conduit à la liberté et à l'égalité religieuses. On avoue, il est vrai, qu'une religion est nécessaire au peuple, mais une religion quelconque, peu importe laquelle; et pour qu'il se décide plus librement, ou les lui présente avec un égal mépris. L'auteur examine les conséquences de ce systême désastreux, et y oppose les salutaires effets de la religion quand elle est regardée comme croyance divine, et qu'elle conserve sa vigueur et son autorité sur les armes. Mais le systéme de l'indifférence n'est pas senleinent funeste, il est absurde. Si ce sont des législateurs qui ont inventé la religion, qu'on nous dise à quelle époque. Avant qu'il y eut des législateurs, il y avoit des sociétés et il ne peut y avoir de société sans religion. Donc la religion n'est pas une invention humaine. Les législateurs se prévalurent des croyances reçues pour sanctionner leurs lois; mais comment la religion cût-elle pu confirmer et ap puyer ces lois, si elle ne les eût précédées? L'histoire, le raisonnement et l'expérience sont donc ici d'accord. Les législateurs n'ont pas plus inventé la religion, qu'ils n'ont inventé la morale. Il y a plus; le systême que l'on combat ici suppose deux choses, la fausseté de la religion, et sa nécessité pour le maintien de l'ordre social. Or, la religion n'est utile qu'autant qu'on y croit. Soutenir qu'elle n'est nécessaire qu'au peuple, c'est comme si l'on disoit qu'elle est nécessaire à tous les hommes, hors à ceux qui n'y croient pas, puisque les philosophes appellent peuple tout ce qui croit. Si personne ne croyoit, la religion ne seroit donc nécessaire à personne, et toutefois elle seroit nécessaire à la société. Quel tissu d'inconsé quences! Enfin, la religion n'est nécessaire au peu Ca ple que parce qu'elle est là base des devoirs, et la règle des mœurs. Le philosophe se croiroit-il inde pendant sous ce rapport, ou auroit-il trouve un autre fondement à la morale? On l'à cherché, il est vrai; mais cette vaine recherché n'a encore abouti qu'a montrer le désir de se passer de la religión, sans pouvoir rien mettre à la placé. Telle est l'analyse des chapitres 11 et 11 de l'Essai: nous avons essayé de suivre les principaux raisounemens de l'auteur, et nous n'avons presque fait usage que de ses paroles; mais nous n'avons pu les reproduire dans toute leur force, et surtout nous avons sacrifié beaucoup d'idées intermédiaires, et par-là nous avons fait disparoître trop souvent l'effet qui résulte de la liaison et de l'ensemble, en même temps que nous avons effacé le coloris qui relève l'éclat des preuves. Pour dédommager le lecteur de cette perte, nous lui mettrons sous les yeux le morceau qui courome cette partie de l'Essai; « Parmi les philosophes qui admettent la nécessité politique de la religion, combien en est-il qui ne travaillent pas de toul leur pouvoir, chacun selon son caractére et ses moyens, les uns par des écrits, les autres par des discours, et tous par leurs exemples, à décréditer la religion, et à propager l'incrédulité jusque dans les dernières classes du peuple? Qu'ils regardent en pitié les erreurs du vulgaire, c'est la suite naturelle de de leat propre erreur; mais pour être conséquens, ils devroient, comme les philosophes païens dont parle Gibbon, pratiquer avec exactitude les cérémonies religieuses de leurs ancêtres et fréquenter dévotement les temples. Leur systême les y oblige; est-ce la cependant ce que nous voyons? Ne rougiroient-ils pas, au contraire, de partager, en apparence, les opinions du peuple, et même de dissimuler leur niépris pour les objets de son respect et de sa foi? Leur orgueil auroit trop à souffrir s'ils pensoient qu'on pût les confondre avec la foule : , des croyans. Ils s'en séparent avec dédain, ils leur prodiguent les amers sarcasmes l'insultante dérision, , et jaloux de mon trer une supériorité d'esprit imaginaire, ils sacrifient de gaité de cœur aux pitoyables illusions d'un amour-propre aveugle, et l'intérêt sacré de l'Etat, et leurs principes mêmes...... Le peuple s'aperçoit qu'on le regarde en pitié, et ne tarde pas à rougir d'une religion qui l'humilie. Persuadé qu'elle est le partage de l'imbécillité et de l'ignorance, pensez-vous que ce partage extérieur le flatle extreinement? Philosophes, parlez moins de la dignité de l'homme, ou respectez la davantage. Quoi! c'est au nom de la raison, c'est en exaltant avec einphase ses droits imprescriptibles, que vous condamnez froidement plus des trois quarts du genre humain à être la dupe de l'imposture! De grace, montrez-vous plus généreux envers vos frères; laissez pénétrer jusqu'à eux quelques rayons de la lumière dont vous vous applaudissez d'être en possession. Aussi bien ne dépend-il pas de vous de l'empêcher; car, prenez-ý garde, s'il faut des vertus, et par conséquent de la force pour etre religieux, il ne faut que des passious, et par conséquent de la foiblesse pour être incrédule. Le cœur se porte de ce côté de tout le poids de la corruption; et vous vous imaginez qu'en jetant la la religion au peuple, et lui disant que c'est pour ce sera frein nécessaire, il I s'empressera de la saisir en vous abandonnant les renes! Il s'abstiendroit pour vous, et vous jouiriez pour Ini. Mais dans ce cal alcul ingenieux, yous publiez deux choses, l'orgueil et la cupidité. Quand une fois une opinon admise, que la religion n'est qu'un leurre dont on amuse le peuple, qui voudra être peuple, et s'imposer des devoirs pénibles pour ur acquérir la flatieuse ase reputation d'un sot? Chacun prenant modele la classe a au-dess ssus pensera s'élever en ne croyant pas, et n'en répétera pas moins du ton dédaignet eux, la religion est nécessaire au peuple. Les grands la reny verront avec mepris aux magistrats, les les may gistrats à la bourgenisie, la bourgeoisie aux artisans, les ar tisans aux simples manœuvres, et ceux-ci aux derniers men les rebuts. Semblable à ces ines que pyera sur dans de $ nos nos saints livres, dians, de qui elle essuye fogers dixips, dont il est parlé cette fille du ciel, éluangère an miljen de la société, et y cherchant en vain up repos, sera réduite à s'asseoir sur les pierres des places pub'iques, entourée d'une foule moqueuse qui rougi roit de lui offrir un asite pospitalier ". Dans les chapitres Iv et v, l'auteur traite du second degré d'indifférence, c'est-à-dire, de la doctrine de ceux qui tenant pour douteuse la vérité de toutes les religions positives, croient que chacun doit suivre celle où il est né, et qui ne reconnoissent que la religion naturelle. Là, s'offroit pour principal adversaire ce sophiste éloquent, qui plaida avec un zèle et une chaleur presque égales, tantôt la cause de la vérité et de la vertu, tantôt celle de l'erreur et des passions. Rousseau reconnoît la nécessité d'une religion, et prétend qu'on ne sauroit discerner la vraie; il soutient donc que toutes les religions sont indifférentes, et exhorte chacun à honorer le fondateur de son culte. L'auteur de l'Essai bat en ruine ce systême d'indifférence; il suit Rousseau pied à pied, il l'oppose e à lui-même, il le harcelle avec ses propres armes; « Un fils, disoit Rousseau, n'a jamais tort de sutvre la religion de son père. Ainsi en matière de religion', la naissance décide de tout. Ici c'est un devoir d'être polytheiste; là, c'est un devoir de n'adorer qu'un Dieu. La foi doit changer avee Jes climats, varier selon les degrés de latitude; autant de pays, autant de devoirs opposés. Chrétien en Europe, musulman dans la Perse, idolatre au Congo, vous rendrez sur les bords du Gange les honneurs divins à Vishnou. Votre père, un peu crédule, adoroit une pierre, un oignon; conkervez ce culte domestique. Un fils n'a jamais tort de suivre la religion de son père: mais cette religion est indigne de Dieu et déshonorante pour l'homme; n'importe, vous y êtes né; en professer une autre, seroit une inexcusable présomp tion. >> D'ailleurs, je le demande aux admirateurs enthousiastes de Rousseau, à vous particulièrement qui êtes nés en pays catholique et de parens catholiques, professez-vous sincèrement, comine Rousseau le veut, la religion de vos pères? Vous voit-on pratiquer les devoirs que la religion catholique impose à ceux qui font profession de la suivre? Assistez-yous régulièrement dans nos temples aux offices publics et aux instructions des pasteurs? Obéissez-vous aux lois de l'Eglise? Gardez-vous scrupuleusement les lois de l'abstinence et du jeûne? Fuyez-vous les spectacles dangereux? Fréquentezvous les tribunaux de la pénitence? Vous souriez de ces questions... Tels sont pourtant vos devoirs selon la doctrine de votre maître, et vous êtes forcés d'être inconséquens pour ne pas être hypocrites ». Dans le chapitre v particulièrement, l'auteur cite et réfute les plus célèbres partisans de la religion Daturelle, tant en Angleterre que chez nous, et là, il retrouve encore Rousseau, dont il fait sentir avec un rare talent de discussion, et les sophismes et les contradictions. Il prouve que leur religion naturelle se réduit dans le fait à rien, puisqu'ils ne savent s'accorder ni sur les dogmes ni sur son culte. Ce que Rousseau, entr'autres, dit sur ce dernier article, est très-bien apprécié par l'auteur : «Je m'exerce, dit le philosophe genevois, aux plus sublimes contemplations; je méditę sur l'ordre de l'univers, non pour l'expliquer par de vains systémes, mais pour l'admirer sans cesse, pour adorer le sage auteur qui s'y fait sentir. Je converse avec l'auteur de l'univers; je pénètre toutes mes facultés de sa divine essence; je m'attendris à ses bienfaits; je le bénis de ses dons; mais je ne le prie pas. Que lui demanderois-je? On conçoit en effet que l'homme n'a rien à demander à Dieu; il est si riche de son propre fonds, son esprit est si plein de lumières, son cœur si fertile en bons sentimens! Au reste, je ne pense pas que dans l'énumération qu'on vient de lire, Rousseau prétende faire un devoir à tous les hommes de chaque point de sa pratique personnelle. Qu'il s'exerce tant qu'il voudra aux sublimes contemplations; qu'il médite sur l'ordre de l'Univers; qu'il s'attendrisse, rien de mieux: mais on ne s'attendrit pas à volonté, et le pauvre laboureur, qui cultive péniblement un petit coin de cet univers dont l'ordre lui est inconnu, seroit étrangement à plaindre s'il étoit nécessaire qu'il méditat sur cet ordre qu'il ignore, |