devoir, à développer ses facultés par le libre exercice, à agir en vertu d'un principe interne, en vertu de sa conscience toujours grandissante. Ses attributs propres et les plus relevés sont le gouvernement de soi-même, le respect de soi-même, la force de la pensée, la force de choisir le juste et le bien, la force de secouer toute autre domination. Il a été créé pour exercer l'empire au fond de son cœur, et malheur, malheur à ceux qui voudraient lui arracher ce sceptre! Un esprit, doué par Dieu de raison et de conscience, et capable, grâce à ces dons, de progresser dans la vérité et le devoir, est une chose sacrée, plus sacrée que les temples faits de main d'homme, ou même que tout l'univers extérieur. Il est d'une plus noble lignée que celle dont l'aristocratie humaine est si orgueilleuse. Il porte les traits d'un ancêtre divin. Il a un rapport non-seulement physique, mais moral avec l'Étre suprême. A cause de son pouvoir de se déterminer soi-même, il est responsable de ses actes et de tout ce qu'il devient. L'imputabilité, qui au-dessus de toutes choses rend l'existence sérieuse, lui est imposée comme loi. Sa fin souveraine est de se conformer, par sa propre énergie et par les secours spiritueis que lui assurent ses propres prières et sa propre sincérité, à cette perfection de sagesse et de bonté, dont Dieu est le modèle et la source, qui éclate sur nous dans le monde extérieur tout entier, mais dont l'âme intelligente est un récipient plus fidèle et une image plus glorieuse, que le soleil lui-même avec toutes ses splendeurs. Ces réflexions nous apprennent qu'il n'y a pas d'outrage, pas de préjudice comparable au tort causé par quiconque veut dompter et subjuguer l'esprit humain, priver l'homme du respect de soi-même, l'amener à avoir davantage en honneur l'autorité extérieure que la raison et la conscience au fond de son âme mème, faire de sa personnalité un drapeau et une loi pour son espèce, et, par la force ou la terreur, plier les esprits libres des autres à son opinion et à sa volonté propres. Toute prééminence, intellectuelle ou morale, implique, comme éléments essentiels, la liberté, l'énergie et l'indépendance morale, de sorte que celui qui s'attaque à elles, soit du haut du trône, soit du haut de la chaire, s'attaque à l'intérêt le plus sacré de l'espèce humaine. La prééminence intellectuelle implique et exige ces conditions. En effet, elle ne consiste pas dans un assentiment passif, mème aux plus hautes vérités, ni dans l'accumulation la plus considérable de connaissances acquises par une foi aveugle, et logées dans une mémoire inactive. Elle repose au contraire sur la vigueur, la verdeur et l'indépendance de la pensée; elle se manifeste de la manière la plus apparente chez celui qui, aimant la vérité au suprême degré, la cherche avec résolution, suit la lumière sans crainte, et modifie les vues d'autrui par l'exercice patient et laborieux de ses propres facultés. Pour un homme libre ainsi, intellectuellement parlant, la vérité est, non pas ce qu'elle est pour la multitude passive, une substance étrangère, inerte, sans vie, infructueuse, mais bien une substance pénétrative, féconde, pleine de vitalité, et concourant à la santé et à l'expansion de l'âme. Et ce que nous venons de dire de la prééminence intellectuelle est encore plus vrai de la prééminence morale. Celle-ci a ses fondements et sa racine dans la liberté et ne peut exister un moment sans elle. La véritable idée de la vertu, c'est qu'elle est un acte libre, le produit ou le résultat de ce pouvoir qu'a l'esprit de se déterminer soi-même. Ce n'est pas un bon sentiment, infusé par la nature ou communiqué par la sympathie; ce n'est pas une bonne direction, dans laquelle nous sommes tombés par esprit d'imitation, ou qui nous a été imposée par la volonté d'autrui. C'est nous-mêmes qui sommes ses auteurs, dans le sens élevé et propre du mot. Nous dépendons sans doute de Dieu, quant à la vertu; car notre capacité d'agir moralement est entièrement un don et une inspiration venant de lui, et sans son assistance continuelle cette capacité ne servirait de rien. Mais son assistance n'est pas de la contrainte. Il respecte, il ne peut pas violer cette liberté morale qui est son plus riche bienfait. C'est à l'individu à déterminer son propre caractère. Il a plus qu'une autorité royale sur sa propre âme. Qu'il ne l'abandonne jamais. Que personne n'ose intervenir là. Car la vertu est l'empire sur soi-même, ou ce qui est la même chose, c'est la soumission spontanée au principe du devoir, cette loi suprème de l'âme. Si cette manière d'envisager la prééminence intellectuelle et morale est juste, alors s'attaquer à la liberté des hommes, c'est diriger le coup le plus mortel contre leur dignité et leur bonheur; et leur plus terrible ennemi, c'est celui qui charge leur raison de chaînes, qui fait de sa volonté leur loi, qui les transforme en instruments, en échos, en copies de sa personne. Peut-être objectera-t-on contre cette façon de représenter la vertu comme consistant dans l'empire sur soi-même, que l'Écriture parle d'elle comme consistant dans l'obéissance à Dieu. Mais ce sont là des idées parfaitement compatibles et en harmonie l'une avec l'autre; car la véritable obéissance à Dieu est le libre choix et la libre adoption d'une loi, dont les grands principes sont approuvés par notre propre esprit et sont regardés comme obligatoires par notre propre conscience; d'une loi qui est, non pas une injonction arbitraire, mais l'émanation et l'expression de l'esprit divin, et qui a toujours pour but de communiquer de la vigueur, de la dignité et de l'ampleur à nos meilleures facultés. Celui-là, et celui-là seul, obéit à Dieu d'une façon vertueuse et agréable, qui respecte le droit, non la puissance, qui a choisi la droiture pour sa règle suprème, qui voit et révère en Dieu la plénitude et la splendeur de l'excellence morale, et qui voit dans l'obéissance le progrès et la perfection de sa propre nature. Mais cette soumission à la divinité, qui, nous le craignons, est trop commune, et dans laquelle l'esprit se courbe devant la simple puissance et la simple volonté, est tout autre chose que la vertu. C'est, nous le redoutons, un acte de déloyauté envers ce principe moral qu'il faut toujours respecter comme le représentant de Dieu dans l'âme douée de raison. Peut-être quelques uns craindront-ils, que dans notre zèle ardent pour la liberté et l'indépendance de l'esprit individuel, nous ne jetions des doutes sur le gouvernement et que nous ne fassions presque supposer que c'est un mal. Loin de là. Nous tenons le gouvernement pour un des moyens essentiels de notre éducation intellectuelle et morale, et nous voudrions le fortifier en en faisant ressortir les fonctions légitimes. Le gouvernement, pour autant qu'il soit juste, est le gardien et l'ami de la liberté, de sorte qu'en exaltant l'une nous renforçons l'autre. Le but le plus élevé de toute autorité est de conférer la liberté. Cela est vrai dans le domaine de la famille. Le grand, nous pouvons même dire, le seul objet du gouvernement paternel, d'une éducation sage et vertueuse, c'est de mettre l'enfant à même de déployer le plus complétement ses propres facultés, de susciter en lui la force intérieure, de lui enseigner à se gouverner lui-même. La même chose est vraie de l'autorité de Jésus-Christ. Il vint sans doute pour dominer sur l'humanité; mais pour dominer, non par des décrets arbitraires, non par la force et la |