Il se faut entr'aider, c'est la loi de nature (La F. VIII, 16). Pour se plaindre les uns les autres (Flor.) Dans ces phrases où l'on emploie les mots l'un l'autre, l'un est toujours sujet et l'autre est toujours régime: Ils s'aiment l'un l'autre, c'est-à-dire : Ils s'aiment, l'un (aime) l'autre. Ne dites donc pas: Ils se nuisent l'un l'autre, mais dites: Ils se nuisent l'un à l'autre, l'analyse de la phrase donnant: Ils se nuisent, l'un (nuit) à l'autre. 8. La forme réfléchie peut exprimer dans le méme verbe l'idée intransitive, transitive ou réciproque: Il se loue de mes procédés. Il se loue sans cesse. Ils se louent les uns les autres. Chapitre XX. EMPLOI DES MODES ET DES TEMPS Article I.-Des modes et des temps en général. § 195 1. Les trois modes indicatif, subjonctif et impératif répondent aux rapports de réalité, de possibilité et de nécessité. Mais ces différents rapports peuvent s'exprimer aussi par les formes temporelles de l'indicatif seul, savoir: a) La réalité, par le présent, et surtout par le parfait, qui est aussi un présent: Tous les hommes sont mortels. J'ai lu Molière. b) La non-réalité, par le passé (imparfait et conditionnel), qui n'est pas et ne peut pas devenir le présent: Si Dieu n'existait pas, il faudrait l'inventer; mais toute la nature nous crie qu'il existe (Volt.). c) La possibilité et la nécessité, par le futur: Comment nommerai-je cette sorte de gens qui ne sont fins que pour les sots? (La Br.) Dieu en vain tu ne jureras (Ac.). 2. Les formes nominales du verbe, l'infinitif et le participe, s'appellent aussi formes impersonnelles, parce qu'elles n'expriment pas plus la personne et le nombre du sujet que le mode de l'action; en revanche elles peuvent marquer le rapport de temps, et l'on distingue ainsi un infinitif présent et un infinitif passé, un participe présent et un participe passé (§ 323). Les formes nominales du verbe ont la signification de membres de la proposition simple ou jouent dans la phrase composée le rôle d'une proposition accessoire. Nous n'avons à nous occuper dans ce chapitre que de leur emploi dans la proposition simple. Article 11. Des modes personnels. A. Indicatif. $ 196 1. L'indicatif, mode de la réalite, s'emploie non seulement dans la proposition principale, mais encore dans la proposition subordonnee, pour exprimer un fait réel, c'est-à-dire soit un jugement positif ou négatif, soit une question (§ 161). Une traitresse voix bien souvent vous appelle; Ne vous pressez done nullement (La F. VIII, 21). Y a-t-il rien de plus respectable que d'anciens abus? Oui, oui, la raison est encore plus ancienne (Mont.). Quand le jugement est supposé réel, quoiqu'il ne le soit pas (jugement imaginaire, § 161), il s'exprime également par l'indicatif: L'homme serait heureux, s'il n'était pas dominé par ses passions (L'homme n'est pas heureux, parce qu'il est dominé par ses passions). Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas ne? ¡La F. 1, 40) Pour donner plus de force à l'expression d'un jugement, on ie rend souvent par le jugement contraire sous forme de question, et alors l'affirmation se marque par la négation: L'âme n'est-elle pas immortelle? (L'àme est immortelle), et réciproque-. ment la négation se marque par l'affirmation: Un livre vous déplaît: qui vous force à le lire? (Boil.) (= Personne ne vous force à le lire). Moi, je m'arrêterais à de vaines menaces! (Rac.) (= Je ne m'arrêterai pas à de vaines menaces). N'êtes-vous pus souris? Parlez sans fiction. Oui, vous l'êtes; ou bien je ne suis pas belette (La F. II, 5). N'ont-ils pas sous nos toits de la mousse et des nids? (Lam.) Moi! le faire empereur? Ingrat! L'avez vous cru? (Rac...) Croirait-on qu'à près de dix-neuf ans on puisse fonder sur une fiole vide la subsistance au reste de ses jours? (J.-J. R.) 2. Les temps de l'indicatif, qui, d'après l'état de l'action exprimée, peuvent être imparfaits ou parfaits (§ 252), se divisent encore, à un autre point de vue, en présents et prétérits. a) Les présents n'expriment le temps que par rapport à l'instant où l'on parle. Ce sont le présent, le futur, le parfait et le futur parfait. b) Les prétérits marquent le temps non seulement par rapport à l'instant de la parole, mais encore par rapport à un autre fait passé. Ce sont: l'imparfait, qui exprime une action passée simultanée à un autre fait également passé; le prétérit. qui exprime une action passée postérieure ou antérieure à une autre action passée: le plus-que-parfait et le prétérit antérieur, qui expriment une action comme passée dans le moment où l'on parle, mais en même temps comme accomplie antérieurement à une autre action également passée; les deux conditionnels, qui expriment un futur par rapport à un passé et qui peuvent être considérés, l'un comme l'imparfait, et l'autre comme le plus-queparfait du futur. Parmi les temps imparfaits, le présent, le futur et le prétérit sont des temps absolus, qui peuvent s'employer dans la proposition simple, parce qu'ils sont capables d'exprimer une idée temporelle absolument complète; l'imparfait et le conditionnel sont, au contraire, des temps relatifs, qui ne se présentent en général que dans la proposition composée, parce que leur propriété essentielle est de se rapporter à une autre idée de temps. Tous les temps composés, sauf le parfait, sont des temps relatifs. Il ne faut pas confondre cette division des temps en présents et passés avec celle des formes de la conjugaison que nous avons distinguées, au point de vue purement étymologique, en trois groupes ou séries, appelées temps ou formes du présent, du passé et du futur (§ 102). Ainsi l'imparfait est pour la forme un temps du présent, et le conditionnel un temps du futur; mais, envisagés quant à leur emploi syntaxique, les deux temps appartiennent à la même catégorie et sont des prétérits. 1. Présent. 1. Le présent exprime l'action comme présente au moment où a lieu l'acte de la parole: Je lis votre lettre. Le voici qui vient (Ac.). On se sert du présent non seulement pour exprimer une action faite dans le temps présent, mais encore pour exprimer l'habitude de faire une action, si au moment présent cette habitude dure encore: Je lis tous les jours une heure, c'est-à-dire j'ai encore maintenant l'habitude de lire, quoique dans le moment présent je ne lise pas. 2. Les vérités générales qui sont de tous les temps s'expriment aussi par le présent: L'homme propose et Dieu dispose. Rien ne pèse tant qu'un secret (La F. VIII, 6). Ce Dieu, maître absolu de la terre et des cieux, AYER, Grammaire comparée. 30 Juge tous les mortels avec d'égales lois, Et du haut de son trône interroge les rois (Rac.). 3. Le present s'emploie aussi au lieu du futur, surtout lorsque l'action future est très rapprochée du présent ou qu'elle est déjà indiquée par un mot de la phrase ou par l'ensemble du discours: Demain au capitole il fait un sacrifice (Corn.). Je suis de retour dans un moment (Mol.). Et ce jour effroyable arrive dans dix jours (Rac.). J'arrive de Tarente et j'y retourne (Courier). 4. On se sert quelquefois du présent au lieu du futur pour mieux affirmer la certitude d'une action à venir: Que ferons-nous s'il lui bient des enfants ? Se peut souffrir; une demi-douzaine Adieu joncs et marais, notre race est détruite (La F. VI, 12). 5. Le présent s'emploie encore au lieu du prétérit, dans les récits d'événements passés, pour donner plus de vie au discours. Le narrateur, en se transportant en esprit dans le passé, croit y assister encore; la vivacité de ses souvenirs lui fait illusion et il décrit ce qu'il se rappelle comme s'il l'avait présent sous les yeux. Le présent ainsi employé s'appelle présent historique: Alexandre soumet les Grecs, passe en Asie, défait Darius, etc. On cherche Vattel; on court à sa chambre; on heurte, on enfonce la porte, on le trouve noyé dans son sang (Sév.). Turenne meurt, tout se confond, la fortune chancelle, la victoire se lasse, la paix s'éloigne, les bonnes intentions des alliés se ralentissent, le courage des troupes est abattu par la douleur (Fléch.). Quelquefois le présent historique se trouve dans une même phrase avec l'un ou l'autre des passés, comme dans cet exemple: Le combat était douteux, et il se prolongea plusieurs heures de plus, lorsqu'on voit tout à coup soixante vaisseaux de Cléopâtre traverser à toutes voiles les lignes d'Antoine (Mich.). L'insecte, du combat, se retire avec gloire: Il y rencontre aussi sá fin (La F: II, 9). J'ai vu, seigneur, j'ai vu votre malheureux fils Ils courent: tout son corps n'est bientôt qu'une plaie (Rac.). 2. Imparfait. § 198 1. L'imparfait a un double emploi: a) Il marque une action passée dont la durée coïncide avec une autre action également passée; employé dans ce sens. l'imparfait est un temps relatif, c'est le present dans le passe. b) Il désigne une action souvent répétée ou prolongee, c'està-dire une durée non déterminée, et par là il exprime surtout l'habitude et la qualité; en ce sens l'imparfait est un temps. absolu, qui s'oppose au prétérit et exprime l'idée du passé d'une manière complete et sans rapport à une autre action. 2. Comme temps retatif, l'imparfait se présente dans la proposition composée : a) Pour exprimer deux actions simultanées, parallèles, ayant une durée indéterminée, et dans ce cas les deux verbes sont également à l'imparfait: 1/ jouait pendant que j'écrivais. Pendant que Rome conquérait l'univers, il y avait dans ses murailles une guerre cachée (Mont.). b) Pour exprimer une action dont la durée a été interrompue par une autre action, marquée par un verbe au prétérit: Il était nuit quand je sortis. Charles XII avait douze ans lorsqu'il perdit sa mère (Volt.). 3. Comme temps absolu, on emploie l'imparfait: a) Dans les descriptions et peintures des scènes de la nature: La scène sur la terre n était pas moins ravissante. Le jour bleuatre et velouté de la lune descendait dans les intervalles des arbres, et poussait des gerbes de lumière jusque dans l'épaisseur des plus profondes tenebres. La rivière qui coulait à mes pieds. tour à tour se perdait dans les bois, tour a tour reparaissait toute brillante des constellations de la nuit, qu'elle répetait dans son sein: Dans une vaste prairie, de l'autre côte de cette rivière, la clarté de la lune dormait sans mouvement sur les guzons. Au loin, par intervalles, on entendait les roulements solenneis de la cataracte du Niagara, qui, dans le calme de la nuit, se prolongeaient de désert en desert, el expi raient a travers les forêts sotilaires (Chat.). b) Dans les descriptions des qualités, mœurs et habitudes: Pierre I se lovait régulièrement à quatre heures du matin; a cing on lui apportait un petit déjeuner: il dinait à onze, il ne soupait point, il se couchait de bonne heure (Volt.). Son menton nourrissait une barbe touffue, Toute sa personne velus Représentait un ours, mais un ours mal térké: Le regard de travers, nez tortu, grosse lèvre, Et ceinture de jonos marins (La F. XI, 7). c) Pour exprimer les circonstances accessoires qui viennent se meler aux faits passagers de l'action pour marquer les transitions De là il résulte que le récit passe du prétérit eu temps historique à l'imparfait, lorsque l'action doit étre énoncée comme |