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couronner Louis empereur à Rome. Une fois, au milieu de toutes ces rébellions, Guillaume s'écrie:

Hé povres rois, lasches et assotez,
Ge te cuidai maintenir et tenser
Envers toz ceus de la crestienté;

Mès toz li mons si t'a cueilli en hé (haine).

C'est là un écho assez fidèle des impressions qu'avait laissées Louis le Débonnaire et surtout tel ou tel des carlovingiens, ses successeurs.

Li Charrois de Nymes continue l'histoire de Guillaume. Le vaillant comte revenait de la chasse avec son arc, ses faucons et sa meute de chiens, et entrait dans Paris par le Petit-Pont, quand il rencontre son neveu Bertrand qui lui annonce que le roi Louis a fait distribution de fiefs sans songer à celui qui fut si longtemps son champion. Guillaume, courroucé, entre dans la salle qu'il fait trembler sous ses pas, et réclame sa part. «< Attendez, dit le roi, il mourra quelqu'un de mes pairs, et je vous donnerai sa terre. »Guillaume répond que, n'ayant pas de quoi fournir la provende à son cheval, il ne peut être renvoyé à un terme aussi incertain que la mort d'autrui :

Dex! com grant val li estuet avaler,
Et à grant mont li estuet à monter,
Qui d'autrui mort atent la richeté!

La querelle s'envenime; et Guillaume, parlant par grant outrage, reproche à Louis tous les services qu'il lui a rendus, les combats qu'il a livrés, les nuits où il a veillé, les jours où il a jeûné. Inquiet de cette colère, Louis cherche à calmer son terrible vassal, et il lui

offre différents fiefs. Guillaume rejette toutes ces offres avec insulte: et de fait, que lui offre-t-on? La terre du preux comte Foulque, d'Auberi le Bourguignon, du marquis Béranger, qui sont morts à la guerre et qui ont laissé des veuves et des orphelins. Il fait honte de pareilles largesses au roi, qui lui propose alors le quart de toute France, la quarte cité, la quarte abbaye, et ainsi de suite. Mais Guillaume dit qu'accepter un tel don ce serait faire tort à son seigneur, et il s'en va menaçant et roulant des projets de vengeance.

y a une scène très-semblable dans Raoul de Cambrai; Raoul réclame l'honneur du Cambrésis; mais le roi en a disposé en faveur d'un autre; de là des réclamations violentes, des insultes au suzerain et des guerres cruelles. Pour Guillaume, les choses ne vont pas jusque-là; son neveu Bertrand le rappelle aux sentiments de vassalité :

Vo droit seignor ne devez menacier,
Ainz le devez lever et essaucier,

Contre toz homes secorre et aïdier.

En conséquence, Guillaume demande à son droit seigneur un don qui puisse être accordé sans faire tort à personne, un don sur les Sarrasins de France et d'Espagne. C'est ainsi qu'il entreprend la conquête de Nimes. Il part donc suivi de la fleur des chevaliers de France, et rencontre en chemin un vilain qui menait quatre bœufs, une charrette, et, dessus, un tonneau de sel. Comme le vilain venait de Nimes, on l'interroge, et aussitôt un chevalier conçoit le projet d'une ruse de guerre, à savoir prendre mille tonneaux semblables à celui du vilain, y cacher les chevaliers, et les

conduire sur des charrettes jusque dans la ville. Une fois dedans, à un signal donné, les chevaliers sortiront des tonneaux et combattront les Sarrasins. Aussitôt on se met à l'œuvre; on fait travailler les vilains par poesté; par poesté aussi on s'empare de leurs bœufs; et, comme dit le trouvère,

Qui dont veïst les durs vilains errer,
Et doleoires et coigniées porter,
Tonneaus lier et toz renouveler,
Chars et charretes cheviller et barrer,
Dedens les tonnes les chevaliers entrer,
De grant barnage li peüst remembrer.

Guillaume prend l'accoutrement d'un marchand; son neveu Bertrand et quelques autres remplissent le rôle de serviteurs et conduisent les charrettes. On arrive à Nîmes, on y entre; les deux princes sarrasins qui y règnent sont d'abord joyeux à l'arrivée de ce riche convoi; mais l'un d'eux, voyant le marchand, à qui manque le bout du nez, s'effraye, et lui demande s'il ne serait pas ce Guillamue au court nez tant redouté des Sarrasins. Guillaume, à ces paroles inquiétantes, se met à rire, et explique que, s'il a perdu le nez, c'est que jeune il fit le métier de voleur; que pris, on lui infligea cette mutilation; et que maintenant il est marchand honnête. Mais bientôt une rixe s'élève, on lui tue deux de ses boeufs pour les manger; un des rois sarrasins lui arrache une poignée de barbe. A cet outrage, ne se contenant plus, il monte sur un perron, et il défie les Sarrasins à haute voix :

Felon païen, toz vos confonde Dex!
Tant m'avez hui escharni et gabé,

Et marcheant et vilain apelė;

Ge ne sui mie marcheans, par vertė!

Que par l'apostre qu'on quiert en Noiron pré,

Aucui sauroiz (vous saurez) quel avoir j'ai mené.

Aussitôt, d'un coup, il tue un des rois, et, mettant un cor à sa bouche,

Trois fois le sonne et en grelle et en gros.

A ce signal, les chevaliers défoncent les tonneaux; la mêlée s'engage et la ville est conquise.

Ainsi établi dans sa conquête, Guillaume commence à s'y ennuyer; il a tout en abondance, bons destriers, heaumes dorés, épées tranchantes, et pain et vin et chair salée et blé; mais il regrette douce France, co qui se dit dans tous ces poëmes; il en regrette les harpeurs, les jongleurs et les damoiselles. Il en veut aux Sarrasins qui le laissent tranquille :

Et Dex confonde Sarrazins et Esclers.
Qui tant nos lessent dormir et reposer,
Quant par efforz n'ont passée la mer,
Si que chascuns s'i peüst esprover!
Que trop m'ennuist ici à sejorner.

Dans cette disposition d'esprit, il voit arriver un chétif qui s'est échappé des prisons d'Orange. Orange est entre les mains des Sarrasins; Gillebert, qui est de grande vaillance, y fut captif trois ans, et Guillaume l'interroge avidement. Trois merveilles sont particulièrement vantées; la ville d'Orange, il n'est telle forteresse jusqu'au fleuve du Jourdain; la tour Gloriete, qui est de marbre; et dame Orable, qui est la femme d'un roi d'Afrique :

Bel a le cor, s'est gresle et eschevie,

Blanche a la char comme est la flors d'espine,

Vairs eulx (yeux) et clers, qui tot adès li rient.

A ce récit Guillaume jure qu'il aura Orange, Gloriete et la dame dont l'amour le saisit. En vain on lui représente les dangers qu'il court et la puissance des Sarrasins; la résolution est prise et rien ne peut l'en détourner; mais il n'y conduira ni cheval, ni palefroi, ni blanc haubert, ni écu, ni lance: il ira inconnu et déguisé. Gillebert viendra avec lui, non sans crainte et sans regret, car, à la proposition de Guillaume,

Lors vousist estre à Chartres ou à Blois,

Ou à Paris en la terre le roi.

Mais il ne peut refuser. Puis Guielin ne veut pas abandonner son oncle dans une entreprise aussi hasardeuse; et tous trois se font teindre, à l'aide d'une composition noire, de façon que

Très bien resemblent deable et aversier.

Ils se présentent aux portes d'Orange comme des messagers du roi d'Afrique, qui viennent apporter des nouvelles à son fils le roi de la ville, mais qui en route ont été pris par Guillaume et retenus à Nimes. Tout va bien d'abord; seulement, de temps en temps, le roi Aragon s'écrie qu'il voudrait bien tenir ici, dans son palais, le terrible Guillaume pour le livrer à tourment. A chaque menace de ce genre, le comte se recommande intérieurement à la protection céleste. Les voilà dans Gloriete, auprès de la reine Orable; mais un Sarrasin échappé de Nimes arrive et, assurant au roi Aragon qu'il a Guillaume en sa puissance, il lui en donne la preuve en frappant le chevalier au front avec une

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