LE PROBLÈME DU MAL ÉTUDE PHILOSOPHIQUE RÉSUMÉ DU COURS FAIT A GENÈVE ET A LAUSANNE EN 1867 ET 1868 PAR ERNEST NAVILLE (Extrait du Chrétien évangélique.) Ne se vend pas. LAUSANNE IMPRIMERIE GEORGES BRIDEL 1868 Messieurs, Il n'est besoin ni de beaucoup d'art ni de beaucoup de paroles pour vous faire sentir l'importance du sujet dont l'étude nous rassemble en ce moment. Le problème du mal! Qui ne se l'est pas souvent posé ? Les uns regardent au dehors, et, considérant la société humaine, ils se plaignent, au point de vue politique, de tant de tyrannies et de révolutions; au point de vue économique, de tant de luxe d'un côté, et de tant de misère de l'autre. L'histoire des peuples n'est trop souvent qu'une trame de crimes et un tissu de malheurs. Aux bouleversements de la société s'ajoutent les troubles de la nature: l'ouragan qui engloutit les navires, le tremblement de terre qui détruit les villes, la disette qui affame les populations. Ainsi lorsque nous jetons les yeux hors de nous, le problème du mal se pose dans l'histoire et dans la nature. Si nous regardons en nous-mêmes, nous rencon trons la douleur. Souffrir et (ce qui est voir souffrir, n'est-ce pas notre destinée? Enfin, à qui descendra dans sa conscience et se placera en face du devoir, Une voix sera là pour crier à toute heure: et le problème du mal se posera dans les douleurs du repentir et dans les amertumes de l'impuissance. Et ce n'est pas là seulement un problème pour l'intelligence. En présence du mal, et des proportions du mal en nous et hors de nous, il arrive que la conscience hésite à croire au bien, que le cœur se décourage parce qu'il n'ose plus croire au bonheur, et que la pensée doute de Dieu. Aussi quel puissant écho a éveillé le poëte qui s'est écrié : Pourquoi donc, ô Maître suprême ! Est-il nécessaire de vous dire, - j'es plus dur encore pour bien des âmes), } père, messieurs, que personne ici ne m'accuse d'assez de présomption pour qu'il soit nécessaire de le dire, est-il nécessaire de vous dire qu'en abordant le problème qui va nous occuper, je n'ai • Alfred de Musset, La nuit d'août. * Alfred de Musset, L'espoir en Dieu. |