Toute pensée est ainsi produite par un acte de notre esprit au moyen duquel l'idée d'une activité est énoncée ou affirmée d'une personne ou d'une chose. Cet acte est ce qu'on appelle l'énonciation ou l'affirmation. La proposition n'est pas autre chose que la représentation sensible on matérielle de la pensée : c est ce qu indique 1 étymologie du mot proposition, formé du verbe latin proponere, exposel à la vue, faire voir. --Toutes les grammaires francaises définissent la proposition « l'expression d'un jugement. » Or cette définition ne peut s'appliquer qu'à une partie de nos pensées. Quand un maître dit à ses élèves: Travaillez, il exprime non pas un jugement, mais un désir ou un commandement, ce qui est bien différent. Aristote avait déjà dit : « Tout discours (c'est-à-dire toute proposition) est significatif... Mais tout discours n'est pas une assertion (un jugement). Celui-là seul en est une, qui exprime vérité ou erreur, ce qui n'a pas lieu pour tout discours. En effet, le veu (et par conséquent la proposition dont le verbe est à l'oplatif) est un discours, mais qui ne renferme ni verité ni erreur. › 3. Dans chaque pensee, et conséquemment dans chaque proposition, on distingue deux termes : l'activité énoncée, c'est le prédicat; l'être, c'est-à-dire la personne ou la chose dont on affirme une activité, c'est le sujet. Sujet. Quand on dit du sujet ce qu'il n'a pas d'expression propre et est Le bé mûrit. Prédicat. est mur. fuit (l'action), l'affirmation enfermée dans le prédicat : Mais quand on dit du sujet ce qu'il est ou comment il est (la qualité), l'affirmation est distincte du prédicat et a son expression propre Le blé est mûr. Si cette affirmation n'est pas exprimée, comme dans : le blé mûr, le mot qui marque la qualité du sujet ne s'appelle plus prédicat, mais attribut. . Le lièrré est Lorsqu'on dit ce qu'un être est, comme par exemple craintif. Paul est un menteur, cela revient à aflirmer que cet étre fait habituellement telle ou telle action : Il craint. Il ment. Sous le nom d'activité, il faut douc entendre non seulement l'action et l'état, mais encore la qualité. l'action est mobile et passagère; la qualité est fixe et inhérente à l'objet ; de plus on se represente les qualités des êtres comme opposées l'une à l'autre, par exemple grand et petit, jeune et vieux, riche et pauvre. L'état ne se distingue de l'action que par une idée de durée plus ou moins longue. 4. Quoique les mots n'aient pas proprement de sens en dehors du discours, on peut les envisager à deux points de vue, soit isolément, soit comme membres de la proposition; de là deux divisions de la grammaire, auxquelles on a donné les noms d'étymologie et de syntaxe. L'étymologie considere les mots, soit dans leurs éléments matériels, les sons, c'est la phonologie: soit dans les diverses formes qu'ils revêtent pour exprimer les idées et leurs rapports, c'est la morphologie La phonologie, aussi appelée phonétique, envisage les sons dans leur nature et dans leur représentation par les lettres La morphologie est l'étude des espèces de mots au double point de vue de leurs flexions et de leur formation par dérivation et par composition. La syntaxe s'occupe des mots considérés quant à leur liaison dans le discours; elle se divise en syntaxe de la proposition simple et syntaxe de la proposition composée. La grammaire tient surtout compte de l'état actuel de la langue; mais l'usage présent dépend de l'usage ancien, et la plupart des faits grammaticaux ne s'expliquent que par leur comparaison avec les formes anciennes. L'étude de la grammaire doit donc s'appuyer constamment sur l'histoire de la langue, qui seule pent donner la raison des règles et rendre compte des exceptions. De l'étymologie. 1. PHONOLOGIE Les sons et les lettres. 1. La proposition est formée de mots, qui en sont les éléments ou les parties constitutives. Mais le mot lui-même est un tout qui peut se décomposer dans ses éléments. Ces éléments sont les sons articulés, que l'on représente dans l'écriture au moyen de caractères appelés lettres. Les sons sont dits articulės, parce que la voix, en sortant du larynx, est soumise, dans son passage par la bouche, à l'action de divers organes qui la transforment en sons de forme déterminée. La formation des sons s'appelle articulation. Le mot naît en même temps que l'idée dont il est l'expression organique il n'est donc pas composé de sons, quoique le mot écrit soit composé de lettres Mais le mot est un tout organique, c'est-à-dire qu'il est formé par la réunion organique d'éléments différents ou opposés. Nous ne distinguons ces éléments qu'en décomposant le mot, et alors nous les appelons sons. Or, les sons de la langue renferment deux éléments distincis, savoir; la matière dont ils sont composés, et la forme qui leur est donnee au moyen de l'articulation, c'està-dire par l'action des organes de la parole. L'aspiration et la voix, qui composent l'élément matériel des sons de la langue, sont produites par les organes de la respiration, et sont communes à l'hoiame et aux animaux qui ont des poumons; mais il n'y a que l'homme qui puisse articuler des sons, parce que dans homme seul l'action des organes de la parole est en liaison organique avec l'action de penser. L'articulation est donc le caractère essentiel du langage humain. 2. La cavité buccale ou creux de la bouche et les organes mobiles qui lui appartiennent, savoir: le gosier, la langue et les lèvres, composent l'appareil des organes de la parole; mais on doit appeler de préférence organes articulateurs le gosier avec le palais, la langue et les lèvres, parce que c'est surtout par leur action que les sons s'articulent. Quand nous partons, dit Max Muller, en réalité nous jouons d un instrament de musique, et d'un instrument plus parfait qu'aucun de ceux qui aient jamais été inventés par l'homme. C'est un instrument à vent, où les cordes vocales constituent l'appareil vibratoire, tandis que la bouche, avec les différentes formes qu elle prend, joue le rôle du tube extérieur, des tuyaux á travers lesquels passent les ondes sonores... Les sons sont formés, sur différents points, par des organes actifs et passifs, les points normaux étant ceux qui sont marqués par le contact entre la racine de la langue et le palais, la pointe de la langue et les dents, les lèvres supérieure et inferieure. avec leurs différentes modifications (1). » 3. On distingue dans les sons de la langue différents degrés d'articulation, selon que l'élément matériel des sons (l'aspiration et la voix) est plus ou moins individualisé par les organes de l'articulation; et, sous ce rapport, les sons se divisent en voyelles et en consonnes; mais on donne aussi le nom de voyelles ou de consonnes aux lettres qui servent à représenter ces sons (*). Il y a cette différence entre les sons et les lettres, que les sons appartiennent au langage parlé, et les lettres au langage ecrit. Dans le mot chapeau, par exemple, il y a sept lettres et seulement quatre sons: ch-a-p-eau. a) Les sons-voyelles ou voir sont formés, sans la participation des organes articulateurs proprement dits, par une simple émission de voix, qui s'opère par la cavité de la bouche plus ou moins ouverte; ils sont donc plus incomplètement articulés que les autres sons de la langue. b) Les sons appelés consonnes sont formés, au contraire, par l'intervention directe des organes articulateurs, qui modifient ou émpéchent de différentes manières le passage de la voix par la cavité buccale; c'est pourquoi les consonnes sont plus complètement articulées que les voyelles. Les voyelles et les consonnes forment une opposition ou différence organique qui se reproduit dans tous les rapports phonétiques de la langue, c'est l'opposition de la solidité et de la liquidité; un son a plus ou moins de consistance ou est plus ou moins sujet à se transformer en un autre son, selon que sa forme est plus ou moins individualisée par l'articulation. 4. En francais, les sons appelés voyelles ou roix se marquent dans l'écriture par les cinq lettres a, e, i, o, u, ou par leur combinaison. La combinaison de deux voyelles simples s'appelle voyelle composée. Les voyelles composées se divisent en monophtongues, qui expriment. nn son simple, comme av dans pauvre, et (1) Max Muller. loc. cit. I, 135, 191. (2) Pour plus d'uniformité, nous faisons toutes les lettres du genre masculin, suivant en cela l'exemple donné par le Dictionnaire national de Bescherelle. diphtongues, qui expriment un son composé, c'est-à-dire deux sons prononcés en un seul temps, par ex. oi dans noir. Les sons-consonnes se représentent en français par les dixneuf lettres suivantes ou par leur combinaison : b, c, d, f, g, h, j, l, m, n, p, q, r, s, t, v, x, y, z. Les signes ketu ne font pas partie de l'alphabet français, et ne se rencontrent que dans les mots d'origine étrangère. 5. On appelle syllabe un ou plusieurs sons qui se prononcent en un seul temps ou en une seule émission de voix. Ainsi la est un mot d'une syllabe, formée de deux sons distincts: l, qui `est une consonne, et a, qui est une voyelle. Un mot est monosyllabe quand il n'a qu'une syllabe, et polysyllabe quand il en a plusieurs. La syllabe s'appelle initiale, médiale ou finale, selon qu'elle se trouve au commencement, au milieu ou à la fin d'un polysyllabe. « L'articulation, a dit un profond linguiste, G. de Humboldt, ne se produit qu'au moyen du passage d'un courant d'air qui résonne. Ce courant d'air donne à la fois deux sons parfaitement distincts: l'un au lieu d'où il part, l'autre a l'ouverture par laquelle il sort. C'est ce double son qui forme la syllabe. La syllabe ne se compose pas, comme nous semblons l'indiquer par notre maniere d'écrire, de la réunion de plusieurs sons divers; c'est un son unique, instantané. La séparation en consonnes et voyelles est purement artificielle. En fait, la consonne et la voyelle forment une unité inséparable pour l'oreille, unité que notre écriture brise. La voyelle ne peut pas plus être prononcée seule, comme on a coutume de l'enseigner, que la consonne. Son émission est toujours né, cessairement précédée, sinon d'une consonne bien déterminée, au moins d'une aspiration, quelque légère qu'elle soit, et qui n'est qu'une consonne affaiblie. Ainsi la consonne et la voyelle ne sont que des conceptions idéales qui n'ont aucune existence dans la réalité. « La syllabe constitue une unité de son; elle devient mot en recevant un sens, une signification, c'est-à-dire en devenant signe d'une idée. Pour cela la réunion de plusieurs syllabes est souvent nécessaire. Par mot or entend le signe d'une action particulière. Les mots renterment ainsi une double unité, celle du son et celle de l'idée, et ainsi constitués deviennent les véritables éléments de la parole, titre qu'on ne peut donner aux sons articulés qui n'ont pas encore reçu de signification. »> 6. On distingue dans la syllabe ou dans le mot non seulement le son, qui en est comme le corps, mais encore ce qui donne à ce corps la vie et l'âme, la prosodie ou la mesure de temps (quantité) et d'accent qui accompagne le son. L'accent consiste dans l'intensité de la voix et la quantité dans sa durée. Les voyelles se divisent, quant à leur accent, en voyelles toniques et voyelles atones, et, quant à leur quantité, en voyelles longues et voyelles brèves. En français la quantité est subordonnée à l'accent, qui a joué le rôle principal dans la formation des mots de notre langue. L'accent tonique est ce qui donne au mot de l'unité et de l'individualité, ce quitfait d'une réunion de syllabes un ensemble parfait et distinct. C'est l'âme du mot, anima vocis, suivant l'heureuse expression du grammairien Diomėde, c'est ce qui le vivifie et le caractérise; car, sans rien ajouter aux éléments matériels doni se compose le mot, il les domine et les anime en quelque sorte : par là, il concentre en lui toute la force d'éxpression et assure l'unité des diverses parties, Il faut se garder de confondre l'accent avec la quantité : celle-ci indique que l'émission du son est plus ou moins prolongée, tandis que l'accent marque que la voyelle est frappée d'une tonalité plus aiguë; en d'antres termes, il exprime, non la durée, mais l'acuité du son. Il y a entre ces deux modalités de la syllabe une autre différence : « c'est que la quantité est absolue, tandis que l'accent est purement relatif. La quantité porte sur telle ou telle syllabe prise isolément, l'accent ne qualifie les syllabes que par rapport à celles qui se trouvent former avec elles un mot ou une phrase. Aussi l'accent est-il susceptible de changer de place suivant les modifications apportées au mot ou à la phrase, tandis que la quantité ne varie qu'avec la nature même de la syllabe qui la porte. Ces deux modalités exercent du reste l'une sur l'autre, suivant les langages, une influence plus ou moins grande; et on remarque généralement que dans les langues les plus anciennes c'est la quantité qui domine et détermine l'accent, tandis que plus tard l'accent l'emporté sur la quantité. « Le mot lahın accentus, de ad et cantus, indique que l'accent est la notation de ee qu'il y a de musical dans la prononciation, de la mélopée du langage. Il distingue en effet les syllabes sur lesquelles on doit élever la voix de celles sur lesquelles on doit l'abaisser, et procure ainsi, en faisant alterner les sons aigus et les sons graves, un chant qui lui a valu son nom. Ce chant n'est pas marqué au mème degré, tant s'en faut, dans toutes les langues; il était heaucoup plus fort dans les langues anciennes qu'il ne l'est dans les langues modernes; parmi celles-ci, et même dans le cercle plus restreint des langues néolatines, nous le trouvons plus sensible chez certains peuples que chez d'autres; et jusque dans le domaine d'un de ces idiomes, nous remarquons quelques dialectes ou patois qui chantent beaucoup plus que les autres (1). » 2. MORPHOLOGIE a. Les espèces de mots et leurs flexions. § 3 1. Au point de vue de leur signification, les mots sont rangés en classes ou catégories qu'on appelle parties du discours. Nous avons en français huit parties du discours, savoir : le nom, distingué en substantif et adjectif, l'article, le nom de nombre, le pronom, le verbe, l'adverbe, la préposition et la conjonction. a) Le nom est un mot qui sert à désigner ou à qualifier une personne ou une chose. Il y en a deux espèces : le nom substantif et le nom adjectif (*). Le nom substantif ou le substantif sert à nommer les êtres, c'est-à-dire les personnes ou les choses, par leurs qualités distinctives, comme le père, le lièvre, le sel, la roue. Le nom adjectif (1) G. Paris, le Rôle de l'accent, p. 7. (2) Dictionnaire de l'Académie, au mot nom. |