Images de page
PDF
ePub

» M. de Roannez et1 ceux qui ont pris la peine >> de revoir ces fragments avaient prétendu sub>> stituer leurs pensées à la place de celles de » tre saint, ou les changer de manière qu'on ne >> pût pas dire sans mensonge et sans équivoque » qu'on les donne au public telles qu'on les a >> trouvées sur de méchants petits morceaux de pa>> pier après sa mort. >> Brienne insiste sur ce point, car c'était la grande objection de Mme Perier : << La réputation de M. Pascal est trop établie pour >> que le public s'imagine, lorsqu'il trouvera ces >> fragments admirables, et plus suivis et plus liés >>> si vous voulez qu'il n'appartient à des fragments, >> que ce soient d'autres personnes que M. Pascal >> qui les aient mis en cet état. Cette pensée ne >> viendra jamais à personne, et on ne blessera >> point la sincérité chrétienne même la plus >> exacte en disant qu'on donne ces fragments tels >> qu'on les a trouvés et qu'ils sont sortis des >> mains de l'auteur, et tout le reste que vous >> dites si bien et d'une manière si agréable que >> vous m'entraîneriez à votre sentiment, pour >> peu que je visse que le monde fût capable >> d'entrer dans les soupçons que vous appréhen>> dez. L'ouvrage, en l'état qu'il est, est toujours >> un fragment, et cela suffit pour que tout ce >> que l'on dit et que vous voulez qu'on dise soit >> véritable. »

fait.

Là encore Brienne ne se nomme pas. Il n'avait donc rien

Brienne faisait tous ses efforts pour convertir Mme Perier et lui persuader que ses intentions avaient été parfaitement remplies. « Ce qu'on y a >> fait, dit-il encore, ne change en aucune façon >> le sens et les expressions de l'auteur, mais ne >> fait que les éclaircir et les embellir (embellir » Pascal !)... L'on n'a rien mis que de nécessaire » et qui vient naturellement dans l'esprit à la >> première lecture qu'on fait de ces fragments. >> Tous (les éditeurs) conviennent d'une voix que >> les pensées de M. Pascal sont mieux qu'elles » n'étaient, sans toutefois qu'on puisse dire qu'el>>> les sont autres qu'elles étaient lorsqu'elles sont >>> sorties de ses mains, c'est-à-dire sans qu'on >> ait changé quoi que ce soit à son sens ou à ses >> expressions. Car d'y avoir ajouté de petits » mots, d'y avoir fait de petites transpositions, >> mais en gardant toujours les mêmes termes, >> ce n'est pas à dire qu'on ait rien changé à ce >>> bel ouvrage. » Dans tout cela, il cherche à le faire croire, on n'a eu en vue que la gloire de Pascal et de sa famille : « Je ne vois pas que >> vous puissiez raisonnablement et par un scru>> pule que vous me permettrez de dire qui serait >> très-mal fondé, vous opposer à la gloire de >> celui que vous aimez... Je suis assuré, Madame, >> que quand vous aurez vu ce que c'est, vous >> êtes trop raisonnable pour ne pas vous rendre >> et pour n'être pas bien aise que la chose soit >> au point qu'elle est, c'est-à-dire aussi parfaite >> que des fragments le peuvent être... Je vous >> dirai que j'ai examiné les corrections avec un >> front aussi rechigné que vous auriez pu faire; >> que j'étais aussi prévenu et aussi chagrin que >> vous contre ceux qui avaient osé se rendre de >> leur autorité privée et sans votre aveu les cor>> recteurs de M. Pascal; mais que j'ai trouvé >> leurs changements et leurs petits embellisse» ments (il y tient !) si raisonnables que mon cha>> grin a bientôt été dissipé, et que j'ai été forcé, >> malgré que j'en eusse, à changer ma malignité >> en reconnaissance et en estime pour ces mêmes >> personnes que j'ai reconnu n'avoir eu que la >> gloire de M. votre frère en vue en tout ce qu'ils >> ont fait... Que voulez-vous de plus? Cela fera >> tous les bons effets que vous espérez, et le >> meilleur encore que vous ne dites pas, c'est >> qu'on ne trouvera rien qui mérite d'être ex>> cusé, et qu'on regrettera seulement que l'au>> teur n'ait pas assez vécu pour achever un ou>> vrage qui, tout imparfait qu'il est, est si achevé » et si admirable. Après cela, je ne sais plus que >> vous dire, et si vous n'êtes pas contente, vous

>>> avez tort. »

Mme Perier apparemment était bien difficile; car, à tort ou à raison, elle était loin d'être contente. A travers toute cette diffusion, toutes ces redites de Brienne, on voit clairement quelle vive opposition on trouvait du côté de cette dame. Étienne soutenait avec chaleur le parti de sa mère. « Je dois vous dire, Madame, écrivait encore >> Brienne, que M. votre fils est bien aise de se > voir bientôt au bout de ses sollicitations auprès >> de moi et de vos autres amis, et de n'être plus > öbligé à nous tenir tête avec l'opiniâtreté qu'il >> faisait et dont nous ne pénétrions pas bien les >> raisons. Car la force de la vérité l'obligeait à >> se rendre, et cependant il ne se rendait point >> et revenait toujours à la charge; et la chose al>> lait quelquefois si loin que nous ne le regar>> dions plus comme un Normand, qui sont gens >> naturellement complaisants, mais comme le >> plus opiniâtre Auvergnat qui fût jamais. C'est >> tout dire. Mais maintenant nous ferons bientôt >> la paix, et j'espère que votre satisfaction, et la >>> gloire, et l'applaudissement, qui sont insépara>> bles de la publication de cet ouvrage, achève>> ront de mettre fin aux petits différends que >>> nous avons eus, M. de Roannez et moi, avec >> M. votre fils. J'aurais mille choses à vous >> dire, etc. » Satis superque.

La paix se fit, soit que Mme Perier se soit à la fin rendue, soit qu'on lui ait forcé la main. L'ouvrage, quoique imprimé à la fin de 1669, ne parut qu'au commencement de 1670. Il portait en tête une préface d'Etienne Perier, mais non la Vie de Pascal écrite par sa mère. Nous savons aujourd'hui qu'un Discours sur les Pensées, composé, non pas par Du Bois de La Cour, comme on l'avait cru longtemps, mais par Filleau de La Chaise, de Poitiers, ne plut pas à Mme Perier, et que son fils y substitua la préface que nous avons. Une lettre de cette dame au médecin Vallant, découverte par M. Sainte-Beuve, nous apprend le motif de ses répugnances.

((

.....

Ce 1er avril 1670.

Je vois que Mme la marquise (la mar>> quise de Sablé) témoigne de désirer de savoir » qui a fait la préface de notre livre. Vous savez, >> Monsieur, que je ne dois rien avoir de secret >> pour elle; c'est pourquoi je vous supplie de lui >> dire que c'est mon fils qui l'a faite. Mais je la >> supplie très-humblement de n'en rien témoi>>>gner à personne; je n'en excepte rien, et je vous >> demande la même grâce; et afin que vous en >> sachiez la raison, je vous dirai toute l'histoire. >>> Vous savez que M. de La Chaise en avait fait une » qui était assurément fort belle; mais comme

« PrécédentContinuer »