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TAYLOR INSTITUTIO

UNIVERSITY 15 SEP 1992

OF OXFORD

LIBRARY

PRÉFACE.

LA Rhétorique a deux objets; elle apprend à composer d'excellens. Ouvrages, elle apprend à les goûter. Le goût, cette heureuse faculté de l'ame qui n'est souvent chez les hommes que le fruit de l'étude & du travail, la Nature l'a libéralement accordé aux femmes.

Tous les jours leur ignorance aimable,
A la honte du Grec & du Latin, fait voir
Combien au cabinet le monde est préférable;
Et le sentiment au savoir.

Pour peu que cet instinct délicat soit perfectionné par la lecture des bons Livres, il acquiert bientôt chez les femmes une espece d'infaillibilité à laquelle notre sexe n'atteint que bien rarement. Mais ce goût est un apanage trop noble

pour se borner à sentir la finesse

d'une Epigramme, l'agrément d'un

A

Conte, la délicatesse d'un Madrigal, il faut l'étendre à tout, & l'appliquer aux objets les plus grands & les plus diftingués; il faut l'accoutumer à s'attendrir dans la Tragédie, à s'élever dans le Poëme Epique, à goûter des raisons solides dans un Plaidoyer, des vérités confolantes ou terribles dans un Sermon. Ainsi donc, fans prétendre ouvrir aux femmes la carriere du Barreau ou de la Chaire, que nous leur avons prudemment fermée, on peut leur proposer sur tous ces genres des réflexions & des exemples, foit pour former le goût naissant des jeunes personnes, soit pour flatter le goût déja formé des autres.

Il est certain que l'usage, toujours respectable par sa tyrannie, a interdit aux femmes les ouvrages qui supposent une Profession. Les hommes se sont arrogé le droit exclufif de paroître dans les Ecoles, dans les Tribunaux, &c. comme celui de s'entretuer suiyant de certains prin

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cipes. On voit peu d'exemples de Professions savantes exercées par les femmes. Ceux qu'on pourroit citer, font au nombre de ces fingularités historiques qui ne tirent pas à con¬ féquence.

Hypatie, Platonicienne illustre, donna des leçons publiques de Philosophie dans Alexandrie.

Une Athénienne, nommée Agnodice, se déguisa en homme pour exercer la Médecine. Ses succès infpirerent de la jalousie aux Médecins ses confreres, qui, ayant bien observé sa conduite, l'accuserent en Justice réglée de s'introduire chez les femmes pour les corrompre. Le coupable fut même convaincu; ce qui arrive quelquefois à des Innocens : celui-ci en fut pourtant quitte pour avouer son sexe. Les Médecins furent un peu surpris. Les femmes intervinrent au procès. L'Aréopage rendit un Arrêt, qui permit aux femmes d'exercer la Médecine.

Mais à l'égard des Ouvrages qui ne supposent que des talens, les femmes doivent-elles se borner au plaisir de les lire & de les goûter? La bienféance leur defend - elle d'avoir publiquement de l'esprit, de le cultiver, d'en faire éclore les fruits, d'enrichir le Théâtre & la République Littéraire? Est-ce un tort pour elles d'acquérir des Gra. ces de plus, & de nouveaux moyens de charmer, de joindre l'art de penfer à l'art de plaire, d'embellir les talens, d'en être embellies, de remplir leurs têtes d'idées comme leurs coœurs de sentimens, de se ménager du moins la ressource confolante des connoissances & des lumieres pour cet âge où la beauté perd fon empire, où l'esprit seul conserve le sien, où tout manque aux femmes frivoles, où ces vains amusemens qu'on honore assez faussement du nom de plaisirs, ne sont plus même de saison? Il faut renvoyer quiconque trouvera cette question douteu se à l'Epitre Dédicatoire d'Alzire,

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