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Dieu étant infini est essentiellement un et simple en sa substance, car il saute aux yeux que deux infinis s'excluent l'un l'autre. Dièu est donc une âme, c'està-dire une force d'être infinie, douée, nous venons de le voir, de forces infinies d'agir: l'intelligence, la puissance, la bonté. Ces forces, dès là qu'elles sont infinies, ne souffrent aucune limite ni dans leur action, ni dans leur pouvoir. Dieu est donc une force maîtresse agissant par ses attributs ou forces diverses avec une puissance infinie. Ainsi Dieu a le premier caractère de la beauté, et il l'a à un degré infini.

Ce n'est pas tout: la nature divine, une par l'indivisibilité et l'immatérialité de sa substance, est variée par la diversité de ses attributs ineffables. Cette unité et cette variété se concilient merveilleusement dans l'action concertée des puissances différentes de l'âme divine. En effet: si l'action de l'un des attributs de Dieu était contrariée par l'action d'un autre attribut, le premier de ces deux attributs aurait rencontré une limite et ne serait plus infini. Donc, loin de s'empêcher mutuellement, ces divines puissances s'entr'aident. Tout ce que conçoit l'intelligence, la bonté l'aime et la volonté le veut et l'exécute. L'harmonie est par conséquent en Dieu, et elle y est, elle aussi, absolue et parfaite. Enfin, les puissances de Dieu étant égales en infinitude, la toute-puissance et la bonté vont toujours jusqu'au but aperçu par l'intelligence, de telle sorte que toutes les forces divines ont invariablement entre elles les mêmes rapports et demeurent dans les mêmes proportions. Ainsi Dieu est à un degré infini unité et variété, harmonie et proportion: tous les caractères de l'ordre brillent en lui de leur plus pur et plus éblouissant éclat. Dieu est donc une force infinie agissant avec une puissance infinie et conformément aux lois de l'ordre absolu. Il en résulte évidemment et rigoureusement que Dieu est la beauté infinie; il en résulte qu'il est le type achevé de toute beauté, puisqu'en lui se rencontrent, revêtus de l'infinitude, tous les caractères de puissance et d'ordre qui sont les éléments de la beauté et constituent son

essence.

C'est ce qu'avait profondément compris Leibniz lorsqu'il écrivait en tête de sa Théodicée1 ces lignes simples et lumineuses:

<<< Les perfections de Dieu sont celles de nos âmes, mais il les possède sans bornes; il est un océan dont nous n'avons reçu que des gouttes: il y a en nous quelque puissance, quelque connaissance, quelque bonté; mais elles sont tout entières en Dieu. L'ordre, les proportions, l'harmonie nous enchantent, la peinture et la musique en sont des échantillons; Dieu est tout ordre, il garde toujours la justesse des proportions, il fait l'harmonie universelle: toute la beauté est un épanchement de ses rayons. >>>

Cette beauté de Dieu, cette puissance infinie dans l'ordre infini, je la conçois, il est vrai, sans l'embrasser, sans la comprendre. Dieu seul a une intelligence adéquate à ses perfections. Dieu seul résout, et il résout éternellement, les contradictions apparentes que suscite l'idée de ses attributs absolus dans leur rapport avec le relatif et le contingent. Comment la touteintelligence prévoit mes actions et comment ma liberté n'en est point atteinte: Dieu le sait, je l'ignore. Comment la toute-bonté permet le mal dans le monde et n'en est pas moins adorablement bonne: Dieu le sait, je ne fais que l'entrevoir. Mais que Dieu soit infiniment intelligent, puissant et bon, je le sais comme je sais que j'existe. Que toutes les forces de l'âme divine soient en ordre et en harmonie, je le sais comme je sais que j'existe. Je suis donc sûr de la beauté de Dieu, comme je le suis de mon existence. Si cette beauté évidente et certaine m'est en même temps incompréhensible, cela ne prouve qu'une chose, à savoir que Dieu est beau jusqu'au sublime absolu et que je suis borné dans mes plus excellentes puissances. Mais tout borné que je sois, je conçois Dieu, je l'affirme, je pense à sa beauté, et à ce penser, je ressens en moimême toutes les jouissances délectables de la plus ardente admiration.

1 Préface, édition de M. A. Jacques, publiée par Charpentier, p. 3.

Dieu, étant la puissance infinie dans l'ordre infini, est ontologiquement, substantiellement, personnellement, la beauté absolue réellement existante et vivante. Il y a donc une beauté absolue. De plus, en tant qu'il est la raison infinie, concevant éternellement tout ordre et toute loi, Dieu est substantiellement le sujet éternel en qui résident, à l'état de notions invariables, les types idéaux de tous les genres et de toutes les espèces que notre raison conçoit et auxquels elle mesure directement dans sa spiritualité pure au onscience, tantôt se révélant à ma raison ns dont ma raison ne peut ne pas subir empire. Cherchons, dans notre troisième eauté, telle que l'ont représentée les maîHans leurs chefs-d'œuvre, est bien cette natérielle beauté de la force et de l'âme.

APPENDICE.

I

EXTRAITS DU RAPPORT PRÉSENTÉ, AU NOM DE LA SECTION DE PHILOSOPHIE, A L'ACADÉMIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES, SUR LE CONCOURS RELATIF A LA QUESTION DU BEAU, PAR M. BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

(Lu dans les séances des 16 et 20 avril 1859.)

MESSIEURS,

Dans la séance du 7 février 1857, et sur la proposition de la section de philosophie, l'Académie a mis au concours, parmi les prix dus à la générosité éclairée de M. Bordin, la question suivante :

<<< Rechercher quels sont les principes de la science du « Beau, et les vérifier en les appliquant aux beautés les plus << certaines de la nature, de la poésie et des arts, ainsi que << par un examen critique des plus célèbres systèmes aux<< quels la science du Beau a donné naissance dans l'anti« quité et surtout chez les modernes. >>>

Cinq mémoires ont répondu à votre appel avant le terme fixé par vous au 31 décembre de l'année dernière; et, parmi ces mémoires, il en est plusieurs qui sont dignes de votre estime et des récompenses dont vous pouvez disposer. Nous

T. I.

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