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nette. C'était là une cruauté, que ne peuvent justifier niles lois ni les usages de la guerre, quelque barbares qu'ils soient. C'était là l'action d'un bandit et d'un sauvage; et elle doit être réprouvée par tous les honnêtes gens qui savent apprécier et qui veulent qu'on respecte les adoucissements inspirés par le christianisme dans la conduite des hostilités de nation à nation.

Le grand événement qui prit place ensuite dans l'histoire de Bonaparte, fut l'usurpation du pouvoir suprême de l'état, et l'établissement du despotisme militaire en France. Nous n'avons pas le désir de nous étendre sur les particularités de cet acte criminel, et nous n'avons pas le moindre souci de nous assurer, si, dans cette occasion, notre héros perdit le courage et la possession de soi-même, comme on prétend que cela est arrivé. Nous nous inquiétons davantage d'exprimer notre conviction de l'infamie de cet outrage à la liberté et à la justice. Pour justifier ce crime, on ne peut alléguer qu'un motif. Napoléon, dit-on, saisit les rênes, parce que s'il les avait laissé échapper, elles seraient tombées dans d'autres mains. Il réduisit la France à l'esclavage, dans un moment où, si lui-même l'avait épargnée, elle aurait trouvé un autre tyran. En admettant la vérité de cette excuse, n'est-ce pas le même raisonnement que celui du voleur de grand chemin, qui dépouille et assassine le voyageur, parce qu'une autre main était sur le point de s'emparer du même

butin, ou parce qu'un autre poignard était prêt à commettre le même acte sanguinaire? Nous savons bien que l'indignation, avec laquelle nous envisageons le crime de Napoléon, trouvera de l'écho dans peu de poitrines; car pour la multitude un trône est une tentation à laquelle il n'y a pas de vertu capable de résister. Mais la vérité morale est immuable, au milieu de tous les raisonnements humains basés sur le sophisme, le ridicule et l'abjection, et le temps viendra où il se rencontrera une voix éloquente pour la proclamer. De tous les crimes contre la société, l'usurpation est le plus atroce. Celui qui lève une main parricide contre les droits et la liberté de son pays, qui pose le pied sur le cou de trente millions de ses concitoyens, qui concentre dans sa seule main les pouvoirs d'un puissant empire, et qui emploie les forces de cet empire, en consume les trésors, et en verse le sang comme de l'eau, pour rendre les autres nations esclaves et faire du monde sa proie, cet homme, puisqu'il réunit tous les crimes dans sa carrière sanglante, devrait être mis au ban de la race humaine, pour lui inspirer une horreur sans mélange et sans mesure, et devrait porter sur son front coupable une marque aussi infamante que celle du premier assassin venu. Nous ne pouvons penser de sang-froid à celui qui charge de chaînes tout un peuple et soumet des millions d'hommes à sa seule volonté, ni à des contrées entières placées à l'ombre de la tyrannie d'un être aussi frèle

que nous-même. Aussi, l'esprit plein d'angoisses, nous écrions-nous : Combien de temps encore un monde abject baisera-t-il le pied qui le foule? Combien de temps encore le crime trouvera-t-il un abri dans son aggravation même et dans ses excès?

Peut-être dira-t-on que nous nous enflammons d'indignation contre Napoléon, non pas tant parce qu'il fut despote, que parce qu'il devint despote par usurpation; que nous ne semblons pas tant hair la tyrannie en elle-même qu'une manière particulière d'y arriver. En effet, nous regardons l'usurpation comme un crime d'une noirceur toute spéciale, surtout quand il est commis, comme dans le cas de Napoléon, au nom de la liberté. Cependant nous détestons tout despotisme, usurpé ou héréditaire. A nos yeux, c'est le mal, c'est l'affront le plus grave qu'on puisse infliger à la race humaine. Mais pour le despote héréditaire nous ressentons plus de pitié que d'indignation. Nourri et élevé dans l'erreur, adoré dès le berceau, n'entendant jamais le langage hardi de la vérité, instruit à regarder la grande masse de ses semblables comme une espèce inférieure, et à concevoir le despotisme comme une loi naturelle et comme un élément nécessaire de la vie sociale; un pareil prince, à qui son éducation et sa position enlèvent presque la possibilité d'acquérir un sentiment moral sain et une vertu måle, ne doit pas être jugé sévèrement. Tout en absolvant pourtant le despote d'une grande part de la culpabilité qui semble s'at

tacher d'abord à son pouvoir sans frein et sans mesure, nous n'en tenons pas moins le despotisme pour un mal maudit. Nous en avons la confiance, le moment de sa chute arrivera. Il ne peut tomber trop tôt. Voilà assez longtemps qu'il a extorqué du travailleur son gain péniblement acquis; assez longtemps qu'il a gaspillé les richesses d'une nation au profit de quelques parasites et de quelque favoris; assez longtemps qu'il a fait la guerre à la liberté de l'esprit et qu'il a entravé le progrès de la vérité. Il a rempli assez de prisons avec les braves et honnêtes gens et assez versé le sang des amis de leur pays. Que sa fin arrive! Elle ne peut venir trop tôt.

Nous avons ainsi suivi Bonaparte jusqu'au moment de sa prise de possession du pouvoir suprême. Ceux qui s'étaient associés à lui pour renverser le gouvernement du Directoire, essayèrent de contenir dans de certaines bornes l'autorité du premier Consul qui allait prendre sa place. Mais il les repoussa avec indignation. Il tenait l'épée, et avec ce talisman nonseulement il intimida les égoïstes, mais il tint dans l'assujétissement et réduisit au silence les patriotes, qui comprirent trop clairement qu'on ne pouvait la lui arracher qu'en renouvelant les horreurs de la Révolution. Nous allons maintenant passer en revue quelques uns des moyens, par lesquels il consolida son pouvoir et l'éleva jusqu'à la dignité impériale. Nous les envisageons comme des indices bien plus importants de son caractère que ses campagnes

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consécutives, auxquelles par conséquent nous n'accorderons que peu d'attention.

Une de ses premières mesures pour donner de la stabilité à son pouvoir fut certainement sage et évidemment dictée par sa situation et son caractère. S'étant emparé de la première dignité de l'état par la force militaire, et s'appuyant sur une soldatesque dévouée, il ne se trouva pas dans la nécessité de se lier à l'un des partis qui avaient déchiré son pays; c'eût été un vasselage devant lequel son esprit dominateur se serait difficilement humilié. Sa politique et son amour de l'autorité lui suggérèrent l'idée d'employer indistinctement tous les chefs de parti; et la plupart de ceux-ci étaient devenus si égoïstes et étaient tellement découragés de la marche désastreuse de la Révolution, qu'on les trouva tout disposés à rompre avec leurs anciens attachements et à partager les dépouilles de la République avec un maître. I adopta donc un système d'indulgence large, dont les émigrés mèmes ne furent pas exclus, et il eut la satisfaction de voir presque tous les hommes de talent, que la Révolution avait fait surgir, se liguer en faveur de la réalisation de ses plans. Grâce aux hommes capables, qu'il appela à son aide, les finances et l'administration de la guerre, qui étaient tombées dans une confusion de nature à entrainer la ruine de l'état, furent bientôt remises en bon ordre, et l'on pourvut aux ressources et aux forces nécessaires pour réparer les dé

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