>> de nos pères, touchant les dieux immortels et >> le culte qui leur est dû; et les discours d'au» cun homme, savant ou ignorant, n'ébranle>> ront jamais en moi ces croyances: voilà, Bal>> bus, les sentiments de Cotta. -- Expliquez-moi >> maintenant les vôtres, continue Cicéron sous >> le nom de Cotta, car je dois apprendre de vous, » qui êtes philosophe, la raison de la religion;... >> mais je dois croire mes ancêtres, lors même » qu'ils n'apportent aucune raison de ce qu'ils >> nous enseignent. » - Balbus se met alors à faire un long discours sur la nature de Dieu, après quoi Cotta lui dit : - « Ne trouvant pas >> ce dogme aussi évident que vous désireriez » qu'il fût, vous avez voulu prouver par des ar>> guments l'existence de Dieu. Pour moi, il me >> suffisait que ce fût la tradition de nos ancê>> tres; mais vous, méprisant l'autorité, vous >> cherchez l'appui de la raison, souffrez donc >> que ma raison combatte la vôtre. Vous em>> ployez toutes sortes d'arguments pour démon>> trer qu'il existe des Dieux, et, en argumentant, >> vous rendez douteuse une vérité qui, à mon >> avis, est au-dessus du plus léger doute1. >>> On voit que la vérité a précédé le mensonge De nat. Deorum, lib. III, passim. - Citations empruntées au remarquable ouvrage de M. Nicolas, Études philosophiques sur le Christianisme, t. I, c. v. sur la terre, parce que l'une vient de Dieu et que c'est l'homme qui a fait l'autre. La vraie notion de la divinité régnait partout avant l'idolatrie, jusqu'à ce que la lumière primitive s'éteignit dans les ténèbres de l'erreur et des passions. On ne la retrouve ensuite qu'en remontant les âges et chez les philosophes qui s'attachèrent à la tradition et se développèrent dans ses limites. Toujours la vérité a été traditionnelle, et comme dans le monde ancien les traditions étaient obscures, surchargées de fables mensongères, elle ne progresse pas mais s'égare, et ne retrouve quelquefois son chemin qu'en revenant sur ses pas. La philosophie se lassa bientôt du rôle de dépositaire d'une vérité transmise, rôle trop humble pour son orgueil. Elle sortit alors des routes traditionnelles pour entrer dans la voie de l'indépendance et de la spéculation. Mais le doute et l'erreur, le scepticisme et la superstition marchèrent à ses côtés. Car c'est une chose vraiment remarquable que chaque période de la philosohie ancienne se termine par une école sceptique, et que sa dernière évolution, avant l'ère chrétienne, aboutisse à un désespérant probabilisme. Il devait en être ainsi. Ces traditions révérées par les plus célèbres philosophes n'avaient pas été mises sous la garde d'une infaillible autorité. L'interprétation en avait été abandonnée aux efforts de la raison humaine, et comme d'ailleurs elles n'étaient pas spéculatives, mais imposaient des devoirs à une volonté mauvaise, les passions en étouffèrent la voix et en dégradèrent la na ture. Il était temps que le christianisme parût pour refaire et compléter la religion primitive. Le rationalisme et le doute disparurent d'abord devant le Verbe, la vérité, le Dieu fait homme, grand médiateur entre la raison divine et la raison humaine depuis si longtemps aux prises. Les écrivains chrétiens des premiers siècles cherchèrent à rendre durable cette heureuse alliance. Leurs travaux peuvent se diviser, en effet, en deux grandes classes: exposition simple de la religion; conciliation entre la raison et la foi, non pas seulement par les preuves historiques, mais par des conceptions rationnelles. Leur philosophie suivait deux principales évolutions. Elle partait de la nécessité de prendre la révélation pour base, pour règle des spéculations rationnelles; puis elle parcourait un ordre d'idées concordant avec les dogmes révélés, et prenait alors le caractère d'un vaste éclectisme. Les siècles suivants vécurent sur ces premiers travaux. Du Ixe au xıo siècle, si l'on excepte Erigène, qui ressuscita le panthéisme, on ne trouve que des conceptions partielles, et jamais l'idée de construire une philosophie. Cette idée reparaît au xie siècle, et la philosophie s'organise graduellement jusqu'à ce que, par les prodigieux travaux de saint Thomas, elle atteigne son apogée. Ensuite l'édifice philosophique du moyenâge est en butte à une foule d'attaques partielles, et l'unité se décompose. Saint Anselme cherche le principe général de l'explication des choses. En admettant la certitude du mode de connaissance qui consiste dans la foi, il établit que l'esprit humain doit s'efforcer constamment de se développer sous un autre mode, la science. Mais la doctrine révélée est pour lui la base des spéculations métaphysiques, comme les phénomènes de la nature, la base des spéculations physiques. Sa philosophie n'est que l'élan de la foi vers la science, Fides quærens intellectum. Alors il suppose un homme qui, par les seules forces de sa pensée, cherche à produire un système de connaissances rationnelles. Cette méthode est bien différente de celle de Descartes. D'abord saint Anselme maintient toujours l'ordre de foi, puis il ne fait pas du procédé qu'il suit la loi absolue et générale de l'esprit humain, mais seulement la loi de l'esprit humain se développant dans la science et par la science. Plus tard, cet ordre fut interverti. Abailard n'admit la certitude de la foi qu'autant qu'elle se transformait en science; jusque là elle ne pouvait être qu'une opinion provisoire. Saint Bernard combattit ce rationalisme, mais il avait envahi le domaine de la philosophie 1. Au xvie siècle il se développe au milieu de mille contradictions. Le protestantisme, tout en proclamant la déchéance absolue de la nature, tout en tuant la liberté humaine, déclarait la raison maîtresse souveraine dans les choses de la foi, et allait ainsi à l'anéantissement du dogme et de la morale. Un peu après, le Jansénisme tomba dans les mêmes contradictions. Son esprit d'indépendance et de révolte est inconciliable avec ses doctrines sur la volonté et la grâce. Mais les doctrines ne sont pas toujours conséquentes, et lorsqu'il s'agit de juger l'homme qui les embrasse, on doit avoir plutôt égard au fait qu'à la logique. Aussi est-ce à tort qu'on a voulu, pour Pascal, conclure du Jansénisme au scepticisme 2. Sans doute, si l'on part du principe de la déchéance absolue de notre nature, sous le rapport de l'intelligence comme sous celui de la volonté, l'homme, par ses propres forces, est dans l'impuissance de connaître le vrai comme de faire le bien; la lumière surnaturelle et la grâce surna Voir l'Histoire de la Philosophie, par MM. de Salinis et de Scorbiac. 2 Voir M. Cousin, Revue des Deux-Mondes, 15 janv. 1845. |