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recherche des emplois et les sacrifices à la popularité, qui déshonorent notre condition intérieure, sont disposées à approuver une politique tortueuse ou égoïste à l'égard des nations étrangères, du moment qu'une pareille politique peut procurer de grands avantages à leur propre pays. Or la grande vérité, qui sert de base à la cause de la vertu, c'est que l'équité est une loi éternelle, immuable et universelle, liant aussi bien le ciel que la terre, qu'elle est la perfection du caractère de Dieu et qu'elle constitue l'harmonie et le bonheur de la création rationnelle; aussi, selon que les institutions politiques jettent du doute sur cette grande conviction, selon qu'elles enseignent que la vérité, la justice et la fraternité sont des obligations locales, partielles, exigeant l'hommage du faible, mais s'inclinant devant celui qui exerce le pouvoir, selon qu'elles insultent ainsi la majesté imposante et inviolable de l'éternelle loi, dans la même proportion elles sapent les fondements de la vertu d'un peuple.

Par rapport à l'autre grand intérêt de la société, son côté intellectuel, le gouvernement peut faire beaucoup de bien par une influence directe, c'est-àdire, en instituant des écoles ou en accordant des ressources pour l'instruction des classes pauvres. S'il agirait plus sagementen assumant sur lui-mème, ou en abandonnant aux efforts individuels, le soin de pourvoir à l'établissement d'institutions littéraire plus élevées, c'est une question diflicile à résoudre.

Mais personne ne révoquera en doute, que ce ne soit une noble mission de faciliter et de développer les connaissances dans les classes de la société, que leur condition pénible expose à une existence purement animale. Néanmoins l'action du gouvernement par rapport au développement de l'intelligence est nécessairement superficielle et restreinte. Les grandes sources de la force et du progrès intellectuels chez un peuple, ce sont des penseurs vigoureux et originaux, quelque part qu'on les trouve. Le gouvernement ne peut pas étendre les limites de la connaissance, et il ne le fait pas; il ne peut pas entreprendre des expériences dans les laboratoires, ni explorer les lois des règnes animal et végétal, ni établir les principes de critique, de morale et de religion. L'énergie requise pour faire progresser l'intelligence d'un peuple, est particulièrement du domaine des forces individuelles d'hommes privés, qui se consacrent au labeur solitaire de la pensée, qui respectent la vertu, qui font naître des manières de voir conformes à leur époque, qui nous aident à secouer le joug des préjugés dominants, qui améliorent les procédés surannés d'éducation ou en inventent de meilleurs. Il est vrai que des grands hommes à la tête des affaires peuvent contribuer, et contribuent souvent beaucoup au développement de l'esprit d'une nation. Mais trop souvent il arrive que leur position y fait obstacle bien plus que leur utilité ne le favorise. Leurs relations avec un parti et

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l'habitude d'envisager les choses par rapport à leur agrandissement personnel, obscurcit trop souvent les intelligences les plus élevées, et convertit en protecteurs de vues étroites et d'intérêts temporaires ceux qui, dans d'autres conditions, auraient été les lumières de leur temps et les propagateurs de l'éternelle vérité. Par ces remarques sur l'influence limitée du gouvernement quant aux intérêts les plus précieux de la société, nous comprenons que le pouvoir politique n'est pas le pouvoir le plus relevé, et que pour le progrès de l'intelligence, il doit cesser d'ètre convoité comme la distinction principale et la plus honorable sur la terre.

Si nous passons maintenant à la considération de cet intérêt, auquel on s'attend surtout que le gouvernement doive veiller, et sur lequel il est le plus compétent pour agir avec autorité, nous n'arriverons pas à un résultat très-différent de celui que nous venons de mettre en relief. Nous voulons parler de la propriété ou de la richesse. Que l'influence des institutions politiques sur ce point considérable soit importante et inappréciable, c'est ce que nous ne prétendons pas nier. Mais, comme nous l'avons déjà suggéré, elle est principalement négative. Le gouvernement enrichit un peuple en écartant les obstacles au déploiement de ses forces, en le protégeant contre tout dommage, et en lui fournissant l'occasion de s'enrichir lui-même. La source de la richesse des nations est, non pas le gouvernement, mais leur propre sagacité, leur propre industrie, leur propre esprit d'entreprise, et leur propre vigueur de caractère. Abandonner un peuple à luimême est généralement le meilleur service que ses gouvernants puissent lui rendre. Il y eut un temps où les souverains fixaient les prix et les sa laires, réglaient l'industrie et les frais d'exploitation, et s'imaginaient qu'une nation mourrait de faim et s'éteindrait, si elle n'était guidée et gardée comme un enfant. Mais nous avons appris que les hommes sont leurs propres et leurs meilleurs gardiens, que la propriété est mieux garantie quand elle est abandonnée à ses propres soins, et que, généralement parlant, même les grandes entreprises peuvent mieux s'accomplir par l'association volontaire des individus que par l'État. En effet, à chaque pas de cette discussion, nous avons rencontré cette vérité, que le pouvoir politique est un faible ressort comparé à l'intelligence, à la vertu et à l'effort individuels; et ce que nous désirons le plus vivement, c'est de fortifier cette vérité, parce que en concevant une idée exagérée du gouvernement, les hommes sont disposés à attendre de lui ce qu'ils doivent faire par eux-mêmes, et à rejeter sur lui le blame qui doit retomber sur leur propre faiblesse et leur propre imprévoyance. Le grand espoir de la société c'est le caractère individuel. La civilisation et les institutions politiques sont elles-mèmes des sources d'une quantité de maux que rien ne peut détourner ni adoucir, si ce n'est l'énergie intellectuelle et morale des citoyens privés. Tels sont, par exemple, les inégalités monstrueuses de la propriété, les contrastes déplorables de condition, qui déparent une vaste cité, que les lois créent et ne peuvent faire disparaître, qui ne peuvent être adoucis et amoindris que par un principe de contrainte morale chez les classes pauvres et par une sage générosité chez les riches. La grande leçon à retenir pour les hommes, c'est que leur bonheur est dans leurs propres mains, qu'il doit être le produit de leur propre fidélité envers Dieu et de leur conscience, que les institutions extérieures ne peuvent suppléer à l'absence du principe interne, de l'énergie morale, tandis que celle-ci peut aller jusqu'à suppléer à l'absence de presque toute assistance extérieure.

Nos réflexions prouvent que notre estime pour les institutions politiques est plus modérée que celle qui prévaut d'ordinaire, et que nous regardons le pouvoir, pour lequel l'ambition a tramé tant de complots et versé tant de sang, comme destiné à occuper une place de plus en plus restreinte parmi les moyens d'être utile et dese distinguer. Il y acependant une branche du gouvernement, pour laquelle nous professons une grande vénération, que nous réputons comme un bienfait inappréciable et contre laquelle, pour rien au monde, nous ne voudrions lancer un mot de nature à la ravaler; et nous sommes d'autant plus disposé à en parler, que sa

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