M. l'abbé de Lattaignant se déclare par-tout auteur de la chanson ci-dessus, et l'on infère de là, avec raison, que son dessein a été de louer de bonne foi. (21 Mai.) On reproche à M. Dubelloy d'avoir pillé sa tragédie dans Métastase, et de devoir à cet auteur italien tout ce qu'il y a de beau dans sa pièce en situation et en coups de théâtre. (26 Mat.) On assure que Rousseau a fait un roman nouveau, intitulé Edouard. Ce sont les aventures d'un anglais qui joue un rôle dans le roman de Julie. On prétend qu'il en a déposé le manuscrit entre les mains. d'un homme de la cour. (1er. Juin 1762.) M. Rochon, jeune auteur, qui avait une tragédie reçue aux Français, vient d'essuyer une disgrâce qui indique combien il est désagréable d'avoir affaire à ce tripot de comédiens. Comme aucune pièce de ces devanciers, n'était en état d'être jouée, on a fait avertir M. Rochon, qui s'est présenté avec empressement. Mlle. Clairon, qui n'était pas contente de cet auteur, peu galant et peu complimenteur, d'ailleurs jalouse de voir occuper par mademoiselle Dumesnil le premier rôle dans la pièce, a paru desirer, sans affectation, qu'on fit une seconde lecture de cette tragédie qu'elle ne connaissait point. L'auteur ingénu s'est prêté à son invitation, quoiqu'il pût s'en dispenser. Dès le commencement de la lecture, il s'est aperçu, mais trop tard, que M.le. Clairon n'était pas favorablement disposée; elle y a prêté très-peu d'attention, et s'est efforcée de détourner celle des autres; de sorte que le pauvre auteur décontenancé n'a pu soutenir sa tragédie de toute la force d'une déclamation tonnante; il a eu peine à finir; et lorsqu'on est allé au scrutin, il s'est trouvé dix voix contre neuf qui le favorisaient. Le voilà dans le cas des courbettes, des révérences, des génuflexions, devant l'héroïne de la scène française. (9 Juin.) Aujourd'hui, suivant le réquisitoire de M. le procureur-général, Emile, ou le Traité de l'édu ་ cation, a été brûlé avec les cérémonies accoutumées. L'auteur est décrété de prise de corps. Heureusement, qu'il est en fuite. (11 Juin.) Chanson, sur l'air: Tôt, tôt, tôt, battez chaud. Cupidon s'est fait maréchal, Le trait s'enflamme, brille et part: L'Amour sait trop bien son métier, (14 Juin.) On ne cesse de parler de Rousseau, et de raconter les circonstances de son évasion. On prétend qu'il ne voulait point absolument partir, qu'il s'obstinait à comparoir; que M. le prince de Conti lui ayant fait là-dessus des instances les plus pressantes et les plus tendres, cet auteur avait demandé à S. A. ce qu'il lui en pouvait arriver, en ajoutant qu'il aimait autant vivre à la Bastille ou à Vincennes, que par-tout ailleurs ; qu'il voulait soutenir la vérité, etc. Que le prince lui ayant fait entendre qu'il y allait non-seulement de la prison, mais encore du bûcher, la stoïcité de Rousseau s'était émue; sur quoi, le prince avait repris : « Vous » n'êtes point encore assez philosophe, mon ami, pour » soutenir une pareille épreuve : » que là-dessus on l'avait emballé et fait partir. (18 Juin.) M. de Crébillon, l'un des quarante de l'académie française, dont on avait prématuré la inort depuis long-tems, est enfin décédé aujourd'hui, dans un âge fort avancé. Sa place de censeur de la police était donnée depuis quelque tems à M. Marin, comme adjoint. ' (28 Juin.) On a donné aujourd'hui la première représentation du Caprice. Cette pièce est d'un mérite fort mince. (2 Juillet 1762.) M. de Crébillon le fils a obtenu les deux mille livres de pension qu'avait son père. (5 Juillet.) On répand dans le public un prospectus de la nouvelle édition de Corneille, entreprise par M. de Voltaire. Cet ouvrage sera de 10 à 12 volumes. Il sera orné de 33 estampes, dessinées par M. Gravelot : mais le plus précieux consiste en remarques historiques et critiques sur la langue et sur le goût. L'exemplaire ne coûtera que deux louis: on n'en tirera que 2500. Tout le monde doit savoir que le profit qui en résultera doit être mis en masse pour doter mademoiselle Corneille. Quelle plus noble dot que celle-là ! (6 Juillet.) Les comédiens français font célébrer aujourd'hui avec beaucoup de pompe un service solennel à St. Jean-de-Latran, pour le repos de l'âme de M. de Crébillon. On dira des messes dans la même vue, depuis huit heures du matin jusqu'à midi. Ils ont envoyé par tout Paris des billets d'invitation pour y assister. Tout cela se fait en dépit de M. l'archevêque, dont la juridiction ne s'étend point sur le curé de St. Jean-deLatran. (6 Juillet.) L'opéra a donné aujourd'hui la première représentation des Caractères de la folie. Jamais spectacle n'a été plus triste et plus ennuyeux. On a supprimé le prologue, qui aurait pu être agréable. Les deux actes sont l'Astrologie et les Caprices de l'amour, qui ne reviennent en rien au titre. On a substitué à celui |