délibère ;

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