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bateurs, Ribeyran, archidiacre de Comminges (de Comminges! remarquons bien la source : voilà encore de leurs gens, aurait dit l'archevêque de Paris), Ribeyran prétendait que la brièveté de ces fragments était plus lumineuse que n'aurait été le discours entier et étendu. « Pour moi, >> ajoute Tillemont, je vous avoue que je n'ai pas >> assez de pénétration d'esprit pour me con>> tenter de ces discours abrégés, quoique je les >> trouve tous admirables. Néanmoins ceux qu'il >> étend davantage font une impression toute au>> tre sur moi, et je juge par là de ce qu'aurait >> été l'ouvrage entier d'une main dont les pre>> miers traits ont déjà tant de beauté. » En général, Tillemont a raison, croyons-nous. Cependant n'est-il pas vrai que quelquefois Pascal nous apparaît mieux dans ces premiers élans, qui ne sont que l'expression spontanée et irréfléchie de son âme et de son génie?

Tel est le jugement de Tillemont, de cet homme, dit le Recueil, qui ignorait ce que c'était que de prodiguer les louanges. C'était vrai pour les étrangers peut-être, pour les profanes, pour les Molinistes surtout; mais pour les amis et les fidèles, pour le grand Pascal! nous en doutons un peu. Répétons-le: tous ces éloges venus de Port-Royal et du parti sont suspects. Le Recueil cite bien une lettre de l'archevêque

de Paris, Hardouin de Péréfixe, adressée à Perier père, dans laquelle le prélat dit qu'il a lu les Pensées avec beaucoup de satisfaction, promet son approbation pour une édition nouvelle qui ne saurait se faire attendre, et témoigne encore des sentiments d'estime qu'il avait pour Pascal. Mais Perier lui avait fait hommage du livre de son beau-frère et avait accompagné l'envoi d'une lettre tout obligeante, toute pleine de reconnaissance. On ne répond à cela que par des compliments. Ainsi en fut-il sans doute de plusieurs des lettres adressées à la famille Perier. C'étaient des réponses au présent du livre des Pensées que la famille avait envoyé à diverses personnes d'un rang distingué. Il fallait bien remercier, et remercier surtout par des formules d'estime et d'admiration pour l'ouvrage. Dans sa lettre, d'ailleurs, l'archevêque de Paris paraît songer beaucoup plus à la déclaration de Beurrier dont il désirait l'insertion dans une seconde édition, qu'à l'admiration et à la louange.

M. Cousin paraît done assez fondé en raison lorsqu'il dit que nul théologien célèbre n'a loué les Pensées1, et qu'aucun des grands docteurs du xvn siècle n'en a fait mention. En vain invoquerait-on les approbations des trois évêques, de

• Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1845, p. 346, et Des Pensées de Pascal, p. xx, avant-propos.

!

l'archidiacre de Comminges, et des treize docteurs de la Faculté de Théologie de Paris, qui se lisent en tête de la première édition. Quelquesunes de ces approbations, les seules admiratives, avaient été données, comme nous l'avons déjà dit, par les amis de Port-Royal. Quant aux autres, elles étaient purement officielles et témoignaient seulement de l'orthodoxie du livre arrangé par les éditeurs. M. Cousin n'a oublié qu'un suffrage important, celui de Fénelon qui, suivant la relation de Desprez, trouvait le livre admirable, à part un endroit qui sentait un peu le Jansénisme. Fénelon, il est vrai, n'était pas encore connu ; l'archevêque de Paris ne le regardait pas comme un homme du métier, comme un théologien; mais il passait déjà pour fort habile; déjà il avait son goût littéraire si pur, son génie; c'était déjà Fénelon. Voilà le seul grand nom au xvu siècle qui paraisse avoir loué les Pensées. Chose remarquable! Mme de Sévigné, l'écho intelligent de toutes les admirations, qui parle si souvent des Petites Lettres et les vante en tant de façons, n'en dit pas un seul mot! Quelle réponse, quelle explication opposer! Rappelons-nous l'esprit littéraire de l'époque : on n'aimait alors que les ouvrages complets et achevés, et l'œuvre de Pascal ne présentait qu'une série de fragments, sans lien, sans suite et à peu près sans but autre que celui de l'édification, dans l'édition donnée par PortRoyal. D'un autre côté, bien moins encore que Fénelon, Pascal n'était ni théologien ni homme du métier. Comment donc dans les controverses du temps contre les protestants ou les incrédules, dans les apologies de la religion, Bossuet ou tout autre, en dehors des amis et des Jansénistes, aurait-il eu même la pensée de recourir à son autorité? D'autorité, évidemment Pascal n'en avait pas, n'en pouvait avoir pour les défenseurs du christianisme et de l'Église. Enfin et surtout, comment les grands hommes du xviie siècle, tous orthodoxes (nous parlons des docteurs chrétiens), auraient-ils pu invoquer Pascal, le héros du Jansénisme? Croyons bien que l'hérésie janséniste fut pour beaucoup dans le silence que fit le xvin siècle autour du livre des Pensées.

Malgré tout, l'ouvrage fit son chemin, et dans toute l'histoire des lettres, aucun n'a été plus célèbre. Jamais livre n'a excité autant de sympathie, de haine, d'admiration, de sarcasmes, n'a attiré à ce point l'attention des littérateurs qui, pendant bientôt deux siècles, se sont pressés autour pour lui restituer quelques-unes de ses parties, refaire son plan, lui confier leurs passions, et le charger de les redire. Pas de livre, même parmi les plus grands et les plus fameux dans notre littérature, qui puisse présenter une biographie, des

annales aussi variées, aussi illustres. C'est assez en dire le mérite, lorsqu'on songe surtout à l'état menteur dans lequel il nous a été offert d'abord par Port-Royal et conservé ensuite pendant deux cents ans, jusqu'aux restitutions contemporai

nes.

Il est temps, en effet, d'examiner de plus près l'œuvre des amis de Pascal et de leurs successeurs jusqu'à nos jours, pour achever l'histoire que nous avons entreprise des Pensées.

III.

QU'ENTENDRE PAR PENSÉES. - IDÉE SYSTÉMATIQUE DE M. COUSIN. - VICES DE L'ÉDITION DE PORT-ROYAL.

ÉCRITS DISTINCTS CONFONDUS. - PLAN VIOLÉ. - ALTÉRATIONS DE TOUTE ESPÈCE. - CHANGEMENTS ET SUPPRESSIONS QU'ON NE SAURAIT LUI REPROCHER. - A-T-ELLE VOILÉ LE SCEPTICISME DE PASCAL ET DÉFIGURÉ LE CARACTÈRE DE SA FOI?

Il nous est bien facile maintenant de juger les premiers éditeurs. Grâce aux travaux modernes, nous avons d'un côté leur œuvre, de l'autre le manuscrit autographe, les copies et les autres manuscrits originaux fidèlement reproduits dans M. Faugère. D'ailleurs la confrontation est faite

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