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se laissent dériver de adnare; andare et andar se laissent dériver de aditare. Mais ni aditare ne peut donner directement anar ou aner, ni adnare ne peut donner directement andar ou andare. Il faut donc admettre ou qu'il y a eu deux formations provenant de deux radicaux différents l'une, dans le domaine hispano-italien; l'autre, dans le domaine franco-provençal (ce qui, jusqu'à preuve du contraire, répugne, les formations étant d'ordinaire simultanées dans les deux domaines); ou que andare a fourni aux francoprovençaux anar, aner, ou que anar, aner a fourni aux hispano-italiens andare, andar (ce qui répugne aussi, en l'absence de toute preuve positive). Le problème reste posé, non résolu.

A l'occasion d'espée, italien spada, espagnol espada, qui vient de spatha, M. Diez dit qu'en ancien espagnol et en ancien français ce mot est souvent masculin, et il cite Deste espada. (Poëme du Cid, 3676, etc.)

:

Il n'ont espée, ne soit bien acéré

(RAOUL DE CAMBRAI, p. 21.)

Je n'ai rien à dire sur l'exemple espagnol; mais je suis parfaitement sûr que l'exemple français ne peut valoir. Il est impossible qu'une forme ée soit du masculin, et le vers est très-certainement altéré; il faut lire ou :

Il n'ont espée, ne soit bien acérée,

ou, plutôt :

Il n'ont espié, ne soit bien acéré.

L'espié était la lance dont étaient armés les chevaliers. Les personnes qui s'occupent de l'étude des langues romanes sont impliquées dans une difficulté dont on ne sortira qu'à la longue. Beaucoup de textes sont inédits; ceux qui sont publiés ne reproduisent guère que les manuscrits. Mais les manuscrits, quoique source et point de départ de tout travail ultérieur, ont besoin d'être soumis à la révision de la critique, à mesure que la critique elle-même connaît mieux le sens des mots, leur forme correcte, leur orthographe et les règles de la versification. En un mot, il faut bien se persuader maintenant que ces textes, longtemps dédaignés, doivent être traités comme l'ont été les livres venus de l'antiquité. De combien de taches ceux-ci n'étaient-ils pas souillés, quand ils sont sortis pour la première fois des manuscrits qui les avaient transmis? Et combien de ces taches une étude persévérante n'a-t-elle pas fait disparaître? En attendant que les éditions 'des textes romans aient été améliorées sur ce modèle, on est souvent obligé de les discuter ou de les corriger avant d'en faire usage.

Les idiomes romans dérivant pour la plus grande partie du latin, pour une petite partie de l'allemand et pour une plus petite partie encore du celtique, et ces trois langues, le latin, l'allemand et le celtique, ayant fréquemment des radicaux communs, on peut quelquefois être embarrassé sur une dérivation, non pas quant au latin, dont la prédominance est si grande, mais quant à l'allemand et au celtique. Roi vient certainement de rex; pourtant il y avait, dans le celtique, un mot righ de même acception et de même radical. Sans

doute le mot righ ne peut entrer en compétition avec rex; mais, quand on trouve l'allemand block, suédois block, etc., et le bas-breton bloc'h, le gaélique bloc, à laquelle des deux sources faut-il rapporter le mot français bloc? Bouc vient-il de l'allemand bock, ou du basbreton bouc'h, gaélique boc? Briser doit-il être tiré de l'allemand brechen, anglais to break, ou du gaélique bris, irlandais brisim? Le mot dune, italien, espagnol et portugais duna, anglais down, est certainement celtique; car non seulement il se trouve dans une foule de noms de villes celtiques, tels que Lugdunum, Augustodunum, etc.; mais encore il existe présentement dans les langues celtiques : en irlandais, dûn, une ville forti · fiée; en gaélique dun, un tas, une colline; en kymri din, une ville fortifiée: Mais, si la provenance n'en était pas. aussi certaine, on pourrait vouloir le rattacher à l'allemand zaun, ancien haut-allemand zûn, ancien anglais tune, anglais moderne town, qui sont réellement d'un même radical que le celtique, radical signifiant enclore, enfermer.

Ce dernier exemple, je l'ai emprunté à un opuscule de M. Mahn, érudit allemand qui s'occupe aussi des langues romanes et qui a commencé une grande édition du texte des troubadours. Sous le titre de : Etymologische Untersuchungen auf dem Gebiete der romani schen Sprachen, il vient de publier trois Spécimens où il s'occupe soit de chercher une étymologie à des mots pour lesquels M. Diez n'en a pas donné, soit de soumettre, là où il diffère d'avis, à un examen ultérieur les étymologies données. C'est un utile supplément, que je dirais trop court s'il n'était pas interdit de de

mander à un auteur autre chose que ce qu'il a voulu fournir.

Un de ces articles où M. Mahn a voulu apporter sa contribution est blé, sur lequel, de fait, les trois langues concourent, ou plutôt sur lequel les étymologistes débattent à laquelle des trois langues il faut le rapporter, le latin, l'allemand ou le celtique. Blé, à côté duquel on trouve aussi blée, italien biada, provençal blat, est tiré par M. Diez de ablata, sous-entendu messis, ou simplement ablatum, ce qui a été enlevé, recueilli dans les champs. Le fait est qu'on a dans le bas-latin, ablatum, abladium avec le sens de blé; mais ces mots ont ici moins d'importance qu'on ne le croirait au premier abord; car ils dépendent d'un verbe abladiare, emblaver, qui a été formé du bas-latin bladum avec la préposition ad. Cela remarqué, la difficulté reste entière, à savoir comment il se fait qu'une aphérèse pareille ait pu s'opérer. S'il ne s'agissait que de l'italien, cette aphérèse serait tout à fait admissible; il y en a, dans cette langue, beaucoup d'exemples. Mais, pour qu'une étymologie romane soit bonne, il faut qu'elle satisfasse à toutes les conditions et qu'elle passe par toutes les filières. Or, celle-ci ne peut guère passer par la filière française. Aussi l'étymologie s'était-elle, avant M. Diez, adressée à la langue allemande, anglosaxon blada ou blæda, anglais actuel blade, tige, qui paraît tenir à l'allemand Blatt, feuille. Mais, comme le remarque M. Mahn, le celtique offre une dérivation plus directe; on trouve dans le bas-breton et le gallois blot, bleud, bled, blawd, qui signifient farine. Seulement, dès que l'on dépasse l'étymologie romane, on

reconnaît l'identité fondamentale des mots celtiques et germains; les uns et les autres se rattachant au sanscrit phull, phal, fleurir, qui donnent à la fois du côté grec púkov du côté latin folium et florere, et du côté allemand blühen, anglais to blow.

C'est cette concordance fréquente entre l'allemand et le celtique qui a engagé un érudit allemand, M. Holtzmann, à soutenir une thèse que je crois tout à fait paradoxale et qui est que jadis, au temps de l'invasion des Romains et sous leur domination, c'était non pas une langue celtique que l'on parlait dans les Gaules, mais une langue germanique, le celtique étant borné à la contrée où il est encore usité, c'est-à-dire la BasseBretagne. Non-seulement une telle thèse suppose le fait singulier d'une rélégation ancienne du celtique dans un coin, rélégation dont les écrivains de l'antiquité ne nous ont rien dit; mais encore il faudrait que M. Holtzmann démontrat que les mots gaulois que ces mêmes auteurs nous ont transmis sont non pas celtiques mais allemands. Les arguments dont il s'est servi dans la discussion sont absolument insuffisants, pour renverser une opinion qui s'appuie sur les dires de l'antiquité.

Je continue à suivre M. Mahn à propos de M. Diez, cela me donnant l'occasion de parler de l'un et de l'autre à la fois. M. Diez n'avait pas trouvé que abri, espagnol abrigo, provençal abric, et abrier, aujourd'hui abriter, abrigar, abricar, pussent provenir du latin apricus, disant que ce que le soleil éclaire est et demeure non couvert. Il avait donc cherché ailleurs, et conjecturé que le mot ancien haut-allemand birîhan,

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