fatalisme, etc. Voilà les importantes vérités qu'Helvétius révéla au monde dans le livre de l'Esprit. L'éditeur rappelle avec complaisance les complimens que Voltaire adressoit par fois à Helvétius. Mais on pourroit aisément opposer à ces cajoleries intéressées d'autres endroits de sa Correspondance où le patriarche de Ferney disoit plus franchement ce qu'il pensoit du riche financier, Une lettre du 7 février 1759, a Thiriot, montre le cas qu'il faisoit du livre de l'Esprit. On peut reprocher à l'auteur, dit-il, que l'ouvrage ne répond point au titre; que des chapitres sur le despotisme sont étran gers au sujet, qu'on prouve avec emphase quelquefois des vérités rebattues, et que ce qui est neuf n'est pas toujours vrai; que c'est outrager l'humanité de mettre sur la méme ligne, l'orgueil, l'ambition, l'avarice et l'amitié, qu'il y a beaucoup de citations fausses, trop de contes puérils, un mélange de style poétique et boursoufflé avec le langage de la philosophie, une affectation révoltante de louer de mauvais ouvrages, un air de décision plus révoltant encore. La morale est trop bles. sée dans ce livre, écrivoit-il encore, à Damilaville, le 50 janvier 1762. Quant au livre de l'Homme, il trouvoit que ce n'étoit guère que du fatras, et qu'il n'y avoit pas le sens commun. (Lettres du 16 juin et du 1er. septembre 1773). Il me semble que nous pouvons bien, sans être trop difficiles, nous en tenir au jugement de Voltaire, dont l'autorité vaut bien celle de M. Lefèvre la Roche, et à celui de la postérité, qui a mis Helvétius à sa véritable place. Nous nous flattons donc que cette nouvelle édition d'un auteur qu'on ne lit plus, n'aura pas tout le succès que s'en promettent les propagateurs de cette entreprise philosophique. Je ne sais si l'entreprise de M. Fabre d'Olivet a été plus heureuse; mais je n'ai appris que parla province, je le confesse, l'existence de son gros ouvrage. C'est néanmoins à Paris que cet écrivain a publié, en 1816, ba Largue hébraïque restituée, et le véritable sens des 1 1 mots hébreux rétabli et prouvé par leur analyse radicale; ouvrage dirigé contre nos livres sacrés. Il est reçu aujourd'hui que, pour peu qu'on ait d'érudition, il faut faire un systéme. Dupuys avoit attaqué le christianisme avec un mélange de connoissances astronomiques et de conjectures sur l'antiquité. M. Fabre d'Olivet a pris d'autres armes. Il s'avance chargé d'une érudition orientale, et fait à coups de Dictionnaire la guerre à la religion. Il prétend trouver dans le phénicien la clef de la connoissance de la langue hébraïque, c'est-àdire, qu'il se sert de l'inconnu pour expliquer ce qui lui paroît incertain, et qu'il double la difficulté au licu de la simplifier. La plupart de nos livres saints ne sont à ses yeux que de froides chroniques, des allégories mal comprises, des chants de vengeance, d'orgueil et de volupté décorés des noms de Josué, de Ruth, de Samuel, de David et de Salomon. A l'exemple de beaucoup de philologues allemands, il tourne tout en allégories, en mythes, en symboles, et explique ce qu'il n'entend pas avec du galvanisme, de l'électricité, de l'oxigène et de l'azote. Il paroît moins maltraiter le Pentateuque, qu'il n'appelle que le sépher, mais il lui ôte également son caractère d'inspiration, et le dénature par des interprétations forcées, qu'il vous expose avec une confiance imperturbable. Chaque caractère hébreu est, selon lui, un hiéroglyphe qui représente une idée mère. Ces hiéroglyphes se prêtent à tout ce qu'on veut, et avec de l'imagination et de la singularité, on bâtira sur cette base dix systêmes tous contradictoires, mais tout aussi vraisemblables les uns que les autres. Pour juger du mérite de la traduction et du Commentaire, nous citerons la manière dont il rend les deux premiers versets de la Génèse : Premièrement, en principe, il créa Elohim (il détermina en existence potentielle, lui, le Dieu des dieux, l'Etre des étres), l'ipseite des cieux et l'ipséité de la terre, et la terre existoil, puissance contingente d'etre dans une puissance d'être; et l'obscurité (force compressive et durcissante) étoit sur la surface de l'abime (puissance universelle et contingente d'étre); et le souffle de lui les dieux (force expensive et dilatante) étoit générativement mouvant sur la surface des eaux (passivité universelle). Telles sont les explications lucides et élégantes de M. Fabre; c'est avec ce galimathias qu'il prétend nous débrouiller le chaos de l'antiquité. Un pareil style et un gros volume in-4o. ne sont pas heureusement fort séduisans, et l'auteur pourroit bien en être pour sa peine (1). Voilà deux auteurs qui ont pris à tâche, l'un de corrompre la métaphysique, l'autre d'abuser de l'érudition. Il falloit encore un livre pour former la jeunesse dans les mêmes principes, et pour lui inspirer la haine des prêtres et l'horreur pour la superstition, ou pour ce qu'il plaît à un certain parti d'appeler de ce nom. Mme. Dufrénoy a bien voulu se charger de cette tâche. Elle a publié, ces dernières années, une Biographie des jeunes demoiselles, ou Vies des Femmes célèbres, depuis les Hébreux jusqu'à nos jours; ouvrage destiné à l'instruction de la jeunesse; 2 vol. in-12. Les parens chrétiens auront beaucoup d'obligations à l'auteur pour le soin qu'elle prend d'instruire leurs filles. Dans la Vie de la reine Blanche, mère de saint Louis, Mme. Dufrénoy dit: Le peuple gémissoit sous l'oppression du clergé, qui, dans tous les temps ambitieux et dominateur, n'a cessé de disputer le pouvoir aux souverains (page 317). Marguerite, femme de saint Louis, recourut aux vœux dans un grand péril, selon l'esprit du temps; comme si ces frivoles engagemens des mortels devoient changer les décrets éternels de la Providence (page 331). On est bien sûr, au moins d'après cela, que les filles élevées à (1) Voyez une excellente lettre, insérée dans le Journal du Gers, du 25 novembre 1817. Elle est, dit-on, de M. B., recteur de P. M., près Ausch, et fait honneur aux connoissances et à la critique de cot ecolésiastique. si l'école de Mme. Dufrénoy ne se feront pas religieuses, et qu'elles mépriseront ces engagemens frivoles. Dans la Vie de Marguerite, femme du roi de Navarre, François I". l'en eût cru, les plus horribles cruautés n'auroient pas souillé son règne, et l'Eglise n'auroit pas fait couler le sang par torrens (page 429); sur quoi il n'y a que deux petites difficultés à faire, savoir si le sang a coulé par torrens sous François ler., et si c'est l'Eglise qui l'a fait couler. Il est vrai que c'est être bien exigeant que d'astreindre un auteur de romans à suivie la vérité historique. Mime. Dufrénoy ramène encore ailleurs les prêtres sur la scène, et signale les fureurs de leur sanglant délire. Elle assure que Mme. de Maintenon avoit plus de dévotion que de piété, et qu'elle ne pardonna jamais à Louis XIV de ne lui avoir pas accordé le titre de reine; et qu'en sait-elle, tandis que l'histoire ne nous indique nulle part qu'il y ait eu des nuages dans l'union du Roi et de cette dame? Mme. Dufrénoy fait un éloge outré de Mme. Rolland, femme du ministre, et si connue, au commencement de la révolution, par l'exagération de son républicanisme. C'est un assez mauvais exemple à présenter aux jeunes personnes qu'une révolutionnaire si ardente, et c'est surtout la preuve d'un fort mauvais esprit que de meltre sous les yeux de la jeunesse une lettre insolente que cette dame Rolland s'avisa d'écrire au Pape, au sujet de quelques François qui avoient été emprisonnés, à Rome, en 1792. Mme. Rolland dit à Pie VI, que la nation généreuse dédaigne les conquétes, comme on l'a bien vu depuis; mais qu'elle saura faire respecter ses droits. Elle avertit poliment le Pape que sa domination tombe en vétusté, el que les siècles d'ignorance sont passes. Enfin, dans la Vie de Mme. de la Fayette, Mme. Dufrénoy a l'air de regarder comme une chose merveilleuse que cette dame ait eu une piété dégagée de tout esprit d'intolérance. Il paroît que l'auteur ne rencontre pas souvent des personnes pieuses; elle eût pu faire la même remarque sur chacune d'elles. La piété est la meilleure garantie de la charité, et la charité chrétienne ne se réduit pas à des phrases, et est la meilleure espèce de tolérance, car ce qu'on appelle de ce dernier nom ne sert le plus souvent qu'à couvrir une indifférence décidée pour toute religion. Ce que nous pouvons conclure de tout ceci, c'est qu'on ne sauroit faire un plus mauvais présent à de jeunes filles, que de leur mettre entre les mains cette Biographie, où elles puiseront des idées fausses sur la religion et sur les prêtres. C'est un avis à donner aux parens sages, et aux maîtresses chrétiennes. Descendrons-nous jusqu'aux brochures? Chaque mois en voit éclore de nouvelles qui renchérissent sur les précédentes en hardiesse et en déraison. Plusieurs des écrits publiés contre le Concordat portent ce double caractère. Mais il en est un qui se distingué entre les autres; c'est l'Evangile et le Budget, ou les Réductions faciles, par M. Talon-Brusse. Il est difficile de trouver plus de déclamations et d'injures, des objections plus misérables, des plaisanteries plus fades, un ton plus ignoble, des raisonnemens plus absurdes, des vues plus ridicules; car l'auteur prétend aussi régenter et donner des conseils. Il paroît qu'il s'est caché sous l'anagramine de son nom. Il y a en effet de quoi se cacher quand on a pu concevoir et écrire un si triste pamphlet. A tant de moyens de propager l'irréligion, il n'étoit plus besoin d'ajouter, pour rendre l'attaque complète, et pouvoir se promettre un plus grand succès; il n'étoit plus besoin d'ajouter, dis-je, qu'un journal qui répandit les mêmes doctrines, Ce journal s'est trouvé, et remplit sa mission avec zèle. Dans deux occasions récentes il a montré sa bonne volonté. Dans son numéro du 26 janvier, il s'est faché contre l'auteur d'un livre récent où l'on représentoit les malheurs de la révolution comme des punitions de nos fautes. Ce langage, si conforme à l'Ecriture, et dont nous trouvons tant d'exemples dans 1 |