Les grammairiens italiens divisent les diphtongues en étendues (distesi) et contractées (raccolti), selon que la voix appuie sur la première ou sur la seconde voyelle: diouiú. Les combinaisons de voyelles de la seconde espèce ne sont pas, à proprement parler, des diphtongues; mais ces diphtongues impropres sont les seules qui existent dans le français actuel. Elles peuvent être pures, comme ia dans piano, ou nasales, comme in dans viande. Des Consonnes. DES ESPÈCES DE CONSONNES. § 11 1. Les consonnes se classent par ordres et par degrés, selon qu'on les considère: 1° par rapport au róle des différents organes qui servent à les former, et 2o quant à l'effort plus ou moins grand que ces organes ont à faire pour les prononcer. 2. D'après les organes de l'articulation, les consonnes se divisent en trois ordres : les gutturales, les linguales et les labiales. a) Les gutturales se prononcent du gosier avec le concours des parties molles du palais, comme c et g, dans camp, et gant. b) Les linguales, appelées aussi dentales, sont formées par la langue avec le concours des dents, comme t et d. dans toit et doigt. c) Les labiales se prononcent particulièrement par le mouvement des lèvres, comme p et b, dans pois et bois. Entre les gutturales et les linguales se trouvent les consonnes palatales, qui sont produites par la racine de la langue et les parties dures du palais (v. § 13). Les sons formés par la langue sont moins individualisés et conséquemment plus liquides que les autres, parce qu'ils sont dans un milien indifférent entre les sons du gosier et ceux des lèvres; ces derniers, appartenant à l'organe exteriour, sont les plus individualisés et consequemment les moins liquides de tous Jes sons. 3. D'après le plus ou moins de force de l'articulation, les consonnes se divisent en trois degrés : les muettes, les spirantes et les liquides. a) Les muettes ou explosives sont formées par le contact complet des organes articulateurs: c et g, t et d, pet b. b) Les spirantes ou sifflantes se distinguent des muettes en ce que le son peut en être prolongé par une sorte de frottement de l'air sortant de la bouche, comme s et 2, dans selle, et zèle, fet v, dans fin et vin. c) Les liquides sont ainsi appelées à cause de leur nature particulièrement mobile et fluide: r, 1, n, m. Ce sont les consonnes les moins articulées. Les muettes et les spirantes sont des consonnes variables ou mobiles, dont l'articulation est plus ou moins forte; ainsi b et p sont produits également par le mouvement des lèvres, mais avec cette différence que l'une est faible et l'autre forte. On distingue ainsi les muettes et les spirantes en deux familles : les fortes et les faibles. Les liquides sont, au contraire, des consonnes constantes ou fixes, dont l'articulation se fait constamment avec le même degré de force. Les muettes sont aussi appelées consonnes explosives ou momentanées, parce que le son s'en fait entendre d'un seul coup, par une sorte d'explosion de la voix qui ne peut durer qu'un instant, et à condition de tomber immédiatement sur une voyelle. Les autres consonnes, spirantes ou liquides, sont dites continues ou fricatives, et elles ont ce caractère commun qu'elles peuvent être prononcées seules et qu'on peut en prolonger le. son tant que dure l'émission de voix. Les muettes, les sifflantes, les liquides et les voyelles forment les quatre degrés de l'articulation: les muettes sont les sons les plus articulés, les voyelles le sont le moins; les sif flantes et les liquides tiennent le milieu. « Les muettes, dit Max Müller, se distinguent des autres sons par ceci, que pour un instant elles arrêtent complètement l'émission du souffle. Les Grecs les appellent aphōna, muettes, parce qu'elles arrètent la voix, ou, ce qui, revient au meme, parce qu'elles ne sont pas susceptibles d'intonation. Elles sont formées, comme disent les grammairiens sanserits, par le contact complet des organes actifs et passifs. Si nous portons la racine de la langue contre la partie molle du palais, nous entendons le bruit de la consonne e (k). Si nous portons la langue contre les dents, nous entendons le bruit de la consonne t. Si nous portons la lèvre inférieure contre la lèvre supérieure. nous entendons le bruit de la consonne p. « Les spirantes et les liquides ont toutes ce caractère commun qu'elles peu, vent être prononcées seules et qu'on peut en prolonger le son tant que dure l'émission de voix. Chez les grammairiens grecs, elles sont toutes réunies sous le nom de hemiphōna ou semi-voyelles, tandis que les grammairiens sanscrits indiquent comme leur qualité spécifique que, lorsqu'on les prononce. les deux organes, l'actif et le passif, qui concourent nécessairement à la formation de tous les bruits consonantaux, ne se touchent pas mais se rapprochent seulement. « Quelle est donc la différence entre les deux categories de consonnes, entre les semi-voyelles et les muettes, entre v et b, par exemple? C'est tout simplement que, pour la première de ces deux lettres, aucun contact n'a lieu, et par suite que le cours du souffle n'est pas interrompu un seul instant, qu'il n'y a pas de silence. tandis que la muette b exige le contact. un contact complet, et par suite amène une pause, de sorte que nous entendons clairement le souffle tout le temps qu'il lutte contre les lèvres qui se ferment sur lui. » MUETTES. $ 12 Dans la formation des muettes ou explosives, le canal de la bouche est entièrement fermé et l'émission du souffle est momentanément arrêtée; c'est pourquoi la forme de ces sons est la plus complètement individualisée et qu'ils marquent le plus haut degré de l'articulation. Comme nous n'avons que trois organes articulateurs, il ne peut y avoir que trois muettes; mais chacune d'elles peut avoir un son doux (moyen, lat. media) ou dur (ténu, lat. tenuis), selon que l'action de l'organe articulateur a plus ou moins d'intensité. De cette manière, on distingue les muettes, gutturales, linguales et labiales, en consonnes fortes, dures, sourdes ou ténues et consonnes faibles, molles, sonores ou moyennes : Muettes fortes ou dures Muettes faibles ou molles Gutturales Linguales Labiales.. Les lettres c et g désignent ici les articulations gutturales qui, en français, se rendent par c et g devant a, o, u, ou une consonne, et par qu et gu devant e et i (quérir, guide). Les muettes, tant faibles que fortes, sont susceptibles d'une aspiration; mais les muettes aspirées sont des sons dérivés ou accessoires, aussi ne se présentent-elles que dans certaines langues. En sanscrit, la série est complète : Gutturales Linguales Labiales. Toutefois les aspirées molles sont, en sanscrit, beaucoup plus importantes et d'un usage bien plus fréquent que les aspirées rudes. Le giec ne connait que les aspirées rudes, qui sont figurées par les signes X, 0, 9; ces aspirées sont devenues, dans le grec plus moderne, de sim. ples spirantes. c'est-à-dire que le double son renfermé dans chaque aspirée s'est réduit a un son simple. Ainsi le 6 grec équiyaut å t + h; mais, en grec moderne, le ◊ se prononce comme le th anglais, c'est-à-dire qu'il a pris un son nouveau on il est impossible de distinguer unt et un h. La même observation s'applique au (anciennement p + h) et au x (k + h). En latin. les aspirées primitives sont devenues méconnaissables: elles ont perdu leur caractere complexe pour devenir des spirantes, ou sons aspirés șimples, et en outre elles se trouvent réduites à deux. le h, qui représente l'ancienne aspirée gutturale, et le f, transformation de l'ancienne aspirée labiale. Le flatin a passé aux langues romanes. mais le h ne s'est pas maintenu partout. SPIRANTES. 1. Le souffle ou aspiration est l'élément matériel des spirantes comme des muettes; mais les spirantes sont des émissions du souffle, tandis que les muettes en sont la suppression momentanée : par là mêine les spirantes sont moins bien articulées que les muettes, et on peut les considérer en quelque sorte comme des muettes incomplètes. L'action des organes articulateurs donne à l'aspiration la forme particulière qui l'individualise en spirante gutturale, linguale ou labiale, chacune de ces spirantes pouvant avoir le son dur ou doux : Gutturales. Linguales. Labiales. f v Spirantes fortes Spirantes faibles Beaucoup de langues ont le h, spirante indéterminée que l'on range parmi les gutturales; mais ce son n'existe pas proprement dans notre langue. Il y a encore d'autres spirantes qui sont étrangères au français, ainsi la gutturale ch (all.) et la dento-linguale th (anglais), qui l'une et l'autre peuvent être fortes ou faibles. Il est à remarquer: 1o que y ou yod est plutôt palatal que guttural; c'est le même son que l'on représente parj en allemand et en italien et par y en espagnol et en portugais; 2o que la linguale faible z se marque le plus souvent en français par la lettre s, qui a le son doux entre deux voyelles: prison; 3° que fet v ne sont pas des labiales pures, mais des labiodentales. On appelle plus spécialement spirantes les cousonnes h et f, ainsi que l'allemand ch et l'anglais tn, sifflante la consonne s forte ou faible (= 2), et semivoyelles les consonnes y ef v, dont le son tend à se vocaliser, c'est-à-dire à se confondre, celui du y avec i, celui du v avec u. 2. Aux spirantes se rattache la consonne palatale appelée chuintante, articulation intermédiaire entre les gutturales et les linguales et qui dérive des unes et des autres. La chuintante exprime un son accessoire qui a cela de commun avec celui de la siffiante s qu'il est formé au moyen de l'aspiration, mais qui s'en distingue dans sa formation par un plus grand élargissement de la cavité de la bouche. La chuintante peut étre, comme le s, ou forte ou faible, selon que l'aspiration est plus ou moins forte. La chuintante forte se rend en français par ch (all. sch; angl. sh; ital. sc devant e et i; magyar s; polonais sz): chien, et la faible par la lettre jou par g devant i et e: jambe, gémir. La chuintante peut être, comme la sifflante s, simple ou composée; la sifflante ou la chuintante composée est formée de telle façon que l'émission de cette spirante est précédée d'un petit coup sonore de la langue, a peu près semblable au son de la muette linguale faible ou forte d. t). Si donc nous dés). gnons la chuintante forte ou faible par s (= fr. ch} et ž (= fr. j ou g devant e, i), nous pourrons représenter la sifflante composée par ts et dz et la chuintante composée par ts (=fr. tch) et dž (=fr. dj ou dg). Mais, dans le déve loppement historique des langues, la chuintante composée se présente comme un son simple, une explosive palatale, que la grammaire comparée marque des signes é.et g. Cette palatale, dérivée des gutturales latines c et gou j, s'est maintenue consonne explosive dans toutes les langues romanes, sauf en français choù elle s'est affaiblie dans la spirante forte ou faible à laquelle on a donné le nom de chuintante: chien de canis, jambe de gamba, gémir de gemere(1). LIQUIDES. Les liquides sont des consonnes intermédiaires, entre les voyelles et les muettes, c'est-à-dire entre les sons liquides et les sons solides par excellence. La série de ces consonnes ne se compose pas, comme pour les muettes et les spirantes, de trois sons correspondant aux trois organes de l'articulation, mais elle comprend quatre lettres r, l, n, m, qui appartiennent à la famille des consonnes faibles ou douces et qui se divisent, comme les voyelles, en liquides pures ou liquides proprement dites, r et l, et nasales, net m. Par leur formation les premières se rattachent plus spécialement aux spirantes, r comme palatale et comme dentale ou palato-dentale, et les secondes aux muettes ou explosives, n comme linguale ou labio-dentale et m comme labiale. Les liquides pures s'unissent facilement à d'autres consonnes pour former des articulations doubles, appelées consonnes composées, comme gr dans grêle, pl dans pli, etc. Les liquides nasales ne peuvent pas se combiner de la sorte en français; mais, quand elles terminent la syllabe, ellés perdent leur son propre et rendent nasale la voyelle précédente (§ 10). Les liquides / et n sont dites mouillées lorsqu'elles sont suivies phonétiquement, c'est-à-dire pour l'oreille, d'un ý ou yod; len mouillé ou ny se rend en français par gn: vigne, et le l mouillé ou ly par ill ou ll : paille, fille (2). Placée au milieu de l'échelle d'articulation, entre la voyelle et la muette, la liquide participe de la nature de l'une et de l'autre : d'un côté elle se joint à la voyelle comme toute autre consonne, par ex. rat, et de l'autre elle se joint comme voyelle à la muette pour former avec cette dernière un son unique, par ex. bras. Mais, comme les labiales sont les plus individualisées de toutes les (1) La sifflante composée s se marque en italien par z et est tàntot faible (ds) et tantôt forte (18). Dans la même langue. la chuintante composée se rend quand elle est faible, par g devant e et i, et par gi devant les autres voyelles; et quand elle est forte, par e devante et i. et par ci devant les autres voyelles. (2) Voici comment ces consonnes se transcrivent dans les autres langues romanes : |