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enterré à sa terre de la Motte, suivant ses dernières

volontés :

Le grand abbé Terray, le dieu de la finance,
Létalon des putains, le bourreau de la Francę,
Est donc enfin trépassé !

Ce prêtre a tellement toujours aimé la cotte,
Que, pour dernier asile, il a choisi la Motte.

Requiescat in pace.

(11 Mars.) Les partisans de monsieur de Voltaire ne pouvant nier sa confession; trop répandue dans le public, cherchent aujourd'hui à effacer les impressions fàcheuses qui en pourraient résulter, en la faisant envisager comme un acte dérisoire pour preuve, ils en rapportent cette phrase, remarquable, au curé l'exhortant à rentrer au giron de l'église : Vous avez raison monsieur le curé; il faut mourir dans la religion de ses pères. Si j'étais aux bords du Gange, je voudrais expirer

une queue

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de vache à la main.

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Voici sa déclaration de foi. « Je soussigné, déclare qu'étant attaqué depuis quatre jours d'un vomissement » de sang à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, et n'ayant pu me trainer à l'église, M. le curé de Saint-Sulpice » ayant bien voulu ajouter à ses bonnes œuvrés celle de » m'envoyer M. l'abbé Gauthier, prêtre, je me suis » confessé à lui; et que si Dieu dispose de moi, je » meurs dans la sainte religion catholique où je suis né, » espérant de la miséricorde divine qu'elle daignera pardonner toutes mes fautes; et que si j'ai scan» dalisé l'église, j'en demande pardon à Dieu et à elle, (Signė) Voltaire. Le 2 mars 1778, dans la maison de

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» M. le marquis de Villette, en présence de M. l'abbé

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Mignot, mon neveu, et de M. le marquis de Ville» vieille, mon ami. ».

(19 Mars.) On a fait sur la confession de monsieur de Voltaire, une épigramme gaie, attribuée à monsieur de la Louptière.

Épigramme sur la confession de M. de Voltaire.

Voltaire et Lattaignant, d'humeur encor gentille,
Au même confesseur ont fait le même aveu ;

En tel cas il importe peu

Que ce soit à Gauthier (1), que ce soit à Garguille :
Mons Gauthier cependant nous semble bien trouvé;
L'honneur de deux cures semblables

A bon droit était réservé

Au chapelain des incurables.

(28 Mars.) M. de Voltaire s'est habillé jeudi pour la première fois depuis son séjour ici, et a fait toilette entière. Il avait un habit rouge doublé d'hermine, une grande perruque à la Louis XIV, noire, sans poudre, et dans laquelle sa figure amaigrie était tellement enterrée, qu'on ne découvrait que ses deux yeux, brillans comme

des escarboucles. Sa tête était surmontée d'un bonnet. carré rouge, en forme de couronne, qui ne semblait que posé. Il avait à la main une petite canne à bec de corbin ; et le public de Paris, qui n'est point accoutumé

(1) L'abbé Gauthier, le confesseur de monsieur de Voltaire, a converti l'abbé de Lattaignant, et est chapelain des incurables.

à le voir dans cet accoutrement

a beaucoup ri. Ce personnage, singulier en tout, ne veut sans doute avoir rien de commun avec la société ordinaire.

La gaîté de ce vieillard, intarissable, est revenue, et les bons mots recommencent à couler.

L'autre jour, madame de la Villemenue, vieille coquette, qui desire encore plaire, a voulu essayer ses charmes surannés sur le philosophe; elle s'est présentée à lui dans tout son étalage, et prenant occasion de quelques phrases galantes qu'il lui disait, et de quelques regards qu'il jetait en même tems sur sa gorge fort découverte : «< Comment, s'écria-t-elle, M. de Voltaire, » est-ce que vous songeriez encore à ces petits coquins» là?- Petits coquins, reprend avec vivacité le malin » vieillard, petits coquins, madame; ce sont bien de grands pendars.

>>

(31 Mars.) Une scène assez plaisante s'est passée avant-hier aux Champs-Elysées, ou plutôt à la place de Louis XV, au sujet de M. de Voltaire. Un charlatan y était, cherchant à vendre de petits livres, où il enseignait des secrets de tours de cartes : « En voici un, disait-il, messieurs, que j'ai appris à Ferney, de ce grand homme qui fait tant de bruit ici, de ce fameux Voltaire, notre maître à tous! »

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(2 Mai 1778.) Lundi dernier, 17 avril, M. de Voltaire est allé à une séance particulière de l'académie française. L'abbé de Lille y lut quelques morceaux détachés de son poëme sur l'art d'orner, de peindre la nature et d'en jouir, et la traduction de la célèbre épître de Pope au docteur Arbuthnot. Pendant cette lecture,

le vieux malade se rappelait les vers anglais de Pope, les comparait à la traduction, et préférait celle-ci.

M. de Voltaire, à cette occasion, se plaignait de la pauvreté de la langue française; il parla de quelques mots peu usités, et qu'il serait à desirer qu'on adoptât, celui de tragédien, par exemple, pour exprimer un acteur jouant dans la tragédie. « Notre langue est une » gueuse fière, disait - il,' en parlant de la difficulté » d'introduire des mots nouveaux ; il faut lui faire » l'aumône malgré elle. »

.

(16 Mai.) On raconte que ces jours derniers, M. de Voltaire se trouvant chez madame la maréchale de Luxembourg, il fut question de la guerre. Cette dame en déplora les calamités, et souhaitait que les Anglais et nous, entendissions assez bien nos intérêts et ceux de l'humanité, pour la terminer sans effusion de sang et par un bon traité de paix. Madame, dit le philosophe bouillant, en montrant l'épée du maréchal de Broglio, qui était présent, voilà la plume avec laquelle il faut signer ce traité.

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(8 Juin 1778.) On cite un très - beau vers bien, propre à caractériser M. Franklin, et à servir d'inscription à son portrait

Eripuit cælo fulmen, sceptrumque tyrannis.

(12 Juin.) Le testament de M. de Voltaire, à son ouverture, a étonné tout le monde. On comptait y trouver des dispositions qui feraient honneur à son esprit et à son cœur. Rien de tout cela; il est très-plat, et sent l'homme dur, qui ne songe à personne et n'est

capable d'aucune reconnaissance. Ce qui augmente l'indignation, c'est qu'il a deux ans de date et à été fait conséquemment avec toute la maturité de jugement possible. Voici les principaux articles :

A monsieur Vagnières, son secrétaire, son bras droit, dont il ne pouvait se passer, qu'il appelait son ami, son fidus Achates, 8,000 livres une fois payées: rien à șă femme et à ses enfans.

A son domestique, nommé la Vigne, qui le servait depuis trentre-trois ans, une année de gages seulement. A la Barbaras, sa gouvernante de confiance, Soo liv. payées une fois seulement.

Aux pauvres de Ferney, 300 liv. une fois payées, Six livres anglais à un M. Durieu; du reste rien à qui que ce soit.

A madame Denis, sa ničce, 80,000 liv. de rentes, et 400,000 livres d'argent comptant, en ce qu'il la fait sa légátaire universelle; 100,000 livres seulement à l'abbé Mignot, son neveu, et autant à M. d'Ornoy.

(23 Juin.) Entre les différentes épitaphes faites pour M. de Voltaire, il faut distinguer celle-ci, soit à cause de sa concision, de sa justesse et de son impartialité, soit à cause de l'illustre auteur auquel on l'attribue, M. Rousseau de Genève :

Plus bel esprit que grand génie,
Sans lois, sans mœurs et sans vertu,
Il est mort comme il a vécu,
Couvert de gloire et d'infamie.

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