donnant la marque du pluriel: des harpagons, des mentors, des tartufes. Avec cette règle si simple et en même temps si logique on débarrasserait la grammaire de subtilités qui en rendent l'étude stérile. c) Les noms propres de pays et de villes prennent aussi la marque du pluriel, quand il y a pluralité dans l'idée : Les Européens ont colonisé les deux Amériques. On écrit de même : les Indes, les deux Romes, l'ancienne et la moderne, etc. Mais on écrira sans s : les deux Fribourg, il y a plusieurs Berlin en Amérique. 1. Le nom adjectif ou simplement l'adjectif sert à nommer les qualités des êtres ou à dire comment sont les personnes et les choses. Ainsi quand je dis : Le boulet est rond, j'exprime comment est le boulet, je nomme sa qualité; rond est un adjectif, qui qualifie le substantif boulet. Un des caractères de l'adjectif est de différencier les idées et d'opposer l'une à l'autre les qualités physiques et morales des personnes et des choses, comme grand et petit, haut et bas, large et étroit, chaud et froid, dur et tendre, doux et amer; diligent et paresseux, triste et gai, bon et méchant. Si l'un des adjectifs manque, on y supplée par la composition au moyen du suffixe négatif in : fini et infini, pur et impur, poli et impoli, etc. (1). Les qualités des objets peuvent se diviser: 1° en qualités ou propriétés essentielles, ou en propriétés qui conviennent nécessairement à un objet, comme la propriété d'être blanche pour la neige, et celle d'être noire pour le charbon, et 2o en propriétés accidentelles, c'est-à-dire en propriétés que les objets peuvent avoir ou ne pas avoir, comme la propriété d'être ronde qu'a une table, qui pourrait aussi être carrée ou allongée sans cesser pour cela d'être une table. Ainsi le miel est doux, c'est sa qualité essentielle; mais il peut être jaune, blanc, épais, propre, vieux, frais, etc. L'homme est mortel: mortel, qualité essentielle. Un homme vertueux: vertueux, qualité accidentelle. La grammaire moderne a fait de l'adjectif une partie distincte du discours, et a donné au mot nom le sens de l'expression ancienne nom substantif (2) (1) V. Becker, Org. der Sprache, 102. (2) Le nom adjectif était ordinairement regardé par les anciens comme une espèce dans la classe générale des noms et ne formait pas à lui seul une partie du discours. Cet 2. L'adjectif est le plus souvent ajouté au substantif pour marquer quelque attribut qui ne convient qu'à une certaine classe d'objets par opposition à une autre classe de l'espèce entière indiquée par le substantif, par ex. l'homme riche et l'homme pauvre; en pareil cas, l'adjectif restreint l'étendue du substantif, il le détermine, et c'est pourquoi on l'appelle déterminatif. Mais, quelquefois aussi, l'adjectif s'emploie uniquement pour exprimer une qualité qui, étant déjà contenue dans la notion même du substantif, convient à tous les êtres désignés par ce substantif et n'en restreint point l'étendue, comme quand on dit l'homme mortel; on le distingue alors en disant qu'il est explicatif. L'adjectif explicatif n'est pas autre chose que ce qu'on appelle épithète en rhétorique. Quand l'adjectif exprime une qualité essentielle, il ne peut être employé que comme prédicat ou comme épithète; dans ce dernier cas, il ne restreint pas l'étendue du nom qu'il qualifie, il n'est pas déterminatif, mais simplement explicatif : le doux miel. Le mot adjectif vient du latin adjectivus et signifie plutôt qui ajoute à que ajouté à. Le suffixe if exprime en général un sens actif, et l'adjectif a en effet, pour fonction, comme on vient de le voir, d'ajouter à la notion totale de l'objet exprimée par le substantif l'idée d'un attribut particulier qui en restreint l'étendue de signification. Les grammairiens français ont étendu le nom d'adjectifs aux noms de nombre et aux pronoms adjectifs, comme deux, quelque, mon, cet, qu'ils ont appelés adjectifs déterminatifs, pour les distinguer des adjectifs proprement dits ou adjectifs qualificatifs, comme bon, beau, utile. Cette distinction toute moderne doit être abandonnée : 1 parce que tous les adjectifs sont de terminatifs, puisqu'ils se joignent aux noms pour en déterminer ou restreindre la signification à l'idée de l'espèce particulière : L'écolier studieux fera des progrès (§ 62); 2° parce que cette distinction a le grand défaut de placer dans deux parties différentes du discours, l'adjectif et le pronom, des mots comme moi et mon, ce (c'est moi) et cet (cet homme), qui et quel, quiconque et quelconque, que la langue elle-même à rapprochés, parce qu'ils sont absolument de même nature, quoiqu'ils ne remplissent pas les mêmes fonctions dans le discours. D'ailleurs, le pronom marque la personne; c'est là sa propriété caractéristique, que le verbe n'a que par emprunt et qui n'appartient à aucune autre partie du discours. Or, du moment que l'on admet que mon, ton, son, etc., sont des adjectifs, on arrive forcément à cette conclusion que l'adjectif, dont l'essence est d'exprimer la qualité des êtres, marque également les usage était raisonnable. En effet, les noms communs ou appellatifs eux-mêmes expriment plutôt la qualité que la substance (§ 62). Si donc les noms communs sont rangés parmi les substantifs, il n'est pas nécessaire de former une classe à part pour les adjectifs qui n'en diffèrent pas essentiellement. L'adjectif, en effet, qualifie presque toujours le substantif, sans lequel il ne peut former un sens complet; mais il s'emploie aussi quelquefois comme substantif, avec l'addition d'un article... Il y a donc de bonnes raisons pour distinguer l'adjectif du substantif, mais il y en a aussi pour réunir en un seul genre ces deux espèces de mots, qui ont souvent entre elles tant de ressemblance. » Egger, Notions....., p. 55. personnes grammaticales, ce qui est absurde. Il faut remarquer en outre que cette classification des adjectifs en qualificatifs et déterminatifs n'est nullement en rapport avec le sens même que les grammairiens français attribuent au mot déterminer, puisqu'ils disent, à propos de l'article, qu'un nom commun est pris dans un sens déterminé, lorsqu'il désigne un genre · Les enfants sont légers; une espèce : Les enfants studieux sont chéris de leurs maîtres; ou bien un ou plusieurs individus particuliers: Cet entant, est sage (1). Ainsi voila le nom enfant qui est déterminé, à des degrés différents il est vrai, par l'adjectif qualificatif studieux aussi bien que par l'adjectif déterminatif cet; pourquoi alois faire une classe à part des adjectifs determinatifs, puisque tous les adjectifs peuvent remplir cette fonction de déterminer le substantif? 3. L'adiectif, qui diffère peu du nom commun par le sens et ne s'en distingue point par la forme, peut devenir un véritable substantif. Quand je dis: L'homme riche méprise souvent l'homme pauvre, le mot riche ou pauvre est un adjectií qui exprime la qualité de l'étre désigné par le substantif auquel il est joint. Mais si je dis Le riche méprise souvent le pauvre, le mot riche ou pauvre désigne une personne caractérisée par cette qualité, il joue donc le rôle de substantif et est précédé de l'article; on dit alors que riche ou pauvre est un substantif-adjectif (§ 62). Ainsi le substantif prend l'article, l'adjectif ne le prend pas, et quand il le prend, il cesse d'être adjectif et devient un véritable substantif. Pour qu'un adjectif puisse s'employer substantivement, il faut que l'esprit sous-entende facilement le mot personne (homme ou femme) ou chose, comme dans un sage, au lieu de : un homme sage; une savante, au lieu de : une femme savante; le beau, c'est-à-dire toute chose belle, etc. Ainsi, dans cette phrase: Les hommes légers aiment les choses frivoles, on ne pourrait pas faire abstraction des mots homme et chose, parce que l'on ne saurait pas s'il s'agit d'un homme ou d'une chose légère, d'une personne ou d'une chose frivole, les adjectifs léger et frivole se disant aussi bien des personnes que des choses. L'adjectif, ne représentant directement ni les personnes ni les choses, ne peut avoir par lui-même ni genre ni nombre; il varie cependant, dans sa terminaison, selon le genre et le nombre du substantif qu'il qualifie; autrement dit, l'adjectif, qu'il soit employé comme prédicat ou comme attribut, s'accorde en genre et en nombre avec son substantif. Il résulte de cet accord que tout adjectif forme son féminin, comme dans les noms de personnes, par l'addition d'un é: une excellente amie, et qu'il prend un s (x) au pluriel: les bains froids, les écoliers soumis. (1) V. Chapsal, Grammaire française, §§ 33-36. A. Formation du féminin. § 75 1. Tous les adjectifs se terminent au féminin par une muet. Il n'y a en français qu'un seul adjectif qui soit resté invariable, c'est grand dans les expressions telles que grand mère, grand route. Le latin formait le féminin d'une nombreuse classe d'adjectifs au moyen de la voyelle a bonus, bona. Or, a final donne toujours e muet en français; c'est ainsi que le e muet est devenu dans notre langue le signe distinctif du féminin. Mais les adjectifs de l'ancien français suivaient en tout point les adjectifs latins, c'est-à-dire que les adjectifs qui avaient chez les Romains une terminaison pour le masculin et une pour le feminin, bonus --- bona avaient aussi deux terminaisons en français, et que ceux qui en avaient seulement une pour ces deux genres, comme grandis (homo grandis, femina grandis), fortis, prudens, vilis, etc. n'en avaient qu'une en français; on disait, au XIe siècle, une grand femme, une ȧme vil, etc. Plus tard, on a étendu la distinction du masculin et du féminin à tous les adjectifs, quelle que fût leur forme en latin, et, contrairement à l'étymologie, on a ecrit grande, forte, prudente, vile, comme on écrivait bonne, etc. Cependant, une trace de la formation primitive est restée dans les expressions grand mère, grand tante, grand rue, grand route, grand messe, grand pitié, grand peine, grand merci, grand ferme. grand chose, etc., que l'on écrit abusivement avec une apostrophe: grand' mère, grand'route, etc. On trouve encore mère grand dans les Contes de Perrault, et cette expression s'est conservée dans les dialectes populaires. - On dit aussi, en style de palais, lettres royaux; de meme, la livre tournois (vingt sous), la livre parisis (vingt-cing sous); de meme encore, fonts baptismaux ; or, fonts (pour fontaines) était féminin. Ce dernier mot n'est plus employé comme nom commun qu'au pluriel. Le singulier font ne nous est resté que dans les noms propres de pays, avec l'article la ou un adjectif féminio: La Font, Chau. defond, village de l'Anjou; ce dernier mot devrait s'écrire Chaude-Font on Chaudefont. Il est encore resté d'autres traces de l'ancien usage dans quelques noms propres, coinme Rochefort. 2. La formation du féminin dans les adjectifs dépend de la lettre qui termine le mot. Les adjectifs sont terminés par une voyelle ou par l'une des consonnes r, l, n, t, s (x), f; quelques-uns seulement par les consonnes d, g, c. 3. Quand l'adjectif est terminé par une voyelle sonore, on ajoute au féminin un e qui ne se prononce pas: un gilet bleu, une robe bleue. Dans les mots en gu, on surmonte du tréma le e muet que l'on ajoute pour former le féminin: un fer aigu, une hache aiguë. Ce tréma est nécessaire pour conserver à la voyelle u sa valeur propre et empêcher qu'on ne prononce aigue comme si u était nul ou servile. Tout adjectif qui est déjà terminé au masculin par un e muet ne change pas au féminin: un champ fertile, une terre fertile. 4. Quand l'adjectif est terminé par une consonne, on forme également le féminin au moyen d'un e qui ne se prononce pas : un raisin mûr, une pomme mûre; égal, égale. Quand la consonne finale est muette, l'addition de e a pour effet de la rendre sonore : un bain froid, une matinée froidė; vert, verte. En formant le féminin on peut donc voir par quelle lettre l'adjectif se termine au masculin; le féminin verte montre que vert s'écrit avec un t à la fin. Cependant favorite et coite ne se terminent pas par t au masculin: favori (de l'italien favorito), coi (du latin quietus). Quand l'adjectif est terminé au masculin par une consonne, l'addition de e amène souvent: 1° un changement dans la voyelle qui précède immédiatement cette consonne et qui a l'accent tonique, comme amer qui fait amère; 2o le doublement ou la transformation de la consonne finale, comme net, vif, qui font nette, vive. 5. La voyelle tonique est modifiée dans les cas suivants : a) Si la consonne finale est un n, qui rend nasale la voyelle précédente (§ 14), le e du féminin dissout la nasale, et le n devient sonore fin, fine. Bénin et malin mouillent en outre le n: bénigne (lat. benigna), maligne. b) Dans les adjectifs qui sont terminés par un r précédé d'un e, ce e prend au féminin un accent grave: léger, légère. Si l'on écrivait légere, il y aurait deux syllabes muettes à la fin du mot, ce qui ne peut avoir lieu en français, puisqu'il faut nécessairement que la dernière ou l'avant-dernière ait l'accent tonique. 6. Il y a doublement de la consonne finale dans les cas sui vants : a) Les adjectifs en el et iel, en ien et et doublent la consonne finale, ce qui conserve le e sonore absolument comme le ferait l'accent grave sur le e (§ 45): cruel, cruelle (== cruèlė); pareil, pareille; ancien, ancienne; net, nette. Toutefois les adjectifs suivants en et: complet, concret, discret, inquiet, replet, secret, prennent l'accent grave et font complète. etc. Ces mots complet, concret, etc., sont des mots savants (lat. ētum, ēta) qui mont pas obéi aux règles que la langue a suivies pour le doublement de la consonne finale dans les mots populaires. 6) Le doublement des consonnes finales I, net t a lieu même après d'autres voyelles que le e: 1o Pour le l, dans gentil, gentille; nul, nulle; |