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Et il

>> que je vous dise qu'il ne faut pas être si diffi>> cile, ni si religieux à laisser un ouvrage comme >> il est sorti des mains de l'auteur, quand on le >> veut exposer à la censure publique. On ne sau>> rait être trop exact quand on a affaire à des en>> nemis d'aussi méchante humeur que les nôtres. >> Il est bien plus à propos de prévenir les chica>> neries par quelque petit changement, qui ne fait >> qu'adoucir une expression, que de se réduire >> à la nécessité de faire des apologies. >>> apporte en exemple ce qui s'était passé pour un ouvrage de Saint-Cyran. - « Les amis, dit-il en>> core, sont moins propres à faire ces sortes >> d'examen que les personnes indifférentes, parce >> que l'affection qu'ils ont pour un ouvrage les >> rend plus indulgents sans qu'ils le pensent, et >> moins clairvoyants. Ainsi, Monsieur, il ne faut >> pas vous étonner, si ayant laissé passer de cer>> taines choses sans en être choqués, nous trou>> vons maintenant qu'on les doit changer, en y >> faisant plus d'attention après que d'autres les >> ont remarquées. Par exemple, etc. »... Et il cite une Pensée de Pascal relative à la justice, que nous examinerons nous-même, et la discute fort longuement d'après S. Augustin 1.

1 Voir la lettre d'Arnauld, Recueil, p. 355; Pensées, t. I, p. 403.

Les correcteurs se succédant les uns aux autres, c'était une filiation continue et sans fin de suppressions et de changements. Mais il serait injuste, la chose est claire maintenant, de rejeter toute la faute sur le compte des amis de Pascal. Les approbateurs et censeurs en revendiquent la meilleure partie. Pour être juste envers tous cependant, voyons quel fut le rôle des éditeurs. Nous les connaissons tous : c'étaient Arnauld, Nicole, Tréville, Du Bois, La Chaise, Brienne, et surtout le duc de Roannez qui, dit le Recueil d' Utrecht 1, eut le plus de part à ce travail. Etienne Perier était l'intermédiaire entre ceux-ci et la famille de Pascal, en particulier sa mère. Quelques-uns de ces hommes, comme Tréville, Du Bois, La Chaise, assistaient au conseil. Mais s'ils y avaient voix délibérative, leur avis, selon nous, devait rarement prévaloir. Cependant La Chaise composa pour le livre une préface qui fut rejetée par des motifs que nous dirons, et Brienne le cite, ainsi que Du Bois, comme auteur d'objections qui ne furent pas dédaignées. Mais l'autorité de Brienne n'est pas grande dans cette affaire, et il est probable que, blame ou louange, on doit les décharger à peu près de toute responsabilité. Quant à ce fou de Brienne lui-même, quelques

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écrivains de nos jours, M. Cousin en particulier, ont fait peser sur lui presque tout le poids des accusations adressées aux premiers éditeurs, sans doute pour épargner Arnauld et Nicole. Nous ne saurions croire qu'il ait eu grande part au travail de révision. On ne s'appuie que sur son témoignage, contenu dans des lettres curieuses que nous a conservées de lui le père Guerrier 1. Mais évidemment Brienne se vante et se donne une importance qui ne lui a jamais appartenu. Sans s'en douter, il le fait entendre lui-même. Ecoutons-le parlant à Mme Perier : « M. votre fils >> a travaillé tout le jour céans pour mettre enfin >> la dernière main aux fragments de votre il>> lustre et bien heureux frère, après qu'ils ont >> subi tous les examens de M. Roannez, ce qui » n'est pas peu de chose... M. de Roannez est >> très-content, et assurément l'on peut dire que >>> lui et ses amis ont extrêmement travaillé. Je >> crois que vous l'en devez remercier 2. » II ne parle pas de lui dans ce passage, ce qu'il eût fait infailliblement s'il eût siégé, même à la dernière place, parmi les correcteurs, tant il y avait de forfanterie ridicule chez cet homme. Il est vrai qu'il ajoute : « Nous allons encore faire une revue, >> M. votre très-cher fils et moi, après laquelle il >> n'y aura plus rien à refaire. » Cette revue devait avoir pour but d'examiner si l'on ne pouvait rien restituer des fragments qu'avait retranchés Roannez. Nous le répétons, Brienne exagère ici son importance, et certainement les autres amis de Pascal, Roannez surtout, ne l'eussent pas laissé faire. Vraie mouche du coche, il voulait persuader qu'il poussait beaucoup la publication; tantôt il volait du côté des amis, tantôt du côté d'Etienne Perier et de sa mère: somme toute, il se donnait beaucoup de mouvement et ne faisait rien. Il dit ailleurs : « Je me charge des appro>> bations et de tout le reste; que ne ferais-je >> point pour des amis tels que vous ? >> Et dans un second post-scriptum (il n'en finit pas plus que les éditeurs: post-scriptum de post-scriptum comme correction de correction) : « Je ne ferai >> point commencer à imprimer, quoique la chose >> presse extrêmement. » L'impression dépendait donc de lui? Qui le croira? Il suivrait au moins de ces paroles qu'on lui avait confié tous les détails matériels de l'édition, et cependant nous savons par la relation de Desprez que celui-ci avait été chargé par Etienne Perier du soin des approbations, et qu'il en avait été le solliciteur auprès des prélats et des docteurs.

Voir ces lettres, Pensées, Fragments, etc., t. I, p. 390399. Elles sont de la fin de 1668. Brienne avait alors 34 ans. Il venait d'abandonner les fonctions de secrétaire d'État qu'il avait héritées de son père, pour se retirer à l'Oratoire, dont il fut chassé au commencement de 1670, à cause de sa mauvaise conduite.

2 Nous coupons et modifions un peu des phrases interminables, tout alourdies d'incidents, qui présentent dans leur forme pénible une image assez fidèle de la torture à laquelle on soumit l'œuvre de Pascal. « On voit, dit M. Sainte-Beuve, toute la filière par où l'édition a dû passer. » (Т. III, p. 295, note.)

Pour nous, Brienne n'est que le journaliste diffus et emphatique de l'œuvre des amis de Pascal, l'écho qui nous répète ce qui se disait à Paris et à Clermont comme il l'était dès-lors entre les éditeurs et la famille Perier, tout au plus l'avocat bavard des correcteurs qu'il se bornait à excuser et à défendre auprès de la sœur de Pascal. Pour s'en convaincre, il suffit de lire attentivement ses lettres. Nous l'avons vu déjà, et les passages que nous en citerons encore le démontreront outre mesure.

Restent donc Arnauld, Nicole et Roannez. Eux seuls sont responsables, car eux seuls ont tout fait. Ces hommes avaient-ils les qualités que nous semble réclamer le rôle d'éditeurs de Pascal? Non, quand même ils n'auraient pas été gênés par la censure et les circonstances. En général, les Port-Royalistes, esprits lucides, exacts, mais froids, étaient incapables, nous ne disons pas de goûter, mais de bien comprendre la pensée et le style d'un homme qu'il faut juger par le cœur

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