mais leur propre sagacité, leur propre industrie, leur propre esprit d'entreprise, et leur propre vigueur de caractère. Abandonner un peuple à luimême est généralement le meilleur service que ses gouvernants puissent lui rendre. Il y eut un temps où les souverains fixaient les prix et les sa laires, réglaient l'industrie et les frais d'exploitation, et s'imaginaient qu'une nation mourrait de faim et s'éteindrait, si elle n'était guidée et gardée comme un enfant. Mais nous avons appris que les hommes sont leurs propres et leurs meilleurs gardiens, que la propriété est mieux garantie quand elle est abandonnée à ses propres soins, et que, généralement parlant, même les grandes entreprises peuvent mieux s'accomplir par l'association volontaire des individus que par l'État. En effet, à chaque pas de cette discussion, nous avons rencontré cette vérité, que le pouvoir politique est un faible ressort comparé à l'intelligence, à la vertu et à l'effort individuels; et ce que nous désirons le plus vivement, c'est de fortifier cette vérité, parce que en concevant une idée exagérée du gouvernement, les hommes sont disposés à attendre de lui ce qu'ils doivent faire par eux-mêmes, et à rejeter sur lui le blame qui doit retomber sur leur propre faiblesse et leur propre imprévoyance. Le grand espoir de la société c'est le caractère individuel. La civilisation et les institutions politiques sont elles-mêmes des sources d'une quantité de maux que rien ne peut détourner ni adoucir, si ce n'est l'énergie intellectuelle et morale des citoyens privés. Tels sont, par exemple, les inégalités monstrueuses de la propriété, les contrastes déplorables de condition, qui déparent une vaste cité, que les lois créent et ne peuvent faire disparaître, qui ne peuvent être adoucis et amoindris que par un principe de contrainte morale chez les classes pauvres et par une sage générosité chez les riches. La grande leçon à retenir pour les hommes, c'est que leur bonheur est dans leurs propres mains, qu'il doit être le produit de leur propre fidélité envers Dieu et de leur conscience, que les institutions extérieures ne peuvent suppléer à l'absence du principe interne, de l'énergie morale, tandis que celle-ci peut aller jusqu'à suppléer à l'absence de presque toute assistance extérieure. Nos réflexions prouvent que notre estime pour les institutions politiques est plus modérée que celle qui prévaut d'ordinaire, et que nous regardons le pouvoir, pour lequel l'ambition a tramé tant de complots et versé tant de sang, comme destiné à occuper une place de plus en plus restreinte parmi les moyens d'être utile et de se distinguer. Il y acependant une branche du gouvernement, pour laquelle nous professons une grande vénération, que nous réputons comme un bienfait inappréciable et contre laquelle, pour rien au monde, nous ne voudrions lancer un mot de nature à la ravaler; et nous sommes d'autant plus disposé à en parler, que sa valeur relative nous semble peu comprise. Nous voulons faire allusion au pouvoir judiciaire, cette branche d'administration qui vaut toutes les autres dans un État. Tandis que les hommes politiques dépensent leur zèle pour des intérêts transitoires, dont la principale importance dérive peut-être de leur rapport avec un parti, il est du ressort du juge d'appliquer ces lois imposantes et universelles du droit, d'où dépendent essentiellement la sécurité, l'industrie, et la prospérité des individus et de l'État. De son tribunal, comme d'un trépied sacré, découlent les décisions de la justice. A nos yeux il n'y a rien, dans tout le mécanisme des institutions civiles, de si intéressant et de si respectable, que cette application impartiale et pleine d'autorité des principes de la législation morale. L'administration de la justice dans ce pays, où le juge, sans garde, sans soldats, sans pompe, décide des intérêts les plus chers des citoyens, se confiant avant tout pour l'exécution de ses sentences sur le sentiment moral de la société, est l'aspect le plus beau et le plus encourageant, sous lequel notre gouvernement puisse être envisagé. Nous le répétons, il n'y a rien dans les affaires publiques de si respectable que la voix de la justice, se manifestant par ses délégués, atteignant et subjuguant aussi bien le puissant que le faible, plaçant une barrière autour de la splendide demeure du riche et de l'humble cabane du pauvre, réprimant l'iniquité, protégeant l'innocence, humiliant les oppresseurs, et proclamant pour tout être humain les droits de la nature humaine. Nous avouons que souvent nous nous en retournons de la salle du congrès, la douleur et l'humiliation au cœur, parce que nous y voyons le législateur oublier la majesté de ses fonctions, oublier les liens qui l'unissent à une vaste et grandissante société, et sacrifier la prospérité publique à son parti ou à son intérêt personnel; et alors ce qui nous console, c'est de nous rendre à la cour de justice, où le dispensateur des lois, fermant l'oreille à toutes les sollicitations de l'amitié ou de l'intérêt, faisant abstraction pour un moment de tout attachement privé, oubliant l'opinion publique, et résistant au sentiment public, ne s'inquiète que de ce qui est JUSTE. Nous jetons un regard d'espérance et de joie sur nos tribunaux, ce rendez-vous et ce refuge de la faiblesse et de l'innocence. Nous nous glorifions, avec un vertueux orgueil, de ce qu'aucun souffle de corruption n'ait encore vicié l'air pur qu'on y respire. A cette branche-là du gouvernement nous ne pouvons attribuer trop d'importance. Sur elle nous ne pouvons veiller avec trop de jalousie. Toute atteinte à son indépendance, nous devons la ressentir et la repousser, comme le plus grand dommage que puisse essuyer notre pays. Malheur, malheur à la main impie, qui voudrait ébranler cette colonne, la plus sacrée et la plus précieuse de l'édifice social! Dans les remarques que nous venons de soumettre à nos lecteurs, nous avons traité de grands sujets, sinon dignement, du moins, nous en avons la confiance, avec des intentions pures. Nous avons eu pour but de démasquer la passion de la domination, le désir de gouverner le genre humain. Nous nous sommes efforcé de montrer la supériorité du pouvoir, de l'influence morale sur cette autre influence, qui pendant des siècles a été confisquée par des mains avides et sanglantes. Nous nous sommes efforcé de soulever une immense réprobation contre celui qui voudrait établir l'empire de la force brutale sur des êtres doués de raison. Nous nous sommes efforcé de signaler comme l'ennemi de sa race, l'homme qui, de quelque manière que ce soit, voudrait enchaîner l'esprit humain et soumettre les volontés des autres à la sienne. En un mot, nous avons voulu réveiller chez les autres et en nous-même un juste respect de soi-même, le libre usage et la libre expansion de nos facultés les plus sublimes, et spécialement cette force morale, cette énergie d'une résolution sainte, vertueuse, sans laquelle nous som– mes des esclaves au milieu des institutions les plus libres. Nous ne pouvons pas implorer de Dieu de meilleurs bienfaits, ni consacrer nos vies à de plus nobles acquisitions. |