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les rapports, il n'en était pas de même des verbes et de leur conjugaison. Là le système des flexions conservait tout son empire, non-seulement pour exprimer les personnes, mais aussi pour caractériser les modes et les temps. Sur ce dernier point, la conjugaison latine a été entamée à peine dans le plus-que-parfait et le futur passé de l'indicatif, dans le parfait et le plus-queparfait de subjonctif, dans le participe futur de l'actif et du passif, tous remplacés par des temps composés (amaveram, j'avais aimé; amavero, j'aurai aimé; amaverim, que j'aie aimé; amavissem, que j'eusse aimé ; amaturus, devant aimer; amandus, devant être aimé). Mais la puissance de la grammaire à flexions était si forte au moment où les langues romanes se formèrent, que, sur le type désinentiel, elles créèrent un mode qui manquait à la conjugaison latine, je veux dire le conditionnel : j'aimerais.

En résumé, toute langue étant constituée par un fond traditionnel qui est d'origine et que chaque nation peut modifier, non changer, l'histoire de cette langue étudie comment ce fond traditionnel se comporte à l'égard du développement social qui est la cause essentielle des modifications et à l'égard des événements politiques qui en sont la cause accidentelle (par exemple l'immixtion des Germains dans les populations romanes). L'idéal d'une telle histoire, d'un tel

développement, serait que, tout en satisfaisant aux exigences de l'esprit incessamment renouvelé, cette® langue restât toujours conséquente et fidèle aux principes de grammaire et de construction qui, donnés par sa constitution même, lui sont inhérents. Le développement réel est que cette conséquence et cette fidélité reçoivent de graves atteintes dans le cours du temps. Il faut dono s'attendre à deux choses dans une langue qui dure, l'accomplissement de la condition qui l'oblige à suivre le mouvement ascendant de la pensée collective, et l'infraction à l'analogie fondamentale qui lui inflige des blessures et lui laisse des cicatrices. On retrouve là l'oscillation entre la régularité et la perturbation qui est propre à toute évolution humaine. Telle est l'idée totale de l'histoire d'une langue.

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Je nomme langues romanes ou novo-latines les idiomes qui sont issus du latin après la chute de l'empire romain et l'invasion des barbares. Le domaine en est divisé en trois grands compartiments : l'Italie, l'Espagne et la Gaule; elles ne sont pas réparties exactement suivant ces compartiments; du moins la Gaule compte deux de ces langues, la langue d'oïl

et la langue d'oc; pourtant, comme il sera dit, la langue d'oc et la langue d'oil ont des caractères qui les rapprochent l'une de l'autre et les séparent de l'espagnol et de l'italien. Il y a donc quatre grandes langues novo-latines: l'italien, l'espagnol, le provençal ou langue d'oc, qui est éteinte comme langue politique et littéraire, et la langue d'oïl. Je ne compte pas ici le valaque, qui s'est trouvé de très-bonne heure séparé des communications avec l'ensemble latin. Quant au portugais et au catalan, ils sont compris dans le domaine espagnol et ne font pas une catégorie à part.

Peut-être plusieurs s'imagineront que la formation. des langues est un champ où le hasard, c'est-à-dire d'une part les volontés particulières, de l'autre les accidents, ont une large part; et que, par exemple, les langues issues du latin, naissant l'une en Italie, l'autre en Espagne et les deux autres en Gaule, à de si grandes distances, sur une si vaste étendue de pays et parmi des peuples d'origine si diverse, Italiens, Ibères et Gaulois, y compris même les Germains de l'invasion, doivent offrir les disparates les plus grandes. C'est le contraire qu'il faut penser; le fait est que, parmi les choses historiques, je ne sais vraiment laquelle on pourrait trouver plus rigoureusement assujettie à des conditions déterminées et à la constance de la régula

rité. Les mêmes lois de langage prévalent dans des circonstances toutes diverses; des milieux qui ne se ressemblent par rien autre se ressemblent par cela. La suprématie que Rome a perdue dans l'ordre des faits politiques se perpétue dans l'ordre du langage; les populations qu'elle a régies et assimilées pendant plusieurs siècles, non-seulement ne se laissent aller, de ce côté, à aucune défection, mais encore, comme si l'ancienne autorité qui avait été si fortement ressentie se réfugiait tout entière dans les mots et la syntaxe, les Italiens, les Espagnols et les Gaulois conservent celte sorte d'entente spontanée et de concert général pour obéir au latin. Ils en faisaient une refonte sans doute; mais cette refonte était régularisée par un esprit commun qui prolongea le règne de Rome dans un domaine aussi grand et aussi important, et qui fit que dans l'Occident il resta un groupe décidément latin. Remarquez que ce groupe est purement de formation politique et sociale; les Espagnols, les Italiens et les Gaulois n'avaient rien qui, de nature, les destinât à une pareille incorporation. Les liens que Rome avait créés se rompirent par l'invasion germanique; mais d'autres liens effectifs prirent la place de ce qui périssait, et la langue demeura la marque d'une communauté sinon d'origine, au moins d'histoire, d'expression et de pensée.

Voilà pourquoi il importe d'embrasser les quatre langues dans un coup d'œil d'ensemble. La première grande communauté est le fond latin. A l'origine le latin n'occupait qu'une petite partie de l'Italie, mais peu à peu il expulsa le grec au midi, l'étrusque au centre, le gaulois au nord, et il devint la langue unique. Ce qu'il avait fait pour le pays où il était indigène, il le fit non moins radicalement pour ceux où il était exotique, et il effaça du domaine de l'histoire l'ibère dans l'Espagne, le celtique dans les Gaules. Quand les barbares vinrent, cette assimilation était assez complète pour qu'ils n'aient trouvé devant eux, dans les vastes contrées où ils substituaient leurs chefs aux chefs latins, qu'une seule langue. Ils en apporlaient une nouvelle, à savoir les différents dialectes de l'idiome germanique; et, avant toute décision historique, on aurait pu douter si, au sortir de la crise, ce serait de l'allemand modifié ou du latin modifié que l'on parlerait dans les anciennes terres de l'empire. Chez les Bretons de la Grande-Bretagne l'élément germanique triompha, expulsant le latin, qui n'y avait fait qu'une apparition, et le celtique, qui y était indigène; sur le continent ce fut le latin qui triompha, le germanisme, sauf empreinte laissée, disparut; l'étrusque, l'ibère, le celtique ne reparurent pas; et le domaine romain, demeuré, quant à la politique, en proie aux

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